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Attribuer le bon médicament au bon patient, le machine learning

3. L’intelligence artificielle en réponse aux limites de l’Assurance maladie : l’Empowerment du patient

3.4. Attribuer le bon médicament au bon patient, le machine learning

Depuis le début du XXème siècle, les laboratoires pharmaceutiques ont découvert ou développé des molécules avec l’objectif de traiter des populations entières. Le système offrait des traitements de qualité à des coûts supportables par l’assurance maladie. Les prescriptions à large échelle assurant la rentabilité de la molécule pour le laboratoire fabriquant grâce au remboursement de ces thérapies. Mais aujourd’hui le système s'essouffle Le nombre de maladies chroniques augmente se répercutant par un accroissement du volume de médicaments prescrits se traduisant par une hausse globale des dépenses de santé. Or, les budgets alloués par le gouvernement pour le système de santé, connu sous le nom de ONDAM, sont constants ou en faible augmentation non proportionnelles à l’explosion des demandes de santé. Résultat, la balance n’est plus à l’équilibre.

Même si la grande majorité des médicaments disponibles actuellement sur le marché s’inscrivent encore dans ce modèle, ces traitements de masse ont tendance à reculer face à l’arrivée d’une nouvelle génération de thérapies personnalisées qui s’adaptent à chaque patient et offrent des innovations jamais atteints jusqu’alors, avec une efficacité améliorée et des effets secondaires réduits. Même si leurs applications sont très larges et touchent toutes les aires thérapeutiques : cancers, maladies cardiovasculaires, neurodégénératives … ces soins qualifiés de “premium care”, avec des prix bien plus élevés ne peuvent être pris en charge par l’assurance maladie faute de budgets suffisants (54) (55)

Qu’ils s’agissent de thérapies innovantes, ciblées, d’immunothérapie, de Car-T Cell, les thérapies sont des plus en plus efficaces mais aussi de plus en plus chères dues à leurs coûts de développement records.

La situation est telle, que le système de santé français ne peut plus se permettre d’offrir ce type de soin à toute la population.

Une autre part du problème repose sur le constat que dans les cas des thérapies ciblées en particulier, le taux de réponse du malade au traitement est parfois faible au regard des coûts investis.

(56) Pour illustrer cette réalité, prenons le cas de traitements par thérapie ciblées de tumeurs solides, pour le Sunitinib malate (Sutent®) dont le taux de réponse est de 20%, le Sorafénib (Nexavar®) de 11% et Axitinib (Aguron®) 44%. Des taux de réponse relativement faibles, la majorité des personnes traitées (plus de 50%) ne répondent pas aux traitements administrés. La gamme de prix de ses

PASKO Mathilde | En quoi l’intelligence artificielle peut-elle favoriser l’Empowerment du patient 71 thérapies se situe entre 40 000 et 50 000€ par an et par patient et sont remboursées à 100% par l’assurance maladie (57) (58).

Ces thérapies offrent en effet des résultats prometteurs chez les patients à condition que ces derniers soient répondants, mais restent inactives sur la majeure partie de la population.

Face à de telles dépenses engagées quand on se place à l’échelle d’une population générale, pour le nombre de patients chez qui la thérapie se révèle inefficace, la perte d’argent est considérable.

Pour rationaliser les dépenses, s’il est complexe de traiter le problème à la source et de faire baisser le prix des médicaments, l’idéal serait en revanche de connaitre la réponse du patient au traitement. De prescrire le bon médicament au bon patient afin de le traiter efficacement du premier coup. Ce schéma éviterait ainsi de dispenser un médicament dont le taux de réponse sera nul sur un patient “X”, et économiser de l’argent. C’est un des aspects de la médecine personnalisée, le bon médicament pour le bon patient.

C’est l’objectif que tente d’atteindre l’entreprise ExactCure, au moyen de l’intelligence artificielle (59).

ExactCure offre au patient ou au médecin la possibilité d’étudier en temps réel l’effet du médicament sur son corps, de manière individuelle et de pouvoir prendre le bon médicament au bon moment.

Une fois que le médicament a été choisi, le système est capable de dire quelle est la bonne posologie, les bons intervalles, la bonne forme galénique à prendre pour éviter les sous-dosages, les surdosages et les interactions médicamenteuses. Les résultats sont présentés sous forme de graphiques animés et accessibles au médecin.

Outre le fait que cette solution soit très simple d’utilisation, une application à télécharger pour le patient ou un logiciel sur l’ordinateur du médecin, elle présente un avantage unique. En effet, l’analyse est faite sans aucun prélèvement sanguin, simplement par une simulation.

De manière plus technique, ExactCure se base sur 2 piliers.

PASKO Mathilde | En quoi l’intelligence artificielle peut-elle favoriser l’Empowerment du patient 72 La première ne repose pas sur l’intelligence artificielle, mais sur une approche unique de biologie croisée à des mathématiques, une technique de “bio-modélisation”. La réponse individuelle et les interactions médicamenteuses peuvent être déterminées à partir de règles pharmacocinétiques.

Comme évoqué précédemment, en quelques minutes, le patient sur son téléphone mobile ou le médecin depuis son ordinateur au cabinet médical crée un jumeau digital sur la base des caractéristiques personnelles : poids, âge, sexe, médicaments co-prescrits, clairance, créatine, mutations génétiques ...

Les algorithmes développés garantissent des calculs du taux de réponse personnelle avec un très haut degré de précision en fonction des caractéristiques pharmacocinétiques du médicament et du profil du patient.

Un second aspect, dans lequel intervient le machine learning pour capter le ressenti du patient. La première partie était très objective grâce aux calculs, la seconde est beaucoup plus subjective. L’objectif est d’intégrer, dans le modèle de calcul, le ressenti du patient. Pour cela, des informations sur le ressenti sont collectées grâce à des questionnaires (échelles de 1 à 10) ou via des objets de santé connectés (qui déterminent la sudation ou le rythme cardiaque). Ces données sont ensuite traduites en équations. Cette analyse s’affine au fur et à mesure des utilisations, grâce au machine learning. Plus les patients partagent leurs ressentis, plus le modèle est capable de déterminer la juste dose de molécule et le rythme d’administration qui permettent d’obtenir les résultats attendus.

Aujourd’hui, ExactCure couvre un certain nombre de molécules et souhaite grandir maladie chronique par maladie chronique en augmentant ses bases de données de médicaments. Le premier projet s’intéresse aux maladies inflammatoires chroniques et la gestion de la douleur. Aujourd’hui, 72 molécules sont référencées sur cette aire thérapeutique, multiplié par le nombre de formes galéniques et les génériques, cela équivait à environ 1300 références dans le commerce. L’objectif des prochains mois sera de se pencher sur les maladies cardio-vasculaires, maladies neurologiques (anxiété, épilepsie, dépression, maladies neurodégénératives, schizophrénie, bipolarité), les maladies du poumon, cancers, maladie du ventre (maladie du Crohn, MICI).

Ce type d’innovation s’applique parfaitement à des patients atteints de maladies chroniques polymédiqués.

ExactCure souhaite être reconnu comme dispositif médical de classe IIa (présentant un risque d’utilisation potentiel modéré), ce qui suppose une organisation de production en interne, avec une série de processus à suivre.

PASKO Mathilde | En quoi l’intelligence artificielle peut-elle favoriser l’Empowerment du patient 73 Si aujourd’hui ExactCure est en mesure de déterminer les posologies et les rythmes d’administration idéaux pour une molécule déjà testée sur le patient, dans quelques temps on peut imaginer connaître, de manière toute aussi précise, le taux de réponse d’un patient à une nouvelle thérapie sans même avoir besoin de l'administrer. Le médecin pourrait ainsi prescrire en première intention le traitement qui sera le plus adapté d’emblée afin d’avoir un meilleur taux de guérison ou de rémission tout en utilisant le moins de lignes de traitement possibles. C’est moins de souffrance pour le patient, par réduction des effets secondaires, une efficacité augmentée dans la lutte contre l’évolution de la maladie et autant d’économies de manière plus globale pour la sécurité sociale.

3.5. Prévention des comportements et environnements à