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Des bénéfices connexes dans la consolidation du droit et dans l’accès au droit

II. ÉTUDES DE CAS

5. Des bénéfices connexes dans la consolidation du droit et dans l’accès au droit

Le bilan quantitatif précis est difficile à établir mais la réduction massive du nombre de lois est évidente. En conséquence de toutes les mesures d’abrogation confondues entre 2005 et 2012, le corpus des lois italiennes en vigueur compte aujourd’hui un peu plus de 10 000 textes, d’après le ministère pour la simplification et l’administration publique, soit une diminution d’au moins la moitié et peut-être des deux tiers selon les estimations incertaines des différents rapports officiels.

1 Les débats ont porté notamment sur la différence entre être en vigueur et rester en vigueur lorsque par mégarde on a abrogé expressément des dispositions déjà tacitement abrogées : à quel moment l’abrogation est-elle véritablement intervenue ? L’abrogation expresse n’a-t-elle pas conduit à prolonger rétroactivement les effets d’une disposition caduque ? Les cas d’abrogations d’abrogation ont également posé problème : donnent-elles lieu involontairement à la reviviscence malheureuse de dispositions anciennes ? Lorsqu’elles sont souhaitées pour corriger une erreur, faut-il respecter un parallélisme des formes entre les deux actes ou peut-on recourir à deux types de véhicules différents ?

Demeurent des difficultés et des besoins de correction qui pourraient réapparaître à tout moment, mais qui semblent aujourd’hui jugulés. Ils étaient inévitables au regard de la tâche et ils n’ont pas conduit à accroître l’incertitude sur le droit en vigueur.

La clause guillotine ne devrait plus être réactivée pour l’instant, d’autant que la Cour constitutionnelle a fait écho aux préoccupations des régions italiennes dans sa décision 200/2012 du 17 juillet 2012 en sanctionnant des abrogations automatiques dès lors que leur portée est trop indéterminée et leurs conséquences pour les collectivités trop incertaines. Le recours ponctuel aux lois de simplification ciblant des mesures obsolètes paraît en revanche devoir perdurer.

Le vrai bénéfice à long terme serait plutôt à chercher dans la mobilisation collective au long cours sur un projet commun, dans l’effort de recensement du droit existant, dans la consolidation des textes et dans l’institution du site normattiva.it, équivalent de légifrance très longtemps attendu.

L’INSCRIPTION CONSTITUTIONNELLE DES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

À la demande de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la Commission des Lois, la division de la législation comparée a mené une recherche sur l’inscription constitutionnelle des enjeux environnementaux. Après une revue globale de littérature, elle a conduit une étude plus précise sur 11 pays en Europe (Allemagne, Belgique, Norvège, Pays-Bas, Portugal), en Amérique du Nord (Canada, États-Unis) et du Sud (Argentine, Brésil, Équateur) et en Asie (Inde). Pour chacun d’entre eux une fiche synthétique résume les principaux enseignements tirés de la lecture des textes constitutionnels, de la jurisprudence et de la doctrine.

I.SYNTHÈSE GÉNÉRALE

La constitutionnalisation des enjeux environnementaux, et en particulier la protection constitutionnelle de droits environnementaux, s’inscrit dans un processus généralisé touchant toujours davantage d’États depuis les années 1970. Elle vaut pour une très large majorité de pays, quels que soient leur système juridique et politique, leur culture, leur zone géographique. Pourtant certaines exceptions à ce mouvement mondial se révèlent frappantes : l’Australie, le Canada, le Danemark, les États-Unis, l’Irlande, le Japon et le Royaume-Uni ne reconnaissent pas constitutionnellement de droits environnementaux malgré des débats intérieurs vifs.

On remarque dans cette liste une forte prédominance de pays de Common Law, bien que le Danemark et le Japon n’appartiennent pas à cette tradition. Toutefois, l’Inde, le Pakistan, le Népal, le Bangladesh, les Philippines et l’Afrique du Sud qui relèvent de la Common Law ou d’un système mixte accordent une protection constitutionnelle aux droits environnementaux, notamment grâce à l’engagement des Cours suprêmes et l’exercice de leur pouvoir d’interprétation. Il est donc impossible de généraliser et de proposer un facteur explicatif global à ces exceptions, toujours liées à l’histoire politique particulière de ces nations et qui pourraient aussi s’effacer rapidement avec une décision de leur Cour suprême à défaut d’amendement constitutionnel.1 En outre, ces pays francs-tireurs sont souvent parties à des conventions internationales spécialisées de protection de l’environnement, qui peuvent dans certains cas produire des effets en droit interne.

1 Le cas du Royaume-Uni est plus complexe, en raison de la nature même de sa constitution, qui n’est pas totalement coutumière mais qui n’est pas rassemblée dans un texte consolidé, en raison du principe de la souveraineté parlementaire qui ne place rien au-dessus de la loi, et en raison de la division juridique entre l’Angleterre-Pays de Galles, l’Ecosse et l’Irlande du Nord. À l’évidence, le Bill of Rights d’Angleterre et du Pays de Galles de 1689, texte constitutionnel de protection des droits fondamentaux, ne prévoit pas le cas de la protection de l’environnement.

Dans les pays qui ont inscrit les enjeux environnementaux au sens large dans leur constitution, on peut distinguer différents types de dispositions selon plusieurs critères. Formellement, certaines constitutions (Bolivie, Brésil, Équateur, Portugal) sont très prolixes et détaillées dans le domaine environnemental, d’autres laconiques (Allemagne, Belgique, Norvège, Pays-Bas). Matériellement, les premières ont tendance à couvrir explicitement des domaines spécifiques (ressources non renouvelables, biodiversité, patrimoine génétique et OGM, déchets radioactifs, lutte contre la pollution de l’air, de l’eau et des sols, éducation à l’environnement, bien-être animal…) et à formuler des principes de gestion rationnelle des ressources naturelles, de précaution en cas d’incertitude scientifique et de responsabilité du pollueur, les secondes se contentent de formules génériques. L’approche anthropocentrique, assimilant la protection de l’environnement à la limitation des effets de la pollution ou de l’épuisement des ressources sur les sociétés humaines, prédomine.

Les constitutions peuvent prévoir la fixation d’objectifs ou de lignes directrices à l’État et aux pouvoirs publics, en général rassemblés dans une stratégie de développement durable tenant compte des responsabilités collectives à l’égard des générations futures. Au-delà de l’échantillon étudié ci-dessous, ces directives de politique publique concernent l’Algérie, le Cameroun, la Grèce, les Philippines, le Qatar ou encore l’Uruguay.1 Il s’agit là d’un degré minimal de reconnaissance des enjeux environnementaux dans le texte constitutionnel.

De nombreux pays vont plus loin et complètent l’énoncé d’objectifs incombant à l’État en garantissant de surcroît un droit à un environnement sain, de qualité ou équilibré, sans pour autant systématiquement rendre ce droit opposable ou invocable directement à l’appui d’un recours. Dans certains constitutions, il est assimilé à un droit fondamental de niveau équivalent aux droits civils et politiques (Afrique du Sud, Bulgarie, Burkina Faso, Cap-Vert, Congo, Croatie, Estonie, Éthiopie, Hongrie, Mali, Roumanie, Russie, Serbie par exemple). Dans d’autres, il est davantage associé à des droits économiques et sociaux et placé au même rang que le droit au logement ou à l’éducation (Chili, Colombie, Corée du Sud, Espagne, Pologne, Turquie)2.

Ces droits substantiels peuvent être associés à des droits procéduraux spécifiques d’accès à l’information, de pétition, de consultation et de participation à la prise de décision en matière environnementale. Des voies d’action propres pour faire cesser une atteinte au droit à l’environnement sain en tant que droit fondamental sont parfois prévues, notamment en Amérique Latine.

1 J. R. May & E. Daly, “Vindicating Constitutionally Entrenched Environmental Rights Worlwide“, 11 Oregon Review of International Law, 2010, pp. 365-439 ; J.R. May (ed.), Principles of Constitutional Environmental Law, American Bar Association, 2011.

2 Ibid.

Enfin, dans certains autres États, ce n’est pas la lettre de la Constitution qui a conduit à la reconnaissance de droits environnementaux mais la jurisprudence des cours qui ont interprété libéralement les dispositions protégeant le droit à la vie ou à la santé. Ce fut le cas en Italie, aux Philippines et en Asie du Sud (Bangladesh, Inde, Pakistan).

II.ÉTUDES DE CAS