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1. En général

Le droit de l’enfant d’être entendu est garanti par l’art. 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE), l’al. 2 précisant que l’enfant doit avoir la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié. L’art. 12 CDE est directement applicable en Suisse à toute procédure ayant trait à une question qui concerne l'enfant.

Le droit de l’adoption ne prévoyait pas jusqu’ici une disposition expresse sur l’audition de l’enfant. La doctrine était toutefois unanime pour considérer qu’il était nécessaire d’impliquer l’enfant de façon appropriée dans la procédure. L’audition est désormais expressément réglée par l’art. 268abis CC. Selon cette disposition, l’enfant est entendu personnellement et de manière appropriée par l’autorité cantonale compétente pour la procédure d’adoption ou par un tiers nommé à cet effet, pour autant que son âge ou d’autres justes motifs ne s’y opposent pas (al. 1). L’audition fait l’objet d’un procès-verbal (al. 2). L’enfant capable de discernement peut recourir contre le refus de l’entendre (al. 3).

toute évidence cette configuration qui est visée (et non pas la situation décrite au point II.1, à savoir le projet parental commun d’un couple de même sexe).

6 La disposition sur l’audition de l’enfant s’inspirant de l’art. 298 CPC, la doctrine et la jurisprudence relatives à cette disposition ainsi qu’à l’art. 314a CC (audition de l’enfant par l’autorité de protection de l’enfant) peuvent être appliquées par analogie.5

2. Audition par l’autorité ou un tiers nommé à cet effet

Selon la jurisprudence, l’audition est en règle générale à mener par l’autorité qui statue et ne doit en tout cas pas être systématiquement déléguée à des tiers. Elle peut être déléguée à titre exceptionnel à une personne formée à cet effet si les circonstances du cas concret le commandent.6

3. Renonciation à l’audition

L’enfant doit être entendu, à moins que des motifs importants ne s’y opposent. Il est donc exceptionnellement possible de renoncer à auditionner l’enfant. La loi mentionne l’âge de l’enfant comme motif susceptible de justifier une telle renonciation. Au titre de ligne directrice, le Tribunal fédéral a retenu que l’audition est en règle générale possible dès l’âge de six ans révolus.7

La loi contient en outre une clause générale, selon laquelle d’autres justes motifs peuvent permettre de renoncer à l’audition. Il faut comprendre par là qu’il convient de renoncer à l’audition si elle représente un stress excessif pour l’enfant et risque de compromettre son bien-être.8

L’audition peut être écartée lorsque l’enfant lui-même la refuse, sans influence extérieure.9 Auditionner l’enfant contre sa volonté clairement exprimée ne correspond pas au bien de l’enfant. La renonciation à l’audition peut être notamment envisagée dans le cadre d’une adoption basée sur un projet parental construit dès le début en commun. Dans une telle situation, l’adoption n’entraîne aucun changement dans le quotidien de l’enfant ni dans sa cohabitation avec ses parents.

5 Cf. notamment ATF 131 III 553 ; 133 III 553 et les références indiquées à la fin des présentes recommandations.

6 ATF 127 III 295, 296 s. ; ATF 133 III 553, 555.

7 ATF 131 III 553, 556 s. ; confirmé à plusieurs reprises, cf. parmi beaucoup d’autres : TF 5A_457/2017 du 4 décembre 2017.

8 ATF 131 III 553, 558, cons. 1.3.

9 ATF 131 III 553, 558, cons. 1.3.1.

7 Auditionner un enfant encore incapable de discernement quant à la démarche juridique de l’adoption ne peut être conforme à l’objectif de l’audition s’il n’y a aucune réorganisation de la vie familiale, que l’adoption ne fait qu’entériner juridiquement un lien créé avec la naissance de l’enfant, qu’aucun lien de filiation existant ne disparaît parce que le projet parental commun du couple a été réalisé grâce, par exemple, au recours à un don de sperme à l’étranger, et qu’il n’y a pas de relation sociale parent-enfant avec un tiers susceptible d’être affectée par l’adoption. L’audition n’est alors non seulement inutile mais peut être comprise comme l’expression d’une méfiance et comme intervention discriminatoire à l’égard de la famille homoparentale.

4. Audition de l’enfant « de manière appropriée »

Par la formule « de manière appropriée » (art. 268abis CC), il faut comprendre que l’audition doit être adaptée à l’âge de l’enfant.

D’une manière générale, l’audition d’un enfant exige des compétences et connaissances dans le domaine de la psychologie du développement et de la communication que les membres de l’autorité devront acquérir dans le cadre d’une formation adéquate. Il s’agit par exemple d’apprendre des techniques de conduite d’entretien avec un enfant qui permettent de créer un climat de confiance et d’encourager l’enfant avec des supports comme du matériel de dessin ou des jeux. Les questions suggestives sont à éviter, et le niveau de langage doit être adapté au stade de développement de l’enfant. Pour être adaptée à l’enfant, l’audition doit aussi être menée par un seul membre de l’autorité et non par l’ensemble des membres.

L’audition devrait en règle générale être effectuée hors la présence des parents, du représentant de l’enfant ou du curateur. Des exceptions sont possibles, en particulier pour les enfants en bas âge.

Le contenu de l’entretien avec l’enfant découle du sens et du but de l’audition.

L’audition visée à l’art. 268abis CC a pour sens et pour but de voir l’enfant comme un sujet actif, avec ses propres besoins. La ligne directrice est le bien de l’enfant, qui doit être pris en compte en priorité dans toutes les questions qui concernent ce dernier : l’enfant est pris au sérieux comme expert de son propre bien-être. Dans le cadre de l’adoption au sein d’une famille arc-en-ciel cela signifie que le respect de l’enfant, de son expérience et de sa perspective doit être le principe directeur.

Cela signifie tout d’abord que la conduite de l’entretien se base sur les trois principes éthiques généraux que sont la bienfaisance, la non-malfaisance et le respect de la dignité humaine. Le risque pour l’enfant de subir un préjudice émotionnel ou d’être troublé doit être gardé à l’esprit

8 en permanence pendant l’entretien. En particulier, il convient de ne pas faire pression sur l’enfant pour qu’il réponde à certaines questions.

Il s’agit notamment de laisser à l’enfant tout loisir pour décrire sa propre famille. L’idée n’est donc pas de confronter l’enfant à des catégories juridiques qu’il ne connaît pas (par exemple « la partenaire enregistrée de ta mère » au lieu de « ta mummy »), mais plutôt de chercher à savoir quelles personnes l’enfant inclut lui-même dans sa famille et comment il les appelle.

De la même façon, la démarche d’adoption devrait être expliquée à l’enfant d’une façon adaptée à son âge. La personne qui auditionne l’enfant peut lui demander s’il sait pourquoi il y a une audition et s’il a des questions à poser à l’autorité. En aucun cas, l’audition n’a pour but de déconcerter l’enfant en l’informant de façon exhaustive sur le manque de protection juridique des familles arc-en-ciel sous l’ancien droit. L’information fournie doit au contraire mettre en avant l’objectif de l’adoption, qui est de reconnaître le lien de l’enfant avec ses parents de même sexe.

Enfin, il faut définir avec l’enfant quelles déclarations seront consignées dans le procès-verbal, dont les parents auront connaissance.

5. Procès-verbal d’audition

L’audition fait l’objet d’un procès-verbal (art. 268abis al. 2 CC). Le parent juridique, ou les parents juridiques, et le parent social doivent être informés par l’autorité du résultat de l’audition, oralement ou par écrit.

6. Droit de recours de l’enfant

L’enfant capable de discernement peut recourir contre le refus de l’entendre (art. 268abis al. 3 CC).

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