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3.2. Discussion autour des résultats

3.2.2. Avantages de la relation avec un médecin femme

Dans notre enquête, la relation avec un médecin femme est associée à une meilleure écoute de la part du médecin, et à des facilités de communication. Cette hypothèse est corroborée par d’autres études : Une revue de la littérature, intégrant notamment 31 essais cliniques randomisés, associait ainsi le genre féminin du médecin, à une meilleure écoute thérapeutique [54].

La qualité de cette écoute pourrait reposer, non seulement sur le temps qui y est consacré, mais aussi sur l’aspect non verbal et sur l’attitude du médecin. Le fait de regarder le patient permettrait, par exemple, de lui témoigner son intérêt et de transformer l’écoute en écoute active, « faisant ainsi parler » plus aisément le malade.

D’autre part, on peut noter que contrairement aux patients des focus group de l’enquête de Marie-Cécile Dedianne [11], aucun patient de notre étude n’a évoqué d’interruptions et de coupures de parole comme freins ou limites à cette écoute. Cela pourrait peut-être participer à la qualité de l’écoute décrite par les patients de médecins féminins.

Cette écoute qui semble quantitative et qualitative, correspond, en tout cas, aux attentes des patients dans le domaine de la relation de soin, telles qu’elles nous ont été formulées, ou telles qu’elles ont été mises en lumière dans d’autres enquêtes [8], [9], [10], [11], [12]. Elle s’inscrit dans une relation participative, où la seule parole qui compte n’est plus uniquement celle du médecin, et où le déséquilibre entre un médecin sachant et tout puissant, et son patient ignorant, s’estompe pour que chacun se mette à l’écoute de l’autre. Se sachant écouté et considéré, le patient peut alors faire part de ses préférences et s’impliquer dans une décision partagée. Cette implication du patient, inséparable de l’écoute qui lui est portée, semble, elle aussi, plus naturelle chez les femmes médecins, comme l’étaye une méta-analyse de 26 études déjà citée [48].

• Une prise en charge centrée sur le patient, pour une médecine humaine

Une prise en charge personnalisée, à travers une activité féminine dite moins mécanique et moins ancrée dans des habitudes, était aussi perçue comme un avantage par les participants. Cela peut être rapproché de l’attente très prégnante d’une médecine à visage humain, et de l’importance, pour les participants à notre étude, de connaitre et d’être connu de leurs médecins. Cette attente était d’ailleurs confirmée par l’étude de l’IRDES de 2011 sur les préoccupations des usagers de la médecine générale [12].

• Des médecins empathiques, facilitant l’abord des questions psychosociales et des enfants

Pour les patients interrogés, l’empathie était une disposition plus féminine. Cette dimension était rapportée au travers de l’écoute, du soutient, du réconfort, de la réassurance, de l’intérêt pour l’aspect psychosomatique, qui semblaient plus naturels chez les femmes. On approche là, le concept du CARE anglo-saxon [55] qui différencie l’attitude du « guérir » technique de celle du « prendre soin de ». Les qualités dites « féminines » des médecins, telles que la douceur, la sérénité, le calme, pourraient aussi participer à la construction d’un climat propice à une relation empathique.

Ces qualités et dispositions expliquent probablement les préférences des patients interrogés (hommes et femmes) pour un médecin femme dans le domaine psycho-social, où le CARE revêt une importance particulière.

De même, en ce qui concerne la pédiatrie : plus que les compétences techniques et biomédicales, la prise en charge empathique, parfois maternante, constitue un avantage certain dans la relation à l’enfant. Une étude américaine, publiée en 2014, montrait ainsi une différence dans la façon dont les pédiatres femmes interagissaient avec les petits patients et leur famille : elles leurs accordaient plus de temps, abordaient davantage de sujets sociaux, fournissaient plus d’encouragements et de réconfort, et étaient plus susceptibles de recueillir les informations auprès des enfants eux-mêmes. [56] Dans cette étude, les parents interrogés – souvent des mères – préféraient les pédiatres femmes. Une autre étude s’est intéressée aux enfants, qui eux aussi étaient plus nombreux à préférer être pris en charge par une femme (38% contre 8% qui préféraient un médecin masculin) [57].

• Des qualités d’organisation, possiblement liées à la recherche d’équilibre entre travail et vie de famille.

L’hypothèse de femmes plus organisées, et par là, gagnant en performance et en efficacité, a été soulevée dans notre étude. Pour le Dr Monique Caron, c’est la gestion simultanée de la vie de famille et de la vie professionnelle qui amène les femmes médecins à être plus organisées : « Par ailleurs, l’équilibre entre un exercice professionnel de qualité et une vie de famille épanouie impose des qualités d’organisation qui constituent une spécialité féminine. » [58] En effet, si l’exercice libéral se définit par une grande liberté, il implique également son lot de contraintes et d’obligations, qui ne se conjuguent avec une vie familiale – encore

majoritairement gérée par les femmes, malgré un rééquilibrage observé chez les jeunes générations – qu’au prix d’une solide organisation [59]. Il faut d’ailleurs noter qu’avec une durée de travail moyenne hebdomadaire de 53h, et même en remettant en cause le principe de disponibilité permanente, les femmes médecins consacrent nettement plus de temps à leur profession que les autres françaises actives [45] [59]. Il est donc légitime de penser qu’elles puissent développer des qualités d’organisation, utiles à la fois dans leur vie personnelle et dans leur pratique professionnelle. Le souci des jeunes médecins hommes de s’investirent davantage dans une « paternité active » [59] pourrait cependant, à terme, faire disparaitre cette spécificité féminine, ou du moins l’étendre aussi aux hommes.