• Aucun résultat trouvé

AVANT L’ADHÉSION : MOTIVATIONS ET ATTENTES

CHAPITRE 5 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET DISCUSSION

5.2 AVANT L’ADHÉSION : MOTIVATIONS ET ATTENTES

Nous avons vu, au troisième chapitre, que les principales raisons qui poussent généralement les entrepreneurs à adhérer à un collectif agroalimentaire sont de trois ordres : économiques, sociales et de développement (Capocci, 2014; Chiffoleau et al., 2013; Claveau, 2014; Forgues et al., 2009; Gauthier, 2013; Konforti, 2012; Laughrea, 2014; Laughrea et al., 2018; Poisson & Saleilles, 2012a). Mais qu’en est-il de l’adhésion à un marché virtuel ? Les entrepreneurs qui y adhèrent sont-ils animés par les mêmes motivations ? Quelles attentes entretiennent-ils devant ce nouveau canal de mise en marché ? Les prochaines sections nous permettront de répondre à ces questions.

5.2.1 Les motivations d’adhésion

D’abord, il est intéressant de mentionner que chez la plupart des entrepreneurs rencontrés, le processus de réflexion menant à la décision d’adhérer a été plutôt court, sinon inexistant. En effet, plusieurs ont mentionné avoir décidé d’emblée d’embarquer dans le projet, sans y réfléchir plus longtemps.

« Pis nous ça a été d’emblée, on participe là [au marché], on n’a pas eu de questionnement. » (P01)

« Ben tsé on s’est dit « envoie, on essaie, on va participer ! », pis là j’ai ça, j’ai ça, pis… » (P02)

« Ha non, non, [j’ai pas hésité]. J’tais tellement contente qu’on fasse queq’chose là ! » (P03)

« Ben, non j’pense pas qu’on a vraiment trop réfléchi. J’pense que tsé… c’est arrivé souvent qu’on avait des surplus à l’automne… » (P05)

« … [y’a pas eu d’hésitation], pas du tout, pas du tout. On s’est dit « Wow ! ça c’est le fun, notre produit va arriver frais à destination. » (P07)

Malgré le fait que les entrepreneurs aient décidé rapidement d’embarquer dans le projet, il reste que certains d’entre eux ont exprimé quelques appréhensions ou encore des questionnements quant à la logistique, au fonctionnement et à la charge de travail que ça allait engendrer pour eux. Ainsi, on peut voir que si la décision d’adhérer s’est prise rapidement, des entrepreneurs ont tout de même eu besoin d’un certain temps pour se sentir pleinement engagés dans le projet.

« La réflexion ça été plus d’un point de vue on s’organise comment ? C’est quoi la logistique, quel prix, […] ? » (P01)

« Tsé, faut que ça te tente d’embarquer, […] peut-être qu’on aimerait mieux se dire qu’on est en vacances complètement tsé [l’hiver]. Pis qu’on se met pas cette charge-là de plus là. Mais heu… bon le défi nous tente tsé, [...]. » (P02)

« Fait que nous autres là, quand les filles nous disaient « on part [le marché] à l’automne », on était… on n’avait pas pensé à ça là, préparer le stock pour l’hiver qui s’en venait là. […] on s’est pas tous levé pour dire « yes on y va pis on embarque là-dedans toute la gang », tsé faut qu’on fasse un peu d’émulation pis de… faut essayer de se convaincre un peu […] » (P04)

Ensuite, principalement en ce qui concerne le marché virtuel A, où les entrepreneurs étaient déjà regroupés en coopérative avec l’objectif de faire la promotion de l’agriculture biologique sur le territoire, le marché a été vu par plusieurs comme un véhicule privilégié permettant de remplir cette mission. Pour cette raison, au-delà des motivations personnelles

ou d’entreprise, certains ont été motivés à participer au marché par engagement envers la coopérative et par solidarité envers les autres membres.

« Mais aussi pour la coop, parce nous on est membres de la coop, mais pour le bien-être de la coop, pis sa vitalité, sa rentabilité, faut qu’à couvre ses frais. » (P01)

« Heille si ça continuait là… tsé fallait que [la coop] fasse de l’argent là. » (P03)

À ce titre, il est d’ailleurs intéressant de mentionner que la solidarité envers la coopérative a été l’une des raisons mentionnées par des entrepreneurs ayant refusé de participer à l’étude. En effet, quelques personnes ont décliné notre invitation à participer, mentionnant que pour eux le marché représentait un très faible pourcentage de leurs ventes et qu’ils n’y investissaient pas beaucoup de temps, mais qu’ils y vendaient leurs produits principalement pour augmenter la variété sur la plateforme et par soutien envers l’organisation. Ainsi, même sans avoir pu les rencontrer, ces entrepreneurs nous ont donné une partie de réponse quant à leurs motivations.

Enfin, et malgré la faible hésitation à participer de la plupart des entrepreneurs, l’aspect financier a représenté une motivation pour certains, puisque le marché demeure un canal de vente supplémentaire, qui peut permettre d’atteindre une clientèle élargie. Ainsi, les entrepreneurs ont tout de même vu les avantages qu’ils pourraient retirer de leur participation au marché.

« […] ça fait un revenu de plus. Ça permet des entrées d’argent dans des mois qui en avaient pas avant, ou presque pas. » (P02)

« […] pis j’trouvais que ça me r’joignait pis après j’ai dit ben ça peut être une porte de sortie. » (P06)

« Ha c’est juste parce que c’est comme une option additionnelle pour la mise en marché, fait que toute option on crache pas là-dessus. » (P09)

En synthèse de cette sous-section, les principales motivations d’adhésion exprimées par les participants à l’étude pourraient être résumées en trois grandes catégories : 1) l’intérêt envers une nouvelle formule ; 2) la solidarité envers l’organisme porteur ; 3) la possibilité d’augmenter les ventes.

5.2.2 Les attentes initiales

On l’a vu, les motivations ayant mené les entrepreneurs rencontrés à adhérer au marché virtuel sont principalement de l’ordre de l’enthousiasme envers un nouveau canal, et peu orientées vers l’aspect financier ou social du projet. Cette réalité se répercute dans les attentes exprimées envers le projet, alors qu’on se rend compte rapidement que celles-ci sont assez basses. Ainsi, si aucun des entrepreneurs rencontrés n’a mentionné avoir des attentes chiffrées de vente via le marché virtuel, la plupart ont mentionné être plutôt curieux de voir comment ça allait se passer.

« On n’avait pas d’attentes là, on voulait juste que les ventes augmentent pis que les gens connaissent le réseau pis qui puissent commander via ça. Mais on n’avait pas d’attentes particulières. » (P01)

« Aucune attente. Pis même aujourd’hui j’ai pas plus d’attentes je te dirais. » (P02)

« Non, au début non [on n’avait pas d’attentes], on savait pas trop comment ça allait aller. » (P03)

« Ben pas jusqu’à maintenant, parce que c’tait… […], ça faisait pas partie de la planification, […]. » (P04)

« Tsé j’avais pas des grosses attentes… […]. J’me disais mon p’tit congélateur, dans ma tête j’pensais que c’est ça qu’ça ferait, pis c’est ça qu’ça faite. » (P06) « Non, pas plus que ça. J’suis allé là par curiosité. » (P09)

« Moi j’ai vraiment pas eu d’attentes, pis j’suis vraiment pas déçue du concept. » (P10)

On peut facilement se rendre compte, à la lecture de ces extraits, que même si les entrepreneurs peuvent avoir été motivés par l’idée d’un canal de vente supplémentaire pour leurs produits qui leur permettrait peut-être d’augmenter leurs revenus, ils n’ont pas voulu se faire d’idée préconçue des résultats qu’ils pourraient en retirer. On peut penser que cette façon de voir le marché découlerait du fait que le marché virtuel est un modèle encore peu connu, donc ils n’avaient pas de référence pouvant leur donner un indice sur les retombées qu’ils pourraient en retirer, et ont préféré demeurer prudents quant à leurs objectifs.

En synthèse de cette sous-section, il convient donc simplement de répéter qu’aucune attente initiale particulière n’a été mentionnée par les participants, tant d’un point de vue financier que social. Ainsi, si, comme nous l’avons vu à la section précédente, certains entrepreneurs ont été motivés par la possibilité d’augmenter leurs ventes, ils n’ont pas voulu faire de prévision sur la valeur de cette augmentation.