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Dans le contexte de la participation observante, on propose une lecture des lieux considérés comme étant des espaces « fermés ». De nombreuses situations ont amené à ce choix. Lors de rencontres ou de discussions, j’ai pu constater une nette distinction dans l’aisance de la conversation selon cette variable. A titre d’exemple, je souhaitais discuter avec un jeune professeur de géographie sur un travail de géographie critique qu’il a mis en place. On se rencontre aux abords de la passerelle sept de l’Avenida Brasil. Et on s’est installés à une table en extérieur, pour discuter. Lorsque je lui ai demandé de me parler du Centre d’actions solidaires de la Maré (CEASM) et de son travail avec le Musée de la Marée, il m’a indiqué que ce serait plus tranquille d’en discuter une prochaine fois au sein du Musée.

Dans le bâti

L’Observatoire des Favelas (OF) et le Musée da Maré ont un point en commun qu’il convient d’expliquer. En effet, contrairement au CEASM ou au Réseaux de développement de la Maré (REDES) le bâtiment qui accueille l’association correspond, dans ces deux cas, à un hangar. Ces deux bâtiments sont en effet, d’anciennes structures industrielles ayant hébergées des entreprises dans le passé.

Néanmoins le Musée correspond à une occupation, qui a fait l’objet d’une menace d’expulsion en 2014 par les autorités publiques, tandis que l’Observatoire des Favelas a pu acquérir ce bien immobilier.

La présence de nombreux hangars ou bâtiments au passé industriel et aujourd’hui désertés par leur entreprise est une des caractéristiques du quartier du Complexo da Maré notamment aux abords de l’Avenida Brasil. En effet, cela s’explique par le « contexte d’expansion industrielle, stimulée notamment par la difficulté d’importation des produits manufacturés, et de positionnement de l’Etat dans l’implantation des industries33 », qui amène l’Etat à créer un nouvel axe de localisation

industrielle de la ville de Rio de Janeiro, permettant de relier le Nord du Sud du Brésil en passant par la capitale (Rio à l’époque). « Ainsi, l’Avenida Brasil a été prévue comme un route d’importance nationale. Dans le cadre régional, la construction du nouvel axe a eu pour but d’abord de décongestionner les anciennes voies qui reliaient la ville de Rio de Janeiro à São Paulo et à Petrópolis, et ensuite d’intégrer les terrains situés à ses abords au tissu urbain, à partir de l’occupation industrielle. Ainsi, il a été décidé que les terrains aux abords de l’autoroute accueilleraient des activités de textiles, des entrepôts, des garages. […] Conçu dans le cadre du Grand Projet de Réseaux Routier (Plano Rodovario Nacional) lancé par le président de l’époque, Getullio Vargas, l’Avenida Brasil, inaugurée en 1946, va couper la ville dans sa longueur34. »

33MACHADO MARTINS Maíra, Les « copropriétés populaires » de l’Avenida Brasil : étude d’une nouvelle forme d’habitat informel à Rio de Janeiro dans les années 2000, Thèse dirigée par Alain BOURDIN, Soutenue le 09 septembre 2011, p 74.

56 Ainsi « L’Avenida Brasil est devenue siège de plusieurs grandes industries notamment dans sa partie Nord, et a attiré une population migrante du Nord-Est du Brésil, venue à la capitale à la recherche de travail. Le mouvement migratoire vers Rio de Janeiro est intense jusqu’aux années 1980. Cette population s’installe à proximité des usines en créant des zones d’habitat, dont certaines deviendront plus tard des favelas. […] Selon l’analyse d’ABREU (1997, pp 126-129) sur les données de 1960 du CENPHA (Centre National de Recherche sur l’Habitat), la plupart des favelas qui surgissent à Rio de Janeiro pendant la période de 1948-1960 se localisent à la proximité de l’Avenida Brasil35. »

Figure 7 : Carte de localisation du Complexo da Maré par rapport à l’Avenida Brasil et à la municipalité de Rio de Janeiro.

De même, on peut noter que : « l’autre facteur fondamental pour la consolidation de l’occupation fut la construction de la “variante Rio-Petrópolis”, actuelle Avenida Brasil. En 1940, cette autoroute comença à être construite en parallèle à l’aire où se situe la Maré. Elle lierait le Centre de la ville aux

35 Ibid, p75.

57 subúrbios distants et l’intention principale était d’élargir la maille industrielle de la ville déjà « exprimée » dans le centre36. »

Aujourd’hui, la quasi-totalité de ces bâtiments sont vides et certains font l’objet de rénovation par des associations, c’est le cas des locaux du bâtiment où se trouve l’Observatoire des Favelas, mais également du Galpão Bela Maré, du Centre d’Art de la Maré, de l’acquisition récente d’un nouveau bâtiment du REDES, du Musée da Maré.

Ces deux bâtiments, celui de l’Observatoire des Favelas et celui où se trouve actuellement le Musée da Maré, sont des structures qui correspondent à l’époque industrielle, et détiennent donc une cour qui sépare l’entrée dans le bâti et l’accès à la rue. Les cours, dans les deux cas, correspondent à des espaces, permettant une interface entre l’espace fermé du bâti et l’espace ouvert de la rue. On observe que les pans de murs intérieurs de ces cours sont graffés, et mettent en valeur l’image de la favela.

Lors des itinéraires, les espaces « fermés » parcourus nous permettent une certaine intimité qui permet de saisir davantage comment certaines dynamiques urbaines peuvent impacter, et être impactées par, l’urbain quotidien. Par exemple, lorsqu’Alberto nous emmène dans son appartement actuel puis dans son ancien logement dont il est toujours propriétaire, nous accédons à un échange souvent plus personnel. Néanmoins, c’est également par la notion d’espace « ouvert » que d’autres dynamiques sont perceptibles.

36 Guia de ruas da Maré 2014, Redes de Desenvolvimento da Maré e Observatório de Favelas, Rio de Janeiro,

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II.4 La représentation des espaces parcourus « ouverts » par les échanges avec les « habitants

engagés » dans les rues