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Afin de bien pouvoir comprendre ce qui se produit dans un organisme qui jeûne, il est nécessaire que nous comprenions le processus d'autolyse qui, bien que très commun dans la nature, a été presque complètement négligé par les phy- siologistes en général. Nous avons déjà mentionné le fait que les tissus vitaux ou fonctionnels de l'organisme qui jeûne sont nourris par les réserves alimentaires emmagasinées dans le corps. Ces réserves sont stockées sous forme de substances assez complexes, telles que le sucre (glycogène), la graisse, les protéines, etc., et, pas plus que les graisses, protéines et glucides d'un autre animal, ou de tout autre aliment, elles ne sont pas propres à pénétrer dans le sang ou à être utilisées par les cellules. Avant de pouvoir passer dans le sang et être assimilées par les cellules, elles doivent d'abord être digérées.

Commençons par un exemple connu de la digestion et de l'absorption d'une partie d'un organisme vivant par l'organisme lui-même. Au cours du processus de transformation en grenouille, le têtard développe quatre pattes. Lorsque celles-ci sont entièrement constituées, la queue qui était tellement utile au têtard ne lui sert plus à rien; aussi procède-t-il à son élimination, non en la faisant tomber, comme on le pense couramment, mais en l'absorbant. La queue se compose de muscle, graisse, nerfs, peau, etc. Ces structures sont digérées de la même façon que le sont la graisse et le muscle dans l'appareil digestif. Par l'action des enzymes appropriées, les protéines et les graisses sont décomposées en acides aminés et acides gras. C'est sous cette forme seulement qu'ils sont propres à ren- trer dans le sang. Ce n'est qu'en tant qu'acides aminés et acides gras qu'ils peuvent être utilisés à nouveau pour nourrir d'autres structures de l'organisme de la grenouille.

Pendant la période où la queue de l'ex-têtard est en voie d'absorption, la jeune grenouille ne mange pas. En fait elle cesse de manger quand les pattes antérieures deviennent apparentes. Il se peut que le jeûne soit essentiel pour permettre l'absorption de la queue, ou du moins il hâte le processus, car il oblige l'utilisation de la queue comme nourriture pour subvenir aux besoins des tissus vitaux de la grenouille jeûnant.

Nous pouvons comparer ce processus à celui par lequel le crapaud mange sa peau. Les crapauds muent plusieurs fois par an. Ils avaient leur vieille peau

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après en être sortis. Pour pouvoir utiliser cette peau, le crapaud doit tout d'abord la digérer. Ses protéines et ses graisses doivent être réduites en des composés simples acceptables tels qu'acides aminés et acides gras. Dans ce cas, ceci s'ef- fectue dans l'estomac et l'intestin du crapaud. Mais dans le cas de la grenouille qui digère sa queue, le travail se fait dans la queue elle-même.

Le mot autolyse provient du grec et signifie, littéralement, perte de soi-même.

On l'emploie en physiologie pour désigner le processus de digestion ou de désin- tégration de tissus par des ferments (enzymes) produits dans les cellules elles- mêmes. C'est un processus d'auto-digestîôn, de digestion intra-cellulaire.

Un certain nombre d'enzymes autolytiques sont connues et classées sous les tetmes généraux d'oxydases et peroxydases. Les physiologistes savent que des enzymes protéolytiques (qui digèrent les protéines) sont formées dans plusieurs tissus vivants, si ce n'est dans tous. Apparemment chaque tissu produit sa propre enzyme, qui, probablement, dans des conditions de vie normales, est utilisée dans les processus réguliers du métabolisme. Dans d'autres conditions, les enzymes peuvent être employées à digérer les substances composant les cellules elles- mêmes. Dans leur Textbook of Physiology (Edition 1946), Zoethout et Tuttle mentionnent que, dans certaines conditions expérimentales, où leur activité s'exerce sans limites, les enzymes qui sont ordinairement présentes dans le foie (protéases, lipases, carbohydrases) digèrent les protéines, hydrates de carbone et graisses du foie. A l'état normal, cette digestion du foie ne se produit pas. Ces diverses enzymes intra-cellulaires jouent un rôle évident dans le métabolisme des substances alimentaires; c'est-à-dire dans la fonction normale et régulière de nutrition ou métabolisme.

Quelques exemples familiers d'autolyse vont préparer le lecteur à comprendre son emploi dans la « maladie ». Les phénomènes qui se produisent au cours d'un jeûne donnent de nombreux exemples du contrôle que le corps exerce sur ses processus d'autolyse. Par exemple, les tissus sont perdus en raison inverse de leur utilité — les graisses et excroissances morbides s'en vont en premier lieu, puis les autres tissus. Ces tissus (tissus adipeux, moelle des os, etc.) et substances nutritives (glocogène) ne sont pas propres à entrer dans le courant sanguin avant d'avoir été soumis à l'action des enzymes. En fait, pas plus que la graisse ou le muscle de la vache ou du mouton, la graisse ou le muscle humains ne sont propres à pénétrer dans la circulation, sans digestion préalable. Le glycogène (ou amidon animal), emmagasiné dans le foie, doit être converti en un sucre simple avant de pouvoir passer dans le sang. Cette conversion s'accomplit par l'action des enzymes.

La façon dont un abcès « pointe » vers la surface du corps et draine son contenu infecté vers le dehors, est bien connue de tous. Ce que l'on ne sait pas généralement c'est que cette action de l'abcès, qui consiste à « pointer » vers la surface du corps, n'est rendue possible que parce que la chair qui se trouve entre l'abcès et la surface du corps est digérée par les enzymes, c'est-à-dire qu'elle est autolysée et enlevée.

L'absorption de l'anneau osseux qui sert de support aux extrémités d'une fracture est rendue possible par la désintégration autolytique de l'anneau osseux.

Le ré-arrangement des matériaux dans les tronçons des planaires (vers plat) et la dissolution du pharynx dans le tronçon qui le contient, pour en former un nouveau destiné à s'ajuster à la nouvelle taille ou dimension, comme nous l'avons décrit ailleurs, est rendu possible par l'autolyse.

L'autolyse chez les plantes

Le règne végétal offre de très nombreux exemples d'autolyse, mais quelques exemples bien connus nous suffiront pour le moment. Tous les bulbes — et l'oignon nous servira d'exemple — maintiennent en eux une nouvelle plante entourée d'une quantité de nourriture suffisante pour la faire vivre pendant une période de repos, pendant laquelle elle ne tire pas de nourriture du sol et de l'air. En fait, le bulbe peut être retiré du sol et mis de côté durant de longue périodes.

L oignon peut commencer à germer dans le seau ou le sac dans lequel il se trouve.

Des tiges poussent et bientôt le bulbe entier de l'oignon est transformé en tiges vertes. Le bulbe se ramollit graduellement, et bientôt il ne reste plus qu'une simple enveloppe, la substance de l'oignon ayant été digérée et utilisée par la plante en voie de croissance. La betterave, le navet et beaucoup d'autres tuber- cules se développent de la même façon. Les éléments nécessaires à la croissance sont fournis par la digestion autolytique des substances contenues dans le tuber- cule, et même hors de terre ces plantes produisent racines et feuilles, et elle*

poussent.

Qui n'a vu la ménagère mettre une patate douce dans un vase rempli d'eau, la suspendre, et observer sa croissance. Elle développe des tiges qui deviennent très longues et donnent beaucoup de feuilles vertes. Une telle plante continuera à croître tant que subsistera la nourriture qui avait été emmagasinée dans la patate douce. Il en est de même de la pomme de terre dite « d'Irlande ».

S'il y a de la lumière, les feuilles et les tiges seront vertes; si elles sont maintenues dans l'obscurité, elles seront blanches. S'il y a une petite fissure, située à une distance de 1 m 50, par laquelle rentre la lumière, ces tiges pous- seront en direction de la source de lumière et leur longueur atteindra un mètre et plus, si telle est la distance qui les sépare de la lumière. Par autolyse, les subs- tances alimentaires emmagasinées dans le tubercule sont dissociées et rendues utilisables par la jeune plante.

La première croissance de toutes les plantes à partir de la graine entraîne la digestion de la nourriture accumulée dans la graine. Les graines de même que les œufs des animaux, sont principalement des entrepôts de nourriture. La partie vivante réelle de la graine est de dimension presque microscopique.

Une bouture de rosier ou de figuier placée dans la terre et arrosée donnera des racines et des feuilles, et poussera. Les feuilles, ainsi que les racines, se nourrissent des substances contenues dans la bouture. Coupez une feuille de bégonia en petits morceaux, soignez-les bien et chaque morceau donnera nais- sance à un nouveau massif de bégonias. Les substances contenues dans le frag- ment de feuille sont utilisées pour la constitution d'une nouvelle plante. Ce sont là des exemples de l'autolyse, redistribution et réorganisation des matériaux contenus dans une partie de plante.

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