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AVANT-PROPOS

3. M ATERIAUX PRODUITS A PARTIR DE FIBRES DE CHANVRE

Il est ressorti du paragraphe 1.1 « Histoire du chanvre et de ses usages » (p 7) que les matériaux produits à partir de fibres de chanvre ont été nombreux dans l’Histoire. Dans le cadre du projet LORVER, deux applications ont été retenues : les matériaux composites et les matériaux textiles. Cette décision a été prise dans le but de produire des matériaux innovants, à assez haute valeur ajoutée et répondant à la demande du marché actuel et local.

3.1. M

ATERIAUX COMPOSITES

Figure 31 : Composite polyéthylène-chanvre, secteur automobile (Photo : Christian Gahle)

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3.1.1. G

ENERALITES SUR LES A GRO

-

COMPOSITES

On appelle « matériau composite » un matériau hétérogène composé principalement de deux phases : la matrice et les renforts (voir Figure 32). Une charge ou un additif peut éventuellement être ajouté.

Figure 32 : Représentation schématique d’un matériau composite

Cette structure confère au nouveau matériau ainsi créé des propriétés que ses composants seuls ne possèdent pas.

Certains matériaux naturels, répondant à la définition de « matériau composite », peuvent être considérés comme tels. Par exemple, de par la structure de la matière lignocellulosique, le bois, ou même les fibres de chanvre, peuvent être considérés comme des matériaux composites naturels dont la matrice serait la lignine, les renforts la cellulose et l’additif (compatibilisant) les hémicelluloses.

3.1.1.1. MA T R I CE

La matrice a pour fonction de transmettre les efforts aux renforts tout en assurant leur protection face aux attaques extérieures et en donnant la forme au produit final.

Dans le cas des matériaux composites non naturels, la matrice est dans la majorité des cas une résine polymère thermodurcissable (polyester, époxyde…) ou

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Figure 33 : Classification des différents types de matrices (GORNET,2008)

3.1.1.2. RE N F OR T S

Les renforts ont pour rôle d’améliorer les caractéristiques mécaniques du matériau. Les fibres utilisées sont très diverses. Parmi les renforts les plus utilisés dans l’industrie, on retrouve les fibres de verre et de carbone, dont les propriétés mécaniques sont très élevées au regard de leur faible coût de production. De plus en plus, les renforts utilisés sont biosourcés. Lorsque des fibres naturelles (bois, lin, chanvre…) jouent le rôle de renfort, on parle d’ « agro-composites ».

Figure 34 : Classification des différents types de renforts (Gornet, 2008)

3.1.1.3. CHA R G E S

Eventuellement, une charge peut être ajoutée à la composition du matériau composite. Il peut s’agir par exemple de sciure, ou de poussière.

Contrairement au renfort, la charge ne joue aucun rôle dans l’amélioration des propriétés mécaniques du matériau. Au contraire, sa présence a généralement tendance à détériorer ses qualités.

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L’intérêt d’utiliser une charge est avant tout de diminuer la quantité et donc le coût de la matrice en résine. Dans le cas d’une charge biosourcée, la charge permet aussi d’augmenter la proportion de composants non pétrosourcés dans le matériau fini.

3.1.1.4. AD D I T I F S

Enfin, divers additifs peuvent entrer dans la composition des matériaux composites.

Des agents de compatibilité peuvent notamment permettre d’assurer une meilleure cohésion entre la matrice et les renforts. En effet, si les qualités de la matrice et des renforts prises séparément impactent les qualités du matériau final, la cohésion entre matrice et renforts joue également un rôle crucial. Si cette cohésion n’est pas bonne, les fibres se déchaussent en cas de rupture.

Enfin, d’autres types d’additifs, accomplissant d’autres fonctions, peuvent être utilisés (colorants, agents de démoulage…) (Gornet, 2008).

3.1.1.5. MI SE E N F O R M E D U M A T E R I A U

Il existe de nombreuses manières de mettre en forme les matériaux composites. Les deux manières les plus utilisées dans l’industrie sont des procédés par compression, ou par injection (Richet-Nora Ravassart, 2016).

La méthode par compression consiste à former un non-tissé à partir des fibres, puis à le compresser avec la matrice pour donner la forme à l’objet (voir Figure 35). Il est également possible de mouler et compresser un des compounds de matrice et de fibres pré-mélangés. Le moulage par compression est utilisé pour fabriquer des objets de faible épaisseur, de forme plus ou moins plane.

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Figure 35 : Schéma du procédé de mise en forme de matériau composite par compression (Source : http://www.ac-nice.fr)

La méthode par injection consiste à mélanger les renforts et la matrice à l’aide d’une vis sans fin à l’intérieur d’un fuseau (extrudeuse), puis à injecter le tout entre un moule et un contre-moule en acier (voir Figure 36). Cette technique permet de produire en grandes séries des pièces petites ou moyennes.

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Figure 36 : Schéma du procédé de mise en forme de matériau composite par injection (Source : frenchheraldrydesign.wordpress.com)

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3.1.2. A

PPLICATIONS ET ENJEU X

Les plastiques sont très présents dans les objets qui nous entourent. La possibilité de les substituer par des matériaux composites à base de fibres naturelles est donc très prometteuse pour l’avenir de la filière.

De plus, les matériaux composites peuvent compter sur de nombreux avantages qui laissent envisager un développement important dans un futur proche. D’abord, les matériaux ainsi formés sont plus résistants et légers. Par exemple, un matériau dont le renfort est composé de fibres naturelles est en moyenne de 10 à 20 % plus léger que le même matériau conçu avec des fibres de verre (Richet-Nora Ravassart, 2016). Ces caractéristiques sont primordiales pour certaines applications (aéronautique, automobile…). La légèreté permet aussi de réduire le coût des transports et l’impact environnemental lié. Et si les matériaux composites sont compétitifs d’un point de vue technique, ils comptent en plus sur un avantage de taille : l’aspect écologique et environnemental. D’après l’analyse de cycle de vie menée par Joshi et al. (2004), l’avantage écologique des composites biosourcés par rapport aux composites conçus à partir de fibres de verre peut s’expliquer de plusieurs manières : (1) la production de fibres naturelles a un impact environnemental inférieur à la production de fibres de verre ; (2) à performances équivalentes, le composite biosourcé contient plus de fibres, ce qui implique une plus faible quantité de matrice utilisée ; (3) les composites biosourcés sont plus légers, ce qui réduit l’impact environnemental lié aux transports ; (4) en fin de vie du produit, l’incinération du composite biosourcé est légèrement moins polluante que dans le cas d’un composite pétrosourcé.

Ces matériaux sont également plus facilement biodégradables et les renforts ne sont pas toxiques. Autant de caractéristiques favorisant le développement de ces matériaux sur le marché.

Le principal demandeur en matériaux composites est actuellement l’industrie automobile.

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Selon le constructeur automobile Renault (Liraut, 2016), les matériaux polymériques (principalement polypropylène, polyuréthane et polyamide) représentent 20 % de la masse d’un véhicule et 30 % de son coût. Une voiture pesant entre 1,2 et 1,5 tonne en moyenne (le groupe Renault-Nissan produisant environ 8,5 millions de véhicules par an dans le monde) les matériaux composites pourraient représenter un enjeu de taille pour l’industrie automobile.

Un des paramètres limitant actuellement l’usage des matériaux composites dans l’automobile reste le coût élevé des fibres naturelles par rapport aux fibres synthétiques. Cependant, l’argument écologique et l’allègement des véhicules permettent de justifier un coût légèrement plus élevé. Renault a calculé un surcoût de seulement 2,5 € par kg en moins dû à l’usage de fibres naturelles sur le modèle Mégane 2016 (Liraut, 2016).

Désormais, le verrou est avant tout technologique et concerne les procédés permettant d’obtenir industriellement des fibres naturelles résistantes, homogènes, avec un faible impact environnemental lors de la production.

3.1.3. P

ROPRIETES DES COM POS ITES

PP-

FIBRES DE CHANVRE

Bien que de nombreux polymères puissent être utilisés comme renfort, la matrice la plus communément utilisée dans la confection de matériaux composites est sans doute le polypropylène. Cela peut s’expliquer par ses bonnes propriétés mécaniques et sa température maximale d’utilisation élevée (Ringuette, 2011).

Les principales qualités recherchées pour un matériau composite sont d’ordre mécanique. Ainsi, dans de nombreux travaux, des essais mécaniques ont été réalisés sur des éprouvettes de chanvre-PP. Certains de ces résultats, dépendant de la proportion de fibres intégrées au matériau, sont présentés dans le Tableau 16.

75 fibres de chanvre / PP Résistance à la traction (MPa) Module d'élasticité (GPa) Résistance à la flexion (MPa) Module de flexion (GPa) Résistance au choc (kJ/m²) Référence 0/100 27,56 ± 0,5 1,135 ± 0,058 (Mutjé et al., 2007) 0/100 22,8 ± 0,1 1,07 ± 0,03 (Pickering et al., 2007) 0/100 31,8 1,8 ± 0,2 (Pracella et al., 2006) 5/95 25 1,3 ± 0,1 (Elkhaoulani et al., 2013) 10/90 26 1,3 ± 0,1 (Elkhaoulani et al., 2013) 10/90 27,0 2,9 ± 0,3 (Pracella et al., 2006) 15/85 26 1,4 ± 0,1 (Elkhaoulani et al., 2013) 20/80 26 1,5 ± 0,1 (Elkhaoulani et al., 2013) 20/80 29,51 ± 0,65 2,133 ± 0,059 (Mutjé et al., 2007) 20/80 25,7 2,8 ± 0,2 (Pracella et al., 2006) 25/75 25 1,6 ± 0,1 (Elkhaoulani et al., 2013) 30/70 148 5,9 (Bledzki et al., 2004) 30/70 24 1,5 ± 0,1 (Elkhaoulani et al., 2013) 30/70 55 6,7 85 4,7 46 (Hargitai and Rácz, 2005) 30/70 26,0 3,0 ± 0,1 (Ilczyszyn, 2013) 30/70 22,1 10,2 (Mechraoui et al., 2007) 30/70 32,3 1,53 48,5 1,67 15,1 (Mutjé et al., 2006) 30/70 32,86 ± 0,45 2,618 ± 0,208 (Mutjé et al., 2007) 30/70 25,9 ± 0,7 2,43 ± 0,11 (Pickering et al., 2007) 40/60 24,3 3,3 ± 0,1 (Ilczyszyn, 2013) 40/60 32,84 ± 0,88 3,498 ± 0,281 (Mutjé et al., 2007) 40/60 28,1 ± 0,7 3,72 ± 0,20 (Pickering et al., 2007) 40/60 40,2 3,55 73,3 4,1 29 (Sain et al., 2005) 50/50 50 6,5 85 4 53 (Hargitai et al., 2008)

64/36 42 63 0,152 (Pervaiz and Sain, 2003)

Tableau 16 : Résultats d’essais mécaniques donnés dans la littérature

Afin d’améliorer les qualités mécaniques des matériaux composites chanvre-PP, il est possible de jouer sur de nombreux paramètres.

D’abord, la proportion de fibres ajoutées joue un rôle crucial. La quantité de fibres optimale doit être trouvée. Elkhaoulani et al. (2013) semblent trouver un optimum autour de 15-25 % (Figure 37).

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Figure 37 : Module d’Young et résistance à la traction d’éprouvettes de PP, PP/chanvre et PP/chanvre avec de l’anhydride maléique (SEBS-g-MA) comme compatibilisant

(Elkhaoulani et al., 2013)

Si la quantité de fibres joue un rôle clé sur la qualité du matériau final, leur qualité est également déterminante, à commencer par leur qualité morphologique.

Mechraoui et al. (2007) ont notamment évalué l’effet de la taille (longueur et diamètre) sur les mêmes propriétés mécaniques des composites (Tableau 17). Ils ont ainsi remarqué que les fibres longues présentent un avantage car elles sont capables d’absorber davantage d’énergie avant de se rompre. Utiliser des fibres relativement longues est donc intéressant. Cependant, leur longueur ne doit pas diminuer leur facilité de mise en œuvre. Beaugrand et Berzin (2013), lors d’une étude très complète, ont confirmé ces résultats en s’intéressant à l’impact du ratio longueur/diamètre (L/D) des fibres sur le module d’élasticité et sur la résistance à la traction des composites. Les résultats obtenus sont présentés dans la Figure 38.

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Tableau 17 : Influence du diamètre des fibres et de la concentration des fibres sur les propriétés mécaniques des composites (Mechraoui et al., 2007)

Figure 38 : (a) Contrainte de rupture et (b) module d’Young en fonction du ratio L/D des fibres, dans le cas de deux profils de vis pour l’extrusion (Beaugrand and Berzin, 2013)

Madsen et al. (2003) et Hargitai et al. (2008) se sont aussi intéressés au rôle joué par l’orientation des fibres au sein du matériau. Comme l’intuition peut le laisser pressentir, il ressort de leurs études que les matériaux présentant les meilleures qualités mécaniques en traction sont ceux dont les fibres sont orientées dans l’axe de l’éprouvette (Figure 39 et Figure 40).

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Figure 39 : Module d’Young et résistance à la traction de différents matériaux en fonction de la proportion de fibres comme renforts et de l’orientation (parallèle ou

perpendiculaire) des fibres dans le matériau (Hargitai et al., 2008)

Figure 40 : Contrainte de rupture d’éprouvettes de chanvre-PET en fonction de l’angle des fibres par rapport à la direction de l’essai en traction (Madsen et al., 2003)

Une fois la quantité et la qualité des fibres prises en compte, il est possible

d’améliorer la cohésion entre la matrice et les renforts en utilisant par exemple des

agents de couplage.

On retrouve l’ajout d’un agent de compatibilité dans de nombreux travaux. Mutjé et al. (2007) et Pracella et al. (2006) ont par exemple utilisé l’anhydride maléique comme agent couplant et ont montré l’efficacité de cet ajout (Tableau 18 et Figure 41).

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Tableau 18 : Propriétés mécaniques de composites chanvre-PP avec et sans agent couplant (Mutjé et al., 2007)

Figure 41 : Images au MEB des surfaces de rupture après des essais en traction pour (a) PP-chanvre 80-20 et (b) PP-chanvre-anhydride maléique 80-20-10 (Pracella et al., 2006)

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Dans certains cas, il a été envisagé de remplacer l’agent de couplage par un traitement des fibres, visant à améliorer la compatibilité fibres-matrices sans additif. Bledzki et al. (2004) se sont par exemple intéressés à la modification de l’interface matrice/renforts en mettant en place un traitement de mercerisation à la soude (NaOH à 22 % pendant 60 minutes), à différentes températures. Les fibres seules ont ensuite été testées mécaniquement ainsi que les matériaux composites en flexion (Tableau 19).

Tableau 19 : Influence de la mercerisation sur les fibres de chanvre et sur les matériaux composites formés (Bledzki et al., 2004)

Enfin, outre les paramètres liés aux fibres et à l’interface fibres-matrice, il est possible de faire varier les paramètres liés au procédé et notamment au point sensible du process : l’extrusion.

Une étude détaillée a été menée par Beaugrand and Berzin (2013) où sont pris en compte de nombreux paramètres liés à l’extrusion : humidité des fibres, vitesse de rotation de la vis, température d’extrusion, débit, profil de la vis… Certains des résultats de cet article sont présentés en Figure 42 et Figure 43. Il en ressort que la vitesse de rotation de la vis a peu d’influence sur les propriétés mécaniques du composite obtenu, contrairement au débit (les résultats sont nettement supérieurs dans le cas d’un débit de 1,5 kg/h, par rapport à un débit de 0,85 kg/h). L’humidité joue également un rôle différent selon la température fixée pour l’extrusion.

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Figure 42 : (a) Contrainte de rupture et (b) module d’Young en fonction de l’humidité des fibres, dans le cas de deux températures d’extrusion (Beaugrand and Berzin, 2013)

Figure 43 : (a) Contrainte de rupture et (b) module d’Young en fonction de la vitesse de rotation de vis , dans le cas de deux débits d’alimentation (Beaugrand and Berzin,

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3.1.4. C

ARACTERISTIQUES RECH ERCHEES POUR L A FIBR E

Il est important de s’interroger sur les qualités recherchées des fibres en vue de produire des matériaux composites de bonne qualité.

Ces qualités, évoquées par Bouloc (2006) et Colomban et Gouadec (2005), relèvent de plusieurs catégories :

 Critères morphologiques :

- Bon ratio longueur/diamètre (L/D)

- Fibres suffisamment longues pour jouer le rôle de renfort et ne pas être une simple charge, mais suffisamment courtes pour ne pas entraver la mise en œuvre facile du matériau

- Surface permettant une bonne adhérence à la matrice

 Critères physiques :

- Bonne résistance à la rupture - Bonne capacité d’élongation

- Faibles sensibilité aux variations de température et d’humidité

 Critères chimiques :

- Taux de cellulose élevé

- Taux de cristallinité de la cellulose élevé - Taux d’hémicelluloses bas

Les fibres doivent aussi être le plus homogène possible entre elles. La grande disparité de leurs propriétés est un des facteurs limitant leur utilisation par rapport aux fibres synthétiques, beaucoup plus régulières.

Enfin, la réalité industrielle vient rappeler qu’afin de trouver une place sur le marché, la fibre doit être produite à un coût permettant sa compétitivité face aux fibres synthétiques (verre et carbone, notamment). Cet aspect pécuniaire doit être pris en considération lors du développement de procédés de production de fibres.

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3.1.5. I

NTERET DE L

EXPLOSION A LA VAPEU R DANS LA PRODUCTION DE MATERI AUX COMPOSITES

Au vu de la description de la « fibre idéale » pour la réalisation de matériaux composites et des modifications opérées par l’explosion à la vapeur sur les fibres de chanvre, ce procédé semble être prometteur pour produire des fibres de chanvre comme renfort.

En effet, l’explosion à la vapeur pourrait permettre d’obtenir des fibres fines (bon ratio L/D), présentant de bonnes propriétés mécaniques en ayant un taux de cellulose élevé. L’amélioration de la finesse des fibres pourrait améliorer la qualité de leur imprégnation au sein de la matrice. De plus, si un re-dépôt de lignine en surface des fibres pouvait être provoqué par l’explosion à la vapeur, la cohésion entre fibres et polypropylène pourrait être augmentée. En effet, Rozman et al. (2000) ont montré que la lignine pouvait jouer un rôle de compatibilisant dans la confection de composites fibres de coco-polypropylène. Les exigences qualitatives requises pour former de bons renforts pourraient donc être atteintes avec l’explosion à la vapeur.

De plus, la dispersion de ces qualités est réduite par ce traitement. Les fibres ainsi obtenues pourraient être suffisamment homogènes pour former un matériau final homogène lui aussi.

Enfin, le traitement par explosion à la vapeur pourrait être fait sans utilisation de produits additionnels, ce qui pourrait le rendre financièrement compétitif avec d’autres procédés, voire d’autres types de fibres non naturelles.

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3.2. M

ATERIAUX TEXTILES

3.2.1. G

ENERALITES SUR LES T EXTILES

Par définition, un matériau textile est un matériau issu du filage puis du tissage de fibres à destination de l’habillement ou de l’ameublement et de la décoration.

L’utilisation de vêtements par l’Homme remonterait à 170 000 ans (Toups et al., 2011). Au départ de simples peaux de bêtes, des matériaux textiles ont ensuite été fabriqués à partir de fibres végétales et animales. Les techniques de tissage se sont peu à peu complexifiées puis automatisées jusqu’à obtenir la variété de textiles et de procédés que nous avons aujourd’hui.

Désormais, on peut distinguer deux grandes catégories de textiles :

- Les textiles traditionnels : vêtements, ameublement (draps, rideaux, nappes…)…

- Les textiles techniques : géotextiles, textiles médicaux, matériaux composites à renfort textile…

En général, une série d’étapes est nécessaire pour transformer les fibres brutes en matériaux textiles :

Préparation de la matière première

La matière première doit en premier lieu être décortiquée et nettoyée (égrenage). Les fibres sont ensuite desserrées (cardage) et parallélisées (peignage, étirage).

Filature

La filature consiste à transformer les fibres en fil. Cette étape se décompose généralement elle-même en trois sous-étapes :

- Une mèche (ou ruban) est réalisée à partir de fibres.

- La mèche est roulée en fil par torsion. - Le fil est mis en bobine avant d’être tissé.

85 Deux grands types de procédés existent : la filature pour fibres longues (type laine) et la filature pour fibres courtes (type coton).

Tissage

Lors du tissage, les fils sont entrecroisés perpendiculairement de manière à former le tissu. Généralement, un fil de trame, placé dans le sens de la largeur, permet de donner une cohérence aux fils de chaîne, disposés dans la longueur.

Figure 44 : Représentation de la trame traditionnelle et commune d’un tissu

3.2.2. A

PPLICATIONS ET ENJEU X

Bien que l’utilisation du chanvre pour la confection de matériaux textiles traditionnels soit deux fois millénaire, cette application demeure toujours un enjeu industriel.

Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les industries des fibres synthétiques et du coton ont dépassé celle du chanvre dans l’industrie textile (voir Figure 45). Cependant, la culture du chanvre est de nouveau vue comme une alternative à des filières souvent plus polluantes.

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Figure 45 : Part (en volume) des fibres synthétiques, de la laine et du coton dans la production textile mondiale. Source : www.statista.com 2017

Avec une part de marché de 500 milliards de dollars, le marché mondial du textile est extrêmement important. D’après l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies (ONU) (OCDE/FAO, 2016), le textile et l’habillement se classent au troisième rang des échanges commerciaux mondiaux, derrière l’électronique et l’automobile. Ce marché est largement dominé par les fibres synthétiques, avec notamment une production annuelle de 24,5 millions de tonnes de polyester. La part des fibres végétales est beaucoup plus faible et presque exclusivement constituée de coton. 23,6 millions de

tonnes de fibres de coton ont été produites en 2016 dans le monde. Avec seulement

30 000 tonnes produites dans le monde cette même année, la fibre de chanvre est loin

derrière. Cependant, cet immense écart peut désormais être perçu comme un potentiel grandissant.

87 En effet, selon le même rapport de l’OCDE et de l’ONU (OCDE/FAO, 2016), très peu de pays se partagent l’immense majorité de la production mondiale de coton. Les premiers pays producteurs sont la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et le Pakistan. Cette disparité des zones de production implique nécessairement des transports coûteux et polluants. De plus, malgré un lobby du coton puissant et actif, la culture du coton est de plus en plus fortement remise en cause, en raison de ses conditions de croissance très exigeantes. En effet, la production d’1 kg de coton nécessiterait, selon les études, entre 5 et 29 tonnes d’eau et d’énormes quantités de pesticides (Hoekstra and Chapagain, 2006). Le chanvre, en revanche, est très peu exigeant, pousse à de nombreuses latitudes et altitudes et ne nécessite la plupart du temps ni arrosage, ni irrigation, ni pesticides (Bouloc, 2006). Les rendements à l’hectare en fibres de chanvre sont également légèrement supérieurs à ceux du coton.

Si la balance semble pencher très nettement en faveur des fibres de chanvre,

pourquoi ne voit-on pas déjà des champs de chanvre inonder nos paysages ? La

question est en réalité un peu plus complexe. Les énormes quantités de coton produites ont contraint l’industrie du textile à adapter ses procédés aux fibres de coton. Aussi, les stocks disponibles sont tels qu’il est possible de jouer sur des mélanges de lots de fibres dans le but d’obtenir artificiellement une matière première homogène et aux propriétés constantes.

Dans ce contexte, la qualité des fibres de chanvre a du mal à rivaliser. Il reste

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