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5. Division de la recherche

1.2 Les débuts de la conversion et de l'intégration culturelle

1.2.1 L'aube du christianisme : de l'Antiquité tardive à Charlemagne

Le rite du baptême connut une évolution entre l'Antiquité et la fin du Moyen Âge. Jusqu'au Ve siècle, il s'agissait d'une cérémonie se déroulant aux alentours de Pâques. Les futurs baptisés devaient se soumettre précédemment à une longue instruction ainsi qu'à une nuit de veillée. D'autres rituels, dont des exorcismes, lui étaient

45 J. N. Hillgarth, 1986, Op. cit. p.73.

46 Lawrence G. Duggan, Loc. cit. p. 49.; Richard Fletcher, Op. cit. p p .2 1 3 ,218. 47 Richard Fletcher, Op. cit. pp.214-215.

48 Ibid. p.487.

associés.50 L'enseignement de la foi se poursuivait à la suite de cette cérémonie. Comme ce fut le cas de Césaire d'Arles, plusieurs missionnaires et évêques prêchèrent constamment auprès des néophytes pour s'assurer qu'ils ne sombrent pas de nouveau dans le paganisme.51 Comme le soulignait Saint Augustin, l'Église avait un rôle primordial à jouer lors de ce rituel. Il ne s'agissait cependant pas de l'Église comme institution, mais comme lieu de rassemblement et d'amour des chrétiens.52 D'ailleurs, cette Église était présente dans tous les bâtiments religieux de l'époque, utilisés pour l'instruction des populations et du clergé local.53 Ainsi, avant Charlemagne, le baptême était le résultat de l'instruction à la foi.

À ce moment, les missionnaires cherchaient principalement à séduire les élites des sociétés païennes, et ce, plus particulièrement dans les villes. Ces dernières s'intégrèrent souvent à la chrétienté pour répondre à des visées politiques, comme dans le cas de Clovis qui se convertit pour s'associer à Dieu. L'Église pour sa part cherchait à gagner des défenseurs.54 D'ailleurs, pour rejoindre plus facilement les souverains germaniques, les missionnaires adaptèrent leur discours pour l'axer sur la principale activité de ces chefs, soit la guerre. Ainsi, tout comme Constantin, Clovis se convertit à la suite d'une victoire militaire qu'on associa à la volonté de Dieu.55 L'Église se gagnait de ce fait un champion56, ainsi qu'un homme influant et pouvant promulguer des lois

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contre le paganisme . Le reste de l'aristocratie païenne se joignit rapidement au mouvement, afin de demeurer dans les bonnes grâces de leur souverain. Cela eut une

50 J. N . Hillgarth, 1969, Op. cit. p.9. 51 Peter Brown, Op. cit. p.99.

52 Frederick H. Russel, Loc. cit. p. 24. 53 Richard Fletcher, Op. cit. pp.86-88. 54 J. N . Hillgarth, 1969, Op. cit. p.74.

55 James Muldoon, Loc cit. p.2.; Richard Fletcher, Op. cit. p. 122. 56 J. N . Hillgarth, 1986, Op. cit. p. 169.; Richard Fletcher, Op. cit. p. 120. 57 Ramsay MacMullen, Op. cit. p.45.

importance significative pour la mission, car cette partie de l'élite était plus proche du peuple et conséquemment, elle pouvait plus facilement le convaincre de s'intégrer à la chrétienté.58 Ainsi, la religion chrétienne s'immisçait dans le haut de la pyramide sociale pour atteindre sa base. Il s'agissait d'un dogme principalement propagé dans les villes, les campagnes étant jugées trop lointaines par les élites chrétiennes.59 En vérité, la population rurale était considérée comme bestiale et conséquemment, on ne pouvait l'évangéliser.60 Si l'élite était l'atout principal des missionnaires, une partie de la population était aussi approchée par ceux-ci. On délivrait parfois des esclaves dans le but de les éduquer dans les monastères. Par la suite, ceux-ci pouvaient constituer d'excellents traducteurs ou missionnaires auprès de leur propre peuple.61

La destruction des symboles du paganisme constitue un autre pan important des stratégies missionnaires à cette époque. Par exemple, en Angleterre, dès la conversion des rois, l'Église leur demanda d'anéantir tous les signes du paganisme. On jugeait que tant que les lieux de culte existeraient, ils représenteraient une menace pour l'avancée du christianisme.62 Cependant, cette méthode évolua rapidement. Toujours dans le cas de l'Angleterre, Grégoire le Grand suggéra qu'il ne fallait pas éliminer toutes les traces du paganisme; il fallait plutôt récupérer les lieux de culte païens dans le but de les christianiser. De ce fait, les néophytes seraient plus enclins à les fréquenter.63 Cela peut être mis en lien avec la condamnation de la violence utilisée par les missionnaires chez

58 Richard Fletcher, Op. cit. pp. 38, 9 0 ,1 2 0 , 130.

59 J. N. Hillgarth, 1969, Op. cit. p.52.; Ramsay MacMullen, Op. cit. p. 104.; Richard Fletcher, Op. cit. p. 15.; Peter Brown, Op. cit. p. 116.

Richard Fletcher, Op. cit. p. 16.

61 J. N. Hillgarth, 1986, Op. cit. p.139.; Peter Brown, Op. cit. p.146.

62 Lawrence G. Duggan, Loc. cit. p.56.; Ramsay MacMullen, Op. cit. pp.86-87. 63 J. N. Hillgarth, 1986, Op. cit. p. 150.; Lawrence G. Duggan, Loc. cit. p. 57.

certains membres de l'Église.64 Il serait néanmoins erroné de croire que la création d'un espace chrétien est seulement issue de la suppression de l'espace païen. Il fallait aussi créer et structurer une nouvelle géographique chrétienne. On utilisa les ossements des martyrs afin de créer des espaces sacrés.65 Puis, on établit des églises et enfin, par la translation des reliques, on créa des couloirs chrétiens, des réseaux d'églises à l'origine des premières paroisses, puis des évêchés.66

Aussi, les missionnaires jugeaient important de démontrer la supériorité du christianisme. Selon Hillgarth, malgré sa complexité, la religion chrétienne possédait de nombreux avantages sur le paganisme : une mythologie plus précise, une religion organisée, une hiérarchie stable, un credo intolérant et exclusif, et un fil conducteur dressant un portrait du monde du début à sa fin.67 En résumé, il s'agissait d'une religion stable, encadrant la vie de tous les jours, comme démontré par les conciles visant à

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organiser l'effort des missionnaires et la vie spirituelle. Cette supériorité s'affirmait aussi par les miracles du clergé. D'ailleurs, MacMullen précise que dans leurs textes, Bède le Vénérable et Grégoire de Tours insistaient sur l'importance des miracles dans le processus d'évangélisation.69 Aussi, les missionnaires vantaient aux païens la richesse et la fertilité des terres chrétiennes, démontrant ainsi la faveur dont jouissaient les fidèles de Dieu.70

Il ne faut cependant pas oublier que l'Église n'était pas toute puissante et triomphante à cette époque. De ce fait, le syncrétisme constitua une part importante des

64 Lawrence G. Duggan, Loc. cit. p.58. 65 John M. Howe, Loc. cit. p.64.

66 Ibid. pp.65-70.

67 J. N. Hillgarth, Op. cit. 1986, p.5. 68 Ibid. pp.98-99.

69 Ramsay MacMullen, Op. cit. pp.22-23.

stratégies missionnaires.71 On convertit ainsi certains lieux de culte pour créer une double allégeance religieuse, on encore des symboles (comme les amulettes devenant

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des reliques). On associa même certaines figures divines païennes à des saints chrétiens (comme nous l'avons vu au préalable avec le cas de la déesse du feu Brigid devenue Sainte-Brigitte).73

Bref, au cours des premiers siècles d'expansion du christianisme, le prosélytisme chrétien se manifestait au travers d'une éducation touchant surtout l'élite païenne. On cherchait à la soudoyer par tous les moyens afin qu'elle se christianise. Cependant, les missionnaires ne pouvaient pas seulement christianiser la population, ils devaient aussi prendre possession de l'espace païen. Deux attitudes se manifestèrent face à ce défi : la démonstration de la supériorité du christianisme puisque les dieux païens ne se vengeaient pas contre ceux qui les profanaient d'une part, et le syncrétisme d'autre part. La violence fut aussi l'apanage des missionnaires. Ce fut le cas entre autres de Martin de Tours, ou encore des moines qui furent utilisés comme soldats, particulièrement dans l'Orient romain.74