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Attracteur et exposant de Lyapunov

5.2 Le cas de CPCl/NaSal 6,3%

5.2.2 Attracteur et exposant de Lyapunov

Le système possède un grand nombre de degrés de liberté en raison de la grande variété de tailles de micelles dont il est composé. Son attracteur est donc complexe et ne peut être représenté simplement. On peut néanmoins en regarder des portions en utilisant la représentation par la méthode des retards. Nous avons choisi de tracer des sections de l’attracteur de notre système par cette méthode sur le signal intermittent à 20 s−1 afin de comparer une phase laminaire à une zone de chaos (bouffées). En effet, cette représentation graphique permet de visualiser l’autocorrélation du signal et ainsi de mettre en évidence ces phénomènes. En variant le retard, on peut mettre en évidence une décorrélation ou une corrélation d’un signal en fonction d’un intervalle de temps donné. Notre signal est riche de 30 000 points avec 0,06 s d’intervalle entre chaque point, ce qui représente une bonne statistique en comparaison avec celle de l’étude [24] qui était de 1500 points. La figure 5.11 présente trois sections de l’attracteur obtenues sur le signal intermittent à 20 s−1. Elles représentent la contrainte au pas N en fonction de la contrainte au pas, respectivement de gauche à droite, N-1, N-25 et N-50, correspondant à des écarts de 0,06 s, 1,5 s et 3 s. Ces différents écarts permettent de visualiser le signal périodique laminaire, ainsi que les bouffées chaotiques qui se distinguent très nettement à partir d’un délai N-25.

Pour le diagramme de retard d’un signal non-chaotique, on s’attend à ce que les valeurs du paramètre observé soient fortement corrélées, c’est-à-dire qu’elles soient proches quel que soit le pas entre les valeurs comparées. À l’inverse, les phases chaotiques seront décorrélées et les valeurs du paramètre seront très dispersées, étalant la distribution.

114 Chapitre 5. Chaos contrainte(N) contrainte(N−1) 75 76 77 78 79 80 81 75 76 77 78 79 80 81 contrainte(N) contrainte(N−25) 75 76 77 78 79 80 81 75 76 77 78 79 80 81 contrainte(N) contrainte(N−50) 75 76 77 78 79 80 81 75 76 77 78 79 80 81

Figure5.11 – Diagrammes par la méthode des retards sur le signal intermittent à 20 s−1. La contrainte au pas N est tracée en fonction de la contrainte au pas N-1, N-25 et N-50. La forte densité correspond au signal périodique de la phase laminaire, tandis que le nuage correspond aux bouffées chaotiques.

co n tr ai n te (N )
 contrainte(N‐1)
 co n tr ai n te (N )
 contrainte(N‐1)


Figure 5.12 – Diagrammes par la méthode des retards sur le signal chaotique à 25 s−1. La contrainte au pas N est tracée en fonction de la contrainte au pas N-1 (à gauche) et N-28.

Le diagramme de gauche de la figure 5.11 montre la contrainte au pas N en fonction du pas N- 1. Le signal est concentré sur une ligne droite de pente 1 impliquant que les valeurs de la contrainte séparées par 0,06 s sont très proches. Le signal est donc fortement corrélé. On peut distinguer deux zones : une de forte densité et l’autre de densité moindre. Pour N-25, le système explore deux

5.2. Le cas de CPCl/NaSal 6,3% 115 zones de l’espace des phases très nettes. La zone marquée par un grand nombre de valeurs de la contrainte correspond aux phases laminaires du signal intermittent. Durant ces phases, le signal est périodique de même période que la rotation imposée. Ces oscillations se produisent autour d’une valeur en contrainte stationnaire. Le signal étant périodique, la contrainte prend un grand nombre de fois les mêmes valeurs augmentant ainsi le nombre d’événements dans la représentation par la méthode des retards. Le « cercle » de la figure 5.11 de droite est caractéristique d’un signal périodique. Tandis que le nuage moins dense, aux contraintes élevées et dispersées donc non-corrélées correspond aux bouffées chaotiques. Ce nuage est situé dans une région différente de l’espace des phases, caractérisant les bouffées chaotiques.

La figure 5.12 représente les diagrammes par la méthode des retards du signal à 25 s−1 en contrainte au pas N en fonction des pas N-1 et N-28. Le signal reste corrélé pour un intervalle de temps de 0,06 s. Pour la représentation de la contrainte au pas N en fonction du pas N-28 (fig. 5.12 droite), la décorrélation est plus évidente. L’intervalle de temps est suffisamment grand pour que l’on observe la décorrélation.

Une phase chaotique se caractérise par la séparation exponentielle de trajectoires dans l’espace des phases partant de conditions initiales très proches. Cette divergence se mesure par l’exposant de Lyapunov qui est le taux d’accroissement de la « distance » entre deux points initialement proches. Un système dissipatif périodique aura un écart fini entre deux trajectoires. Le plus grand exposant de Lyapunov non nul est négatif. Un système chaotique présentera une divergence entre deux trajectoires initialement proches dans l’espace, ce qui se traduira par un exposant de Lyapunov positif [131, 144].

Pour déterminer si une dynamique est chaotique, on mesure l’évolution dans le temps de la distance entre deux points de l’espace des phases initialement proches. À partir d’une série temporelle σ, on construit un vecteur de dimension m, ~Xi = (σi, σi+L, ..., σi+(m−1)L), où m est appelé la dimension de plongement et L le délai temporel. Le théorème de Takens [145] assure que l’on peut « reconstruire » un portrait de phase d’un système dynamique à partir de ~Xi. Pour tout couple de points dans l’espace des phases, on peut définir la norme Euclidienne entre deux vecteurs comme dij(k) = || ~Xi+k− ~Xj+k||. On pose dij ≈ d0eλk, avec λ l’exposant maximal de Lyapunov. Si λ > 0, alors la dynamique est chaotique. En traçant la fonction S = lnhdij(k)

dij(0)

i en fonction de k, nous pouvons donner une estimation de l’exposant maximal de Lyapunov (figure 5.13), à partir de la pente de la courbe S(k). À l’aide du logiciel T ISEAN [146] d’analyse de séries temporelles, nous avons estimé sur le signal en contrainte à 25 s−1un exposant de Lyapunov maximum positif (λmax ∼0,05), ce qui souligne le caractère chaotique.

0 50 100 150 -1,5 -1,0 -0,5 S k Figure 5.13 – S = ln hd ij(k) dij(0) i en fonc- tion de k, obtenue à l’aide de TISEAN [146]. La pente (en rouge) de S repré- sente λmax.∆t, avec ∆t l’intervalle entre deux points de mesure (ici, ∆t = 0, 06 s). m ∈ [6; 10] et L = 2.

116 Chapitre 5. Chaos Un autre test permet de mettre en évidence une dynamique chaotique : la dimension de corrélation de l’attracteur (ν). L’intégrale de corrélation C(R) est définie dans un espace des phases de dimension m, comme C(R) = lim

N →∞ 1 N2 N X i,j=1 H(R − || ~Xi− ~Xj||), avec N le nombre total de points de la série temporelle, H la fonction de Heaviside et || ~Xi − ~Xj|| la distance entre deux points i et j. La somme dans C(R) donne le nombre de paires de points séparés par une distance inférieure à R. Aux petites valeurs de R, C(R) ∼ Rν, où ν est la dimension de corrélation qui donne une information sur la nature de l’attracteur. ν = 1 correspond à un signal périodique (cycle limite), ν = 2 correspond à un signal bipériodique (tore) et ν > 2 correspond à un attracteur étrange.

À l’aide du logiciel T ISEAN [146], nous avons déterminé, dans le cas de la réponse en contrainte à 25 s−1, que les trajectoires de C(R) convergent pour m = 7 et ν = 6, 6 (figure 5.14). Notons que ν < m est une caractéristique d’un signal chaotique [147]. De plus, ν25 = 6, 6 > 2 est une caractéristique d’un attracteur étrange d’un signal chaotique. Contrairement à un processus stochastique, dont les fluctuations sont caractérisées par une dimension de corrélation infinie, un système chaotique possède une dimension de corrélation finie pour laquelle le signal est corrélé. Ce résultat implique que le signal est dominé par une dynamique chaotique plutôt que par un bruit stochastique [147]. -8 -6 -4 -2 0 -15 -12 -9 -6 -3 0 ln(R) ln (C (R )) m=9 m=10 m=8 m=7 m=6 m=5 m=4 m=3 m=2 m=1

Figure5.14 – Intégrale de corrélation obtenue à l’aide de TISEAN [146], avec m ∈ [1; 10]. Pour les petites valeurs de R, C(R) ∼ Rν. Sur ce graphique, ln(C(R)) est tracé en fonction de ln(R). La pente ν de ln(C(R)) converge pour m = 7 à la valeur ν = 6, 6. Cette valeur est une estimation de la dimension de corrélation.