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avril Qui renonce à tout récolte tout

Dans le document Voyage au Japon (Page 23-27)

étage où je loge est constitué d une large pièce qui donne sur une salle de bain, des toilettes et ma chambre à coucher. Étant donné que des gens n y viennent qu occasionnellement, par exemple pour s entretenir

avec des visiteurs ou pour entreposer un somptueux bouquet de trente amples roses jaunes, c est comme si je disposais pour moi seul de toute une suite. Cela dit, un espace de deux mètres carrés m aurait tout aussi bien convenu.

Des fenêtres, on aperçoit le feuillage des arbres qui bordent la promenade d en face, et de hauts immeubles qui grattent le ciel, et qui, la nuit, prennent l apparence d un décor de science-fiction avec leurs lumières clignotantes. Aux murs de ma chambre, il y a deux tableaux de tissus. L un représente le très fameux zédi Shwedagon de Yangon à 300 mètres duquel j ai vécu ces derniers mois et l autre la non moins vénérée statue Mahàmuni de Mandalé où j ai vécu les trois années précédentes. Comme si cela ne suffisait pas pour que la Birmanie me fasse un clin d il, voilà que sous mon lit se trouve une pile de robes monastiques... birmanes ! Je n ai pourtant vu que des Japonais et quelques Singhalais par ici.

Après un clin d il de choses provenant du pays que je viens d habiter durant une dizaine d années, c est l autre il qui cligne dans les toilettes : celui de ma langue maternelle. Sur le tissu qui protège le papier toilette sont accrochés deux broches. L une représente une petite tour Eiffel peinte en bleu blanc rouge, sur l autre est écrit (en français)

« Spécialités de la maison ». Sur le porte-savon, on peut lire « Premier ma maison » et sur la serviette pour les mains « ELLE maison » (de la version du magazine ELLE pour la maison, je suppose).

Pas du tout habile pour fournir des descriptions culinaires, je me contenterai d indiquer que les plats qui sont préparés et qui sont servis

ici sont de haute qualité, qu il est impossible de ne pas prendre de plaisir en les ingérant y compris pour un moine ! et qu ils sont autant originaux qu esthétiquement bien présentés (y compris la décoration de la vaisselle, des baguettes, des repose baguettes, etc.).

Quoiqu il en soit, ce n est pas le rôle d un moine que de vanter et de décrire telle ou telle cuisine.

aurais pu emprunter un appareil photo pour vous montrer les tant de belles choses que je vois, mais après réflexion, je crois que je ne mettrai pas de clichés pour illustrer le récit. Tout passera par le texte, ce qui laissera à chacun le loisir d imaginer ce qu il veut. Aussi, les livres ou les sites Internet qui offrent des photos splendides du Japon ne manquent pas.

Jamais je n aurais pu espérer une situation aussi satisfaisante, même si avais soigneusement préparé ce voyage et disposais d un porte-monnaie bien garni. Je suis arrivé ici sans aucune pensée, sans rien connaître, sans un sou en poche (et d ailleurs même sans poche !), et je me retrouve dans une vaste habitation en plein Tôkyô, où je jouis une alimentation plus que convenable, suis entouré de personnes une gentillesse admirable, et dispose de tout ce qu il faut pour vivre et travailler dans les meilleures conditions, y compris Internet.

est toujours ainsi que cela se passe avec le renoncement : plus on renonce aux choses, plus elles viennent à soi. C est un fait, et non le but recherché, attention ! Le renoncement doit être une pratique sincère, destinée uniquement à demeurer l esprit clair et équanime en toutes situations, en prenant soin de ne pas développer d attachements à quoi

que ce soit (êtres, lieux, confort, objets, rites, idées, etc.). De ce fait, le poids des souffrances en tout genre est considérablement réduit, la compréhension de la réalité s accroît (à tous les niveaux). Dès l instant où l on commence à s attacher, les problèmes surgissent. Le renoncement constitue l une des bases primordiales de l entraînement qui conduit à l éradication définitive des impuretés mentales.

Il est donc bien que j accepte pleinement l idée de pouvoir me retrouver du jour au lendemain dans la rue, sans un sou, sans toit, ni nourriture (comme cela m est d ailleurs bien souvent arrivé). Le vrai confort n est pas de s asseoir dans un fauteuil luxueux, il est dans la tête. Ce confort-là, rien ni personne ne peut nous l enlever, tandis que l autre, rien ni personne ne peut nous empêcher de le perdre. Celui qui renonce pleinement aux choses sera aussi bien assis sur des cailloux. Si son corps n est pas en mesure de résister aux conditions extérieures, il sera naturellement amené à trouver un abri.

Enfin je peux commencer (ce 26 avril) à écrire la première ligne de ce récit ! (et à l instant où j écris ces mots, nous sommes le 2 mai...)

Si vous le voulez bien, nous allons faire un tour aux toilettes (te arai).

Autrement, il vous suffit de sauter ce paragraphe... Dans chaque pays, il y a toujours des choses qui surprennent ceux d ailleurs (parce que différentes de chez soi). Ainsi, deux Japonais furent très étonnés lorsque je leur dis qu en France, il n y a ni toilettes automatiques, ni taxis aux portes automatiques. Sur le mur des toilettes (dans ma

« suite »), il y a une télécommande fixée au mur, indiquant l heure et munie de non moins de 13 boutons ! Les inscriptions sont en Japonais,

mais aussi en braille. La plupart de ces boutons s appliquent au rinçage automatique (à l eau tiède). Les jets sont ajustables autant pour la direction que pour la pression. Bien sûr, les femmes disposent d un jet supplémentaire. Il n est pas la peine de chercher le bouton pour la chasse, car elle se met automatiquement en marche lorsqu on se relève (Seuls, ceux qui urinent debout devront le chercher). Enfin, la lunette des w.-c. est chauffante.

Dans le document Voyage au Japon (Page 23-27)