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8. LES TRAITEMENTS DE L’EP

8.2. Thérapies psycho-sexologiques et comportementales

8.2.2. Techniques physiques et comportementales

8.2.2.6. Autres méthodes

Les méthodes suivantes peuvent également être employées, seules ou associées aux précédentes techniques physiques.

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o Approche sexocorporelle ou sexofonctionnelle

Cette théorie conçue par le docteur Jean-Yves Desjardins est utilisée en sexologie clinique et repose sur une double grille d'évaluation des différentes composantes psychophysiologiques de la sexualité. Basée sur le principe «corps-cerveau-cerveau- corps», l’approche sexocorporelle étudie le corps et l’émotion lors de la montée de la tension sexuelle ainsi que la décharge de cette dernière. Elle considère que le vécu sexuel est fondé sur des apprentissages pouvant être inachevés ou inappropriés. Ainsi, par la gestion volontaire des réactions corporelles, comme jouer avec les rythmes, les tensions musculaires et l’utilisation de l’espace (respiration et mouvement corporel), le patient pourra influencer le ressenti et la montée de l’excitation sexuelle.

Le principe thérapeutique est donc un réapprentissage des habiletés sexuelles corporelles pour moduler l’excitation et à la fin, augmenter la capacité de la personne à vivre le plaisir sexuel*345.

o Musicothérapie

Elle permettrait une rééducation du réflexe éjaculatoire en conditionnant le sujet à n’éjaculer qu’à l’écoute d’une musique rapide, survenant de plus en plus tardivement après une séquence de musique lente rythmant les mouvements du coït*335.

o Relaxation, yoga et naturopathie

Ces trois méthodes présentent l’intérêt d’être parfaitement bien tolérées, mais hormis la détente certaine qu’elles peuvent entraîner chez les patients, il y a très peu de preuves de leur efficacité sur les symptômes d’EP quand elles sont employées seules. Il existe une étude de 2007 qui montre que le yoga entraînerait une amélioration significative comparable à la fluoxétine mais de façon retardée (à partir de la huitième semaine pour le yoga contre la quatrième pour la fluoxétine)*346. Cependant, une autre étude de 2013 sur l’efficacité du yoga et de la naturopathie sur l’EP n’a pas montré d’amélioration significative avec le yoga par rapport à un placebo*347. Même si les résultats semblaient encourageants, leur défaut peut s’expliquer par un échantillonnage trop petit ainsi qu’une durée de traitement de seulement 3 semaines.

Le mécanisme d’action du yoga sur l’EP est inconnu mais pourrait résider dans le renforcement et la diminution de la tension au niveau des muscles pelviens, ainsi

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qu’une meilleure appréhension des signaux corporels qui précédent l’éjaculation. D’autres essais sont nécessaires, sur plus d’hommes, plus longs, et qui précisent le type de yoga utilisé.

o Hypnose

L’hypnose peut agir soit directement sur le symptôme, soit indirectement en modifiant la perception temporelle du patient ou bien à l’aide de métaphores selon la méthode de Milton Erickson*335. A ce jour, il n’existe pas d’études cliniques menées pour évaluer l’efficacité de l’hypnose sur l’EP.

8.2.2.7. Efficacité des thérapies psycho-sexologiques et comportementales

Sur 186 patients souffrant d’EP, en utilisant une thérapie associant le sensate focus, la technique du squeeze, la psychothérapie individuelle et une thérapie de couple, Masters et Johnson*26 ont obtenu un taux de réussite de 97% maintenu à 5 ans grâce à des séances d’entretien. Mais il s’agissait pour l’époque d’une étude avec un faible niveau de preuve. Hawton et ses collaborateurs*348 ont obtenu avec les mêmes méthodes 64% de succès en fin de traitement mais 75% de rechutes à long terme à cause de l’absence de séances d’entretien.

De Carufel et Trudel ont démontré une très forte augmentation de l'IELT (multiplié par 8) chez les hommes traités avec leur méthode psycho-sexologique (comportant une éducation sur la sensualité, les mouvements du corps, la vitesse de l'activité sexuelle, la tension musculaire et la respiration, les techniques de « squeeze » et « stop/start ») comparativement à un groupe de contrôle*349.

La plupart des études sur les traitements psycho-sexologiques de l’EP manquent de groupes témoins et portent sur des petits effectifs avec peu ou pas de suivi sur la durée. Globalement, si les techniques comportementales sont employées seules, elles n’ont une efficacité à moyen terme que de 50 à 75 %. Des sessions de renforcement sont donc nécessaires pour maintenir les résultats car leur efficacité diminue avec le temps. De plus, elles prennent du temps et ne sont possibles que si la relation de couple est stable car ces méthodes nécessitent la collaboration de la partenaire et présentent parfois un caractère anti-érotique*335.

Dans une revue méta-analytique de 2015, Cooper concluait que les preuves de l’efficacité des techniques physiques comportementales seules pour traiter l’EP sont

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limitées*334. Deux autres méta-analyses ont constaté une faiblesse et une incohérence dans les preuves à l'appui de l’efficacité des traitements psychologiques pour l’EP*350-351. Par contre, les trois méta-analyses ont conclu qu’il y a de bonnes preuves que la combinaison des thérapies comportementales et médicamenteuses donne de meilleurs résultats que les traitements médicamenteux seuls. (Cf. 8.2.3)

8.2.3. Association des thérapies psycho-comportementales et pharmacologiques

La thérapie combinée implique l'utilisation progressive ou simultanée à la fois de la pharmacothérapie et de la thérapie psycho-comportementale. Le médicament doit permettre de retarder l'éjaculation pendant qu'ils apprennent dans le même temps les techniques comportementales pour retarder l'éjaculation et qu’ils abordent les aspects psychologiques et interpersonnels. Si possible, le médicament est sevré après six semaines ou plus chez les hommes qui ont démontré des améliorations certaines de l'IELT.

L'étude sur la thérapie combinée la plus convaincante a comparé des hommes ayant reçu 30mg de dapoxétine et une brève aide psychologique à d’autres n’ayant reçu que de la dapoxétine*207. Après 24 semaines, le groupe recevant l'association thérapeutique a vu son IELT augmenter plus que dans le groupe recevant la dapoxétine seule (IELT de 4,0 et de 1,9 respectivement).

D’autres essais cliniques ont fait état de meilleurs résultats avec une thérapie combinée qu’avec le traitement médicamenteux seul mais les différences dans l’IELT étaient faibles. Une étude a rapporté que la psychothérapie et la technique de stop- start, associée à la chlorpromazine était plus efficace que la chlorpromazine seule sur une mesure auto-évaluée de l'anxiété, de la satisfaction sexuelle et du contrôle éjaculatoire*352. Une autre étude a rapporté que le traitement comportemental (squeeze, sensate focus, Qigong et acupuncture) combiné avec la paroxétine était supérieur à la paroxétine seule sur les mesures du contrôle éjaculatoire, de la satisfaction patient/partenaire et de l'anxiété sexuelle*353. Enfin une dernière étude a signalé que la technique de stop-start combinée au citalopram était plus efficace pour améliorer la satisfaction sexuelle que le citalopram seul, sans préciser le niveau de signification*354.

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L’ISSM continue de penser que la psychothérapie est utile aux hommes, aux femmes et aux couples pour développer les aptitudes sexuelles, retarder l'éjaculation, soulager l'angoisse, améliorer les problèmes relationnels et la confiance en soi sexuelle. Elle estime qu’il y a des preuves de l'efficacité des thérapies psychologiques et comportementales dans le traitement de l’EP*216. L’utilisation de thérapies combinées pharmacologiques et psycho- comportementales semble très intéressante mais pas encore assez employée, les praticiens ayant parfois du mal à intégrer des méthodes provenant de différentes disciplines.

Il paraît évident que des nouvelles recherches sur l'efficacité à long terme doivent être mises en œuvre en utilisant des meilleurs échantillonnages, données statistiques et méthodes d'évaluation des résultats.

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