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CHAPITRE III – LE NATIONALISME ET L’ÉTAT

3.1 LIBERTARIANISME ET NATIONALISME

3.2.1 Autonomie ou indépendance

Historiquement, il est possible d’associer deux positions conservatrices quant à la question constitutionnelle. On peut tout d’abord penser à la position autonomiste de l’Union nationale qui, sans chercher à effectuer une rupture avec le reste du Canada, préconisait de rapatrier le plus de compétences possible au Québec. Une position similaire a été prise par l’ADQ lors de l’élection de 2007. Comme l’explique Gilles Bourque, la position constitutionnelle de l’ADQ « impliquerait en même temps le rétablissement de l’équilibre des finances publiques par la réduction de la taille de

58Daniel Jagodzinski, « Tocqueville, la commune et Hérouxville », [En ligne], Le Québécois libre, 6 janvier 2008, [http://www.quebecoislibre.org/08/080106-3.htm], Consulté le 25 août 2017. Duhaime a lui aussi défendu le code d’Hérouxville ainsi que l’« Énoncé de valeurs » de Gatineau. Selon lui, ces codes de valeurs exprimaient simplement « un vrai besoin de mieux communiquer qui nous sommes aux nouveaux arrivants. » L’État contre les jeunes, Op. cit., p. 139.

l’État central, ainsi que par diverses mesures visant à limiter les déficits et à encadrer son pouvoir de taxation », sans interférer sur la capacité de libre-échange entre les provinces59.

La seconde position soutiendrait qu’en raison de son caractère distinct, le Québec devrait devenir un pays souverain. L’indépendance serait nécessaire pour donner au Québec la capacité de protéger sa culture, sa langue et ses traditions. Cette deuxième posture n’est, bien entendu, pas l’apanage d’un conservatisme nationaliste. On peut retrouver à gauche des arguments similaires. Ce qui caractériserait le conservatisme sur cette question, c’est l’importance qu’il accorde au caractère identitaire du nationalisme. Pour Bock-Côté, le projet souverainiste actuel aurait été vidé, notamment par les progressistes, de son caractère national, entendu ici comme identitaire. Selon Éric Bédard, cette dénationalisation trouverait ses échos dans le nouveau programme d’histoire au secondaire, qui serait « moins politique, non national et plus pluriel60. » On chercherait à définir la nation québécoise de la manière la plus large et inclusive possible. Pour les tenants du pluralisme identitaire, est québécois tout individu vivant sur le territoire du Québec61.

Jacques Beauchemin et Joseph Yvon Thériault vont dans le même sens que Bock-Côté, mais proposent une analyse plus large de la question. Selon les deux sociologues, le néolibéralisme aurait contribué à l’individualisation et à l’atomisation de la société. Ce phénomène se ferait au détriment de l’identité nationale comme point de repère commun pour l’ensemble des Québécois. Nous assisterions ainsi à une liquidation de l’identité québécoise au profit d’une pluralité d’identités n’ayant pratiquement plus rien en commun. Il serait nécessaire, pour les conservateurs, de

59Gilles Bourque, « Un duplessisme postmoderne et néolibéral? », dans ADQ à droite toute! : le programme de l’ADQ expliqué, sous la dir. de Jean-Marc Piotte, Montréal, HMH, 2003, p. 199. 60Félix Bouvier et Laurent Lamontagne, « Quand l’histoire se fait outil de propagande », Le Devoir, 28 avril 2006, cité dans Éric Bédard, Recours aux sources : essai sur notre rapport au passé, Montréal, Boréal, 2011, p. 37.

61Mathieu Bock-Côté, La dénationalisation tranquille : mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec postréférendaire, Montréal, Boréal, 2007, p. 11.

renationaliser le projet souverainiste, c’est-à-dire de le redéfinir par rapport à ce qui constitue l’essence de l’identité québécoise (histoire, traditions, langue, valeurs communes, etc.).

La position de Migué, favorable à un fédéralisme décentralisé, fait écho, quant à elle, à une posture autonomiste similaire à celle de l’ADQ et de l’Union nationale. L’autonomisme vise, comme Migué le préconise, à limiter le pouvoir de l’État fédéral en donnant plus de pouvoir aux provinces. La position de Bernier est également proche de celle de Migué. Selon lui, « [ê]tre nationaliste, c’est de savoir et de croire que le gouvernement du Québec et les provinces ont des pouvoirs spécifiques et qu’ils doivent être capables d’assumer leurs responsabilités en tant que provinces62 ».

Bien que cette position puisse être assimilée au conservatisme en raison des partis politiques qui l’ont défendue, elle n’est pas non plus incohérente avec les principes libertariens voulant donner plus de pouvoir aux petites communautés comme cela est présent chez Salin. Cette idée recoupe encore le thème que nous avons abordé dans le premier chapitre sur l’importance de la société civile que l’on retrouve autant chez des conservateurs que chez des libertariens. Pour schématiser, nous pourrions dire que les deux tendances préconiseraient tout d’abord une décentralisation du pouvoir fédéral vers les entités fédérées, puis un transfert des compétences étatiques vers la société civile. Finalement, sur certains aspects, les libertariens préconiseraient une dernière décentralisation des pouvoirs, soit celle du pouvoir des groupes vers l’individu. Bien que les libertariens jugent favorablement l’association entre les individus, rappelons que celle-ci doit toujours être volontaire. Autrement dit, le droit de l’individu de quitter un groupe doit toujours primer sur le droit du groupe lui-même.

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Catherine Lévesque, « Direction du Parti conservateur : Maxime Bernier se définit comme “nationaliste’’ », [En ligne], Huffington Post, 18 juillet 2016, [http://quebec.huffingtonpost.ca/2016/07/18/maxime-bernier-se-definit-comme-

On peut aussi souligner que, bien que la posture du Duhaime d’aujourd’hui soit celle de l’indifférence, il a défendu une position indépendantiste plus militante dans son début de parcours politique. On peut aussi supposer qu’il a défendu la position autonomiste de l’ADQ lorsqu’il a porté les couleurs du parti.

La position de Masse en 1994 visait, comme celle de plusieurs conservateurs nationalistes, l’indépendance du Québec. Les moyens proposés pour y arriver sont toutefois bien différents. En effet, alors que des conservateurs comme Beauchemin, Thériault et Bock-Côté veulent renationaliser le projet indépendantiste, Masse préconisait plutôt, à l’époque, sa dénationalisation. Sa position actuelle semble se rapprocher davantage de celle des autonomistes. Il préfère laisser de côté l’indépendance afin de militer pour une réduction de la taille de l’État fédéral. C’est sans doute cette volonté qui l’a poussé à devenir conseiller de Bernier lors de la dernière course à la chefferie du parti conservateur canadien.

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