9.1. TRα et exclusion allélique
Au cours de leur différentiation intra-thymique, les lymphocytes T vont réarranger les gènes
codant pour leurs chaînes de TR. Du fait que les cellules sont diploïdes, chaque cellule T
pourrait exprimer à sa surface quatre combinaisons différentes de TRαβ. Cependant, des
études ont montré que les gènes codant pour la chaîne β sont soumis à l'exclusion allélique,
empêchant la cellule d'exprimer deux chaînes β à sa surface (Malissen, Trucy et al. 1992;
Davodeau, Peyrat et al. 1995; Schlimgen, Reddy et al. 2008). En effet, l'expression d'une
chaîne TRβ à la surface d'un précurseur de lymphocytes T empêche le second chromosome
d'engager le réarrangement d'une chaîne TRβ.
Concernant la chaîne TRα, de nombreuses études ont montré qu'un thymocyte réarrange ses
deux chromosomes en parallèle chez la souris (Malissen, Trucy et al. 1988; Letourneur and
Malissen 1989; de Villartay and Cohen 1990; Malissen, Trucy et al. 1992) et chez l'homme
(Davodeau, Difilippantonio et al. 2001).
A travers l'étude de clones de lymphocytes T murins et humain, Davodeau et al. (Davodeau,
Difilippantonio et al. 2001) ont montré qu'il y avait une co-localisation des gènes J utilisés par
les deux chromosomes chez la souris et chez l'homme. La distance moyenne des J réarrangés
sur chaque chromosome est très proche entre l'homme et la souris dans les cellules T : 10,1 ±
9,4 J et 7,1±6,7 J respectivement.
Contrairement à la région J, la région V ne présente pas de corrélation dans la position
allélique des deux gènes V réarrangés. De plus, la distance intra-allélique de deux gènes V
réarrangés est comparable à une distribution aléatoire. Enfin, il n'y a pas de corrélation dans la
distance intra-allélique des gènes V et J réarrangés.
9.1.1. Avancées du modèle
Dans l'élaboration de notre programme de simulation, nous avons modélisé chaque chaîne α
de manière indépendante l'une de l'autre, sans prendre en compte le fait que les utilisations des
gènes J sur les deux chromosomes évoluent probablement de manière interdépendante.
Pour remédier à cet oubli, nous avons considéré que les réarrangements se faisaient toujours
de manière individuelle, mais par paire (figure 22) : c'est la notion d'inclusion allélique, qui
traduit l'inverse de l'exclusion allélique.
Si le premier réarrangement est "productif", il est enregistré, comme c'était déjà le cas
auparavant. S'il est "non productif", alors un premier réarrangement est engagé sur le second
chromosome, donnant au thymocyte une nouvelle possibilité d'avoir un réarrangement
fonctionnel. Les deux différences avec la version précédente sont :
1) nous considérons que les deux chromosomes s'ouvrent de manière synchronisée, suggérant
que les même gènes V et J sont accessibles sur le second chromosome. Du fait qu'il n'a pas été
rapporté de corrélation dans la sélection des gènes V sur les deux chromosomes, nous laissons
la possibilité au thymocyte de choisir un V dans toute la portion de la région V déjà rendue
accessible.
2) de manière à tenir compte de la co-localisation des gènes J utilisés par un même thymocyte,
le nouveau J sera choisi à plus ou moins cinq kilobases du J utilisé sur le premier
chromosome, ce qui correspond en moyenne à 10Jα autour du J qui a été utilisé sur le premier
chromosome.
Si le réarrangement sur le second chromosome est "productif", alors la simulation s'arrête.
Sinon, le programme conduit à l'étape suivante, qui correspond à un temps de maturation pour
permettre l'accès à une nouvelle fenêtre de gènes V et J.
Figure 22 Etapes de modélisation de l'inclusion allélique. 1) Lors du réarrangement des gènes V et J, une
première fenêtre d'ouverture est mise en place, donnant accès à un nombre limité de gènes V et J la possibilité de se recombiner. 2) Un premier réarrangement VJ est initié. 3) Si ce réarrangement est productif, le programme de modélisation s'arrête. Sinon, un premier réarrangement est initié sur le second chromosome. 4) L'accessibilité à la région J est restreinte aux gènes J se localisant à 5Kb autour du gène J utilisé sur le chromosome 1. L'accessibilité à la région V est permise sur la même fenêtre d'ouverture que celle utilisée sur le chromosome 1.
5) Si le réarrangement est productif, le programme de modélisation s'arrête, sinon une nouvelle fenêtre
d'ouverture est mise en place à partir des derniers V et J utilisés sur chaque chromosome. Les fenêtres d'accessibilité sont représentées en bleu. Les traits en pointillés indiquent que, sur le second chromosome, le gène V peut être choisi tout au long de la fenêtre d'ouverture.
Non productif Fenêtre 1 Fenêtre V Fenêtre J Chromosome 1 Chromosome 2 1 2 3 Non productif Productif
Arrêt Nouvelle fenêtre d'accessibilité 4
Région J Région V
Productif
Arrêt Non productif
Fenêtre 1 Fenêtre V Fenêtre J Chromosome 1 Chromosome 2 1 1 2 2 3 3 Non productif Productif
Arrêt Nouvelle fenêtre d'accessibilité 4 4 Région J Région J Région V Région V Productif Arrêt
9.2. Résultats
Les résultats de la simulation montrent un profil très similaire à ceux proposés sans l'inclusion
allélique. La figure 23 montre que tous les réarrangements ne sont pas équiprobables. Nous
constatons de même, que des réarrangements sont peu probables (entre les gènes V
proximaux et les gènes J distaux, et inversement).
Figure 24 Représentation 2-D des résultats de simulation tenant compte de l'inclusion allélique