• Aucun résultat trouvé

Première partie : présentation de la leucémie myéloïde chronique chez l’adulte

3. Avant la découverte des inhibiteurs de tyrosine kinase

3.1. Chimiothérapie

Elle ne fait pas disparaître le Ph mais permet le contrôle de la masse leucémique en réduisant la leucocytose, elle améliore la qualité de vie.

Comme nous l’avons déjà vu, la cytoréduction massive due à la chimiothérapie entraîne l’excrétion en quantité de purine qui, sous forme de cristaux, peut causer également une néphropathie. Il faut donc conseiller aux patients sous busulfan, HU et Ara-C de s’hydrater correctement pour éviter l’hyperuricémie et/ou l’hyperuricosurie. L’hydratation alcaline à base de bicarbonate ou d’eau de Vichy (plus pratique) est recommandée. De plus un traitement à base d’allopurinol est prescrit quasiment systématiquement [82].

Pour chacun de ces trois médicaments, on effectue un traitement d’induction ou traitement d’attaque à fortes doses dans le but de normaliser l’hémogramme puis un traitement d’entretien à doses plus faibles (tableau 7).

52

Tableau 7 Informations et comparaison des traitements par busulfan, hydroxyurée et cytarabine

DO : disponible en officine, cp : comprimés, inj : injectable, CSH : cellules souches hématopoïétiques, CI : contre-indication, IFN :interféron, RHC : réponse hématologique complète, RCC : réponse cytologique complète, → : entraîner, ↓ : diminution

Busulfan Hydroxyurée (HU) Cytarabine (Ara-C)

Princeps et formes galéniques

MYLERAN® cp 2mg (DO) BUSILVEX® inj 6mg/mL [81]

HYDREA® gélule 500mg (DO) [83] ARACYTINE® inj en flacon de 100mg (DO), 500mg, 1000mg, 2000mg

Mécanisme d’action

Agent alkylant déprimant surtout la lignée myéloïde par sa fixation à l’ADN entraînant l’apoptose des CSH [82]

Antagoniste de la synthèse d’ADN par inhibition de la ribonucléotide réductase [22, 37] (enzyme de la synthèse ou réparation de l’ADN)

Antimétabolite pyrimidique : s’incorpore dans la chaîne d’ADN et bloque l’élongation + inhibition directe de l’ADN polymérase

Indications Résistance ou CI aux

autres traitements, personnes âgées

Préparation à la transplantation de CSH

Espérance de vie limitée ou intolérance aux autres traitements car facile à utiliser

Hyperleucocytose

symptomatique ou

thrombocytose >1000G/L

Phase blastique de la LMC

Administration avec l’IFN en seconde intention après résistance à l’imatinib Contre-indications (en + de l’hypersensibilité) Phénytoïne (busulfan proconvulsivant) Vaccination antiamarile (maladie vaccinale généralisée)

Vaccination contre la fièvre jaune Grossesse Allaitement Vaccination antiamarile Aplasie médullaire préexistante Encéphalopathie dégénérative et toxique Grossesse Allaitement Interactions médicamenteuses Déconseillées : vaccins vivants atténués et itraconazole et métronidazole (↑ clairance busulfan donc ↑ toxicité) A prendre en compte : ciclosporine, tacrolimus (immunodépression excessive)

Déconseillées : vaccins vivants atténués, phénytoïne

A prendre en compte : immunosuppresseurs

Déconseillée : vaccins vivants atténués

Ne pas mélanger d’autres médicaments lors de l’injection [88] Effets secondaires notoires Aplasie médullaire, toxicité hématologique retardée et durable Fibrose pulmonaire pouvant arrêt définitif du traitement Stérilité (homme, femme) Pigmentation cutanée cataracte Sécheresse cutanée Aphtes buccaux

Noircissement du lit des ongles

Photosensibilisation

Ulcères de la jambe

Toxicité hématologique réversible à l’arrêt du traitement [88]

Alopécie et fibrose pulmonaire + rares

Leucopénie, thrombopénie, aplasie médullaire

Nausées, vomissements

Alopécie

Elévation des transaminases

Stérilité

Hyperuricémie

Phénomène immuno-allergique : fièvre avec myalgie, douleurs osseuses, rashs cutanée, douleurs thoraciques, conjonctivite et malaise dans les 6 à 12h suivant l’injection

RHC 23% à 54% [36] 39 à 53% Voir paragraphe sur IFN : intérêt

d’Ara-C en association

RCC Absente à très rare (1 à 2.5%)

Absente

Survie 45.4 mois [63] 56.2 mois

Suivi thérapeutique

NFS hebdomadaire puis à espacer en fonction de la tolérance au traitement Uricémie Bilan rénal clinique et biologique Bilans hépatique et rénal

Remarques Radiosensibilisation → espacer la radiothérapie. Contraception efficace car effet tératogène

Prévenir les convulsions par benzodiazépines

Effet myélosuppresseur posologie chez la personne âgée

Associer des anti-émétisants, ↓ posologie en cas d’insuffisance hépatique

53 Aucun de ces traitements n’est plus utilisé en première intention mais chacun d’eux garde une place dans l’arsenal thérapeutique, surtout en cas de résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase.

3.2. Interféron alpha

Chez l’humain, les IFN sont des molécules produites et sécrétées par les cellules en réponse à des infections virales ou à différents inducteurs synthétiques et biologiques.

Talpaz et al. ont été les premiers à montrer en 1983 l’efficacité de l’IFN-G leucocytaire puis recombinant. Les IFN-G 2a et 2b recombinants, utilisés aujourd’hui dans le traitement de la LMC sont des cytokines obtenues par génie génétique. Ils étaient utilisés en phase chronique chez les patients qui ne pouvaient pas bénéficier d’une greffe mais les ITK sont désormais le traitement de première intention et l’IFN est quelquefois associé à l’imatinib en cas de résistance [27].

L’IFN-G possède une action antivirale, immunomodulatrice et antiproliférative. En se fixant à la membrane cellulaire, il déclenche une séquence complexe de réactions intracellulaires et notamment, il active certaines enzymes. On pense que cette action sur les voies de signalisation est responsable de son activité [89].

Cette cytokine permet d’obtenir des réponses hématologiques dans 50 à 80% des cas [34] et de prolonger significativement la survie (60 à 66 mois) par rapport à la chimiothérapie (figure 22) comme l’ont prouvé cinq grandes études menées de 1993 à 1998 [27].

Figure 22 Pourcentage de survie globale des patients atteints de LMC traités par busulfan, hydroxyurée ou IFN-J en fonction des années. On note que la survie médiane sous IFN > HU > busulfan [63].

54 De plus, de nombreuses études ont prouvé l’efficacité de l’IFN-G en soulignant sa capacité d’induire des réponses cytogénétiques dans 20 à 50% des cas [34]. Leurs résultats sont assez variables et les chiffres moyens sont : 20 à 40% de réponses cytogénétiques majeures et environ 10% de réponses cytogénétiques complètes [36].

Le groupe français d’étude de la LMC a montré que l’adjonction de cytarabine (20 mg/m²/j, 10 jours par mois) à l’IFN-G (5 MU/m²/j) allonge la survie des patients et améliore la réponse cytogénétique par rapport à ceux traités par IFN-G seul (figure 23) [26].

Figure 23 Pourcentage de survie des patients traités par IFN+cytarabine et IFN seul en fonction du temps en mois. Taux de survie à 3 ans : 85% IFN+Ara-C contre 79% IFN seul, taux de RCC à 12 mois : 41% contre 24.

Néanmoins ces résultats n’ont pas été confirmés par les autres études randomisées et une autre étude a été menée sur l’association plus prometteuse d’IFN et de cytarabine par voie orale.

Les deux types d’IFN-G utilisés sont l’IFN 2a (ROFERON-A®) et l’IFN alpha-2b (INTRONA®). Les IFN-G pégylés n’ont pas l’AMM dans la LMC, même si l’utilisation d’IFN pégylé à 6 µg/kg permet une seule injection par semaine et une relativement bonne tolérance.

L’IFN-G est disponible sous forme injectable par voie sous-cutanée ou intramusculaire en flacons, seringues et stylos pré-remplis ou multidoses.

La posologie de ROFERON-A® est de 3 MUI/j pendant 3 jours puis 6 MUI/j pendant 3 jours, ensuite 9 MUI/j jusqu’au 84éme jour et enfin 9 MUI en une prise par jour, 3 fois par semaine. L’INTRONA® est utilisé entre 4 à 5 MUI/m² une fois par jour.

55 Les contre-indications outre l’hypersensibilité sont

• Une affection cardiaque sévère persistante ou une insuffisance cardiaque non compensée

• Insuffisances rénales, hépatiques ou médullaires sévères

• Antécédents d’épilepsie et/ou atteinte du système nerveux central, dépression

• Troubles thyroïdiens non contrôlés

• Grossesse et allaitement

Il n’y a pas d’interactions médicamenteuses contre-indiquées mais seulement à prendre en compte : les salicylés et corticoïdes, le fluorouracile.

Les nombreux effets secondaires de l’interféron conduisent à une diminution de posologie dans 30 à 50% des cas voire à un arrêt du traitement pour 15 à 20% des patients (atteintes cardiaques, troubles hépatiques, cytolyse et une toxicité neurologique). Ces effets sont dose-dépendants et la tolérance est médiocre au-delà de 70 ans [51].

L’effet indésirable qui apparaît dans presque 100% des cas est le syndrome pseudo-grippal : fatigue, fièvre, frissons, myalgies, arthralgies, céphalées. Il a lieu pendant les 72h après l’injection mais s’atténue après un mois environ. Il est prévenu par la prise systématique de paracétamol 2h avant et après l’injection.

Un syndrome dépressif est présent dans 40 à 50% des cas, il faut donc évaluer l’état psychologique du patient avant et pendant le traitement.

Troubles visuels réversibles, anorexie, diarrhée, nausée, vomissement sont pour plus de la moitié des patients des effets secondaires gênants. On note également une élévation des transaminases et de la glycémie.

Des manifestations « immunologiques » constituent également les effets secondaires classiques : hémolyse, thrombopénie, atteinte rénale, hypothyroïdie.

Un bilan préalable puis régulier pendant tout le traitement est nécessaire étant donné les effets secondaires relativement importants : examen neurologique, tension artérielle, hémogramme tous les 15 jours, bilan biologique mensuel (hémostase, bilan

56 rénal et hépatique, glycémie, calcémie) ECG et bilan thyroïdien tous les 3 mois, bilan ophtalmologique préalable puis régulier.