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Evolution structurelle

II.7 AVANCEES TECHNOLOGIQUES

II.7.1 Introduction

« La loi de Moore » en 1965 prévoyait déjà la vitesse du développement technologique dans la société d'aujourd'hui. Les ordinateurs récents deviennent de plus en plus petits tout en permettant une plus grande puissance de calcul. Ce fait a conduit à la prolifération des objets physiques dotés de systèmes informatiques embarqués appelés CPS. Par ailleurs, dans le prolongement de la vision « ubiquitous computing » qui remonte aux années 90 et en conséquence directe de la croissance rapide des dispositifs informatiques, nous avons vécu l’apparition du paradigme de l’Internet des objets (IoT) qui scelle une nouvelle avancée pour les systèmes de production du futur. Dans ce qui suit, l’objectif est de donner quelques définitions de ces concepts ainsi que la vision Industrie 4.0.

II.7.2 Les CPS

La première définition que l’on peut trouver des (CPS) date de 2006 (Lee, 2006) lors de travaux avec la National Science Foundation1 (NSF) américaine : “Cyber-physical systems (CPS) are physical and engineered systems whose operations are monitored, coordinated, controlled and integrated by a computing and communication core. This intimate coupling between the cyber and physical will be manifested from the nano-world to large-scale wide-area systems of systems. And at multiple time-scales”. De cette définition, nous retiendrons que les CPS sont des systèmes résultants d’un couplage entre des processus physiques et des capacités de calcul, de communication et de commande. Dans les travaux de (Cardin, 2016), l’auteur présente une synthèse de définitions et de classifications des CPS ainsi qu’une analyse quantitative montrant la prolifération des travaux autour de ce nouveau concept. Il explique que la terminologie « cyber », venant de la cybernétique (de Norbert Wiener) vieille de 60 ans, prend tout son sens avec les CPS. Ainsi, des auteurs comme (Lee et al., 2015) ont donné une classification du niveau d’intelligence d’un CPS : • Niveau C1 : capable de se connecter à un réseau, • Niveau C2 : traiter de l’information et la retranscrire, • Niveau C3 : connaître son environnement,

• Niveau C4 : avoir des capacités cognitives (diagnostiquer et agir) et le niveau supérieur.

• Niveau C5 : le CPS peut s’adapter en cas de perturbation pour retrouver l’équilibre.

II.7.3 Définition IoT

Le terme Internet des objets (IoT) a été introduit par Kevin Ashton pour décrire comment l’internet des objets peut être créé par l’association des technologies d’auto-identification et des capteurs aux objets de tous les jours. Au fil du temps, la définition a évolué « the IoT as a network of entities that are connected through any form of sensor, enabling these entities, which we term as Internet-connected constituents to be located, identified, and even operated upon” (Ng and Wakenshaw, 2017). La prolifération des objets connectés à Internet permet d'interagir entre les dispositifs et les objets, mais aussi entre les objets et les personnes, offrant ainsi de nouvelles opportunités d'applications. En effet, les personnes peuvent se connecter directement à des éléments (tels que des téléphones portables, des enregistrements de santé électroniques, etc.) (cf. Figure 38).

Hind Bril EL HAOUZI

Figure 40 : les CPS au cœur des 3 types d’Internet

II.7.4 Différences entre IoT et CPS

A la première lecture des définitions de CPS et de l'IoT, il est parfois difficile de voir la différence entre ces deux paradigmes. Nous présentons ici deux critères de différenciation qui nous semblent les plus représentatifs.

II.7.4.1 Une histoire de communautés ?

Le paradigme CPS est couramment utilisé (et préféré par rapport à IoT) par les communautés d'ingénierie « mécatronique ». Il est également plus largement utilisé par des informaticiens travaillant sur des systèmes embarqués. En outre, le CPS est préféré à IoT aux États-Unis. IoT est couramment utilisé (et préféré par rapport à CPS) par les communautés de réseaux et télécommunications. En Europe et en Chine, IoT a tendance à être utilisé plus que CPS, même si ce dernier terme gagne en popularité dans des domaines tels que l’usine du futur ou l'initiative Industrie 4.0.

II.7.4.2 Une différence d’axe de synchronisation

L’IoT va connecter différents objets les uns aux autres (synchronisation horizontale). En revanche les CPS utilisent la connexion au cloud et aux capteurs pour synchroniser les objets physiques à leur homologue cyber (virtuel) (synchronisation verticale) (cf. Figure 39).

Figure 41 : la différence entre IoT et CPS selon J LEE 37

II.7.5 Industrie 4.0

Sur la base de ces deux avancées technologiques majeures et des transformations, à la fois sociétales et organisationnelles, qu’elles induisent, les contours de l’usine du futur se sont dessinés. Ainsi, nous avons vu se lancer plusieurs initiatives, de manière pratiquement simultanée, au niveau national et international, avec pour objectif principal de tracer les feuilles de route pour tirer pleinement profit de ces technologies et préparer les transformations organisationnelles et sociétales que nous allons décrire ci-après. Sur les 28 pays européens, 11 programmes nationaux sur l’innovation et le renouveau industriel ont été lancés (Autriche, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni). Une analyse compare les visions de l’usine du futur de ces pays avec celles proposées au niveau européen (PATHFINDER, 2014). Malgré les initiatives locales, les pays européens se sont inscrits majoritairement derrière l’initiative allemande : l’Industrie 4.0.

II.7.5.1 Une stratégie, une vision

Il s’agit d’une initiative stratégique du gouvernement allemand qui a été adoptée dans le cadre du « Plan d'action Stratégie 2020 pour la haute technologie » en 2011 (Kagermann et al., 2013). L'idée derrière ce terme est qu’après les trois premières révolutions industrielles provenant de la mécanisation, de l'électricité et de l'informatique, l'introduction de l'IoT et des CPS dans l'environnement de fabrication inaugure la 4ème révolution industrielle. Ainsi, les usines peuvent se développer dans des environnements intelligents dans lesquels le fossé entre le monde réel et le monde numérique diminue. La forte polarisation du monde électrotechnique et hiérarchique de l'automatisation de l'usine passera par des réseaux d'entreprises intelligentes, qui permettront des processus dynamiques de réingénierie et offriront la capacité de répondre avec souplesse aux perturbations, aux pannes ou à toutes sortes d’événements non prévus.

II.7.5.2 Des paradigmes

L’industrie 4.0 repose sur trois paradigmes : le produit intelligent (déjà présenté), la ressource intelligente et l’Homme augmenté. Les ressources (machines, modules de production, cellule…) seront composées de CPS qui échangent de manière autonome des informations,

Hind Bril EL HAOUZI

déclenchent des actions et se contrôlent indépendamment (Zamfirescu et al., 2014). De cette façon, les machines peuvent s'auto-organiser dans des réseaux de production. Les lignes de production deviendront si flexibles et modulaires que même la plus petite taille de lot pourra être produite dans des conditions de production de masse très flexible. Le paradigme « opérateur augmenté » vise à intégrer l’Homme dans ce nouvel environnement des systèmes de production. L'industrie 4.0 ne conçoit pas une organisation de production sans l’Homme (contrairement à l'approche CIM des années 80) : les opérateurs humains sont reconnus comme les éléments les plus agiles dans le système de production, étant au maximum adaptables à un environnement de travail de plus en plus difficile. Ainsi, cette aptitude de l’opérateur humain à s’adapter lui permettra de se confronter à une grande variété d'emplois allant de la spécification et du suivi, à la vérification des stratégies de production. L’opérateur pourra être assisté par des applications supports lors de la résolution des problèmes (Gorecky et al., 2014).

II.7.5.3 Une architecture de référence

Au niveau architecture, l’industrie 4.0 repose sur une architecture de référence appelée RAMI pour Reference Architecture Model Industry 4.0. Cette architecture peut être considérée comme une architecture orientée services (SOA). Elle est organisée selon trois axes (cf. Figure 42) :

• l’axe 1 représente les différents niveaux hiérarchiques, du produit intelligent au monde connecté, en passant par l’entreprise intelligente.

• L’axe 2 représente un ensemble de couches allant des objets physiques au processus métiers.

• L’axe 3 représente le cycle de vie des produits avec les deux macro-phases de développement et de production (cf. Figure 42). Figure 42 : l’architecture RAMI (source) Ce débat majeur sur Industrie 4.0 qui s’est développé en Allemagne puis dans toute l’Europe, s'est propagé dans le même temps à d'autres pays, comme les Etats-Unis, la chine (Intelligent Manufacturing), le Japon (e-factory) ou la Corée (Manufacturing Industry Innovation 3.0 Strategy).

Figure 43 : différences entre l’initiative I4.0 et IIC38

Aux États-Unis, plusieurs initiatives telles que la Smart Manufacturing Leadership Coalition (SMLC) 39 ou le Industrial Internet Consortium (IIC) 40 favorisent le concept de fabrication avancée qui repose sur l'intégration de nouvelles technologies telles que l’IoT dans les systèmes de production pour améliorer les produits et les processus de fabrication. La fabrication « avancée » partage la plupart des paradigmes de l’industrie 4.0, en particulier l’Internet des Objets pour réponde au besoin de personnalisation de masse et d’amélioration de l’efficacité. Les représentants de Platform Industrie 4.0 et du Consortium Internet industriel se sont rencontrés pour explorer l'alignement potentiel de leurs deux architectures, respectivement, le modèle d'architecture de référence pour Industrie 4.0 (RAMI4.0) et l'architecture industrielle de référence Internet (IIRA). RAMI 4.0, l'accent est mis sur la fabrication. L'IIRA croise plusieurs domaines d'application (cf. Figure 41). En dépit, des différences de noms, les domaines d’application les deux architectures partagent plusieurs mêmes concepts.