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2 LES REACTEURS GENERATION IV, LE PROJET ASTRID ET

2.2.5. ASTRID [15]–[17]

2.2.5.1 Généralités

Dans le contexte des travaux de R&D sur la quatrième génération de réacteurs initiés par le FIG dont la France est un acteur majeur, l’état français a confié au CEA lors de la Convention du 9 septembre 2010 l’élaboration d’un avant-projet détaillé d’un prototype industriel de RNR-Na : le projet ASTRID. Ce projet, né du regain d’intérêt pour la filière rapide pour les raisons précédemment citées et de l’important retour d’expérience dont dispose la France dans la filière sodium, a pour objectif de démontrer via l’intégration de technologies innovantes la rentabilité et la sûreté d’un RNR-Na à échelle industrielle ainsi que la faisabilité de tout le cycle combustible qui doit y être associé. Pour cela, le REX français provenant principalement de PHENIX mais également mondial est étudié afin de mettre en place des programmes R&D dans le but de pallier les principales faiblesses identifiées. Ceux-ci se focalisent sur une amélioration de la sûreté et de la disponibilité du réacteur à travers des études portant sur les points suivants.

• La réactivité du cœur • Les réactions sodium-eau • Les réactions sodium-air • Les accidents graves

• L’évacuation de puissance résiduelle • L’inspection, la surveillance et la réparation

La puissance du réacteur a été définie à 600 MWe, celle-ci résulte d’un compromis entre un réacteur suffisamment puissant afin de permettre une extrapolation à un réacteur industriel de

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puissance comprise entre 1000 et 1500 MWe sans modification de la démonstration de sûreté et le besoin de flexibilité afin de pouvoir implémenter des technologies innovantes. Le coût financier est également un paramètre pour le dimensionnement du réacteur. Concernant les exigences, ASTRID devra permettre d’atteindre un niveau de sûreté au moins équivalent à celui des réacteurs conçus dans les années 2020. La viabilité du cycle fermé comprenant l’atelier de conception du combustible, de recyclage ainsi que de transmutation devra être démontrée. Le projet ASTRID présente également un intérêt expérimental puisqu’il devra rendre possible des campagnes d’irradiations afin de tester des solutions innovantes concernant la sûreté et la disponibilité du réacteur, d’étudier des matériaux et combustibles innovants et de valider les codes de calculs. Cet aspect est d’autant plus important qu’il n’existe plus d’autres RNR en fonctionnement en Europe. La disponibilité visée pour les réacteurs de quatrième génération est de 90% (environ 80% pour le parc électronucléaire français actuel). Sachant qu’ASTRID est également prévu comme support à des programmes expérimentaux, la disponibilité envisagée pour ce réacteur est de 80%. Concernant la durée d’exploitation, cette dernière est évaluée à 40 ans avec possibilité d’extension en fonction du REX de l’exploitation. Les réacteurs industriels de quatrième génération devant à terme assurer le suivi et la régulation du réseau électrique, les réglages de fréquence et de tension du réseau seront donc également implémentés dans ASTRID. Concernant l’aspect économique, le réacteur dont la construction est aujourd’hui estimée à environ 5 milliards d’euros [18] (dont une enveloppe de 650 millions d’euros débloquée dans le cadre du grand emprunt de 2010 pour financer les études de conception) devra permettre de prévoir le coût d’un parc nucléaire mêlant troisième et quatrième génération et de vérifier la compétitivité d’une telle production électrique.

2.2.5.2Cœur et combustible

Le matériau combustible retenu est de type oxyde mixte (U,Pu)O2. Ce combustible bénéficie en

effet d’un retour d’expérience important provenant notamment de PHENIX et SUPERPHENIX. Le matériau de gainage envisagé pour ASTRID est de type acier ferritique ou martensitique. Ces deux types de gainage permettent d’envisager de faibles gonflements même à des taux de combustion élevés. Néanmoins, ces derniers nécessitent encore de nombreuses qualifications et ne seront pas utilisés dans les premiers cœurs d’ASTRID. Le gainage envisagé pour ces derniers est de type 15-15 Ti écroui AIM1, celui-ci bénéficiant d’une R&D plus conséquente. Le diamètre externe des aiguilles combustible sera d’environ 9,5 mm (contre 8,5 mm pour SUPERPHENIX) et le diamètre des fils hélicoïdaux assurant l’espacement des aiguilles sera réduit à 1 mm. Ces choix sont motivés par la volonté de réduire les quantités de sodium dans le réseau d’aiguilles pour des questions de sûreté. Le concept de combustible hétérogène (alternance de zones fertiles UO2 et de zones fissiles (U,Pu)O2) est également retenu.

Le design du cœur d’ASTRID est principalement guidé par des objectifs de sûreté. Le concept de cœur CFV (Cœur Faible Vidange) a été retenu. Le design de ce cœur lui permet d’avoir un coefficient de vide légèrement négatif favorable à la perte de réactivité en cas de perte du débit de sodium. Ainsi, le comportement naturel d’un tel cœur apparait plus sûr en cas de remontée intempestive de barre que celui des cœurs conçus par le passé comme celui de SUPERPHENIX. Ce comportement intrinsèque joue un rôle central dans le niveau de prévention souhaité, ce qui représente une rupture avec SUPERPHENIX et une avancée majeure sur le plan de la sûreté. Néanmoins, cette avancée en terme de sûreté nécessite une puissance volumique plus faible qui se traduit par un inventaire en plutonium plus important de 30% et une augmentation du diamètre du cœur et donc du réacteur. Ce cœur est composé de 18 barres de commande pour son pilotage. Un récupérateur de corium est également prévu au fond de la cuve pour retenir et refroidir ce dernier en cas de fusion du combustible et des tubes traversant sont prévus pour faciliter son écoulement jusque celui-ci. La Figure 2-12 illustre le cœur CFV d’ASTRID dans sa version V3.

Figure 2-12 : Coeur CFV dans sa version V3 [14] 2.2.5.3 Inspection et surveillance

La notion d’inspection en service est également renforcée comparé aux anciens RNR-Na. Cet aspect a été par le passé considéré comme un point faible de la filière en raison de l’opacité et de la réactivité du sodium. Un effort important est porté sur ce point dès la conception notamment en limitant au maximum les soudures, en facilitant les accès pour maximiser les zones inspectables et démontrant l’absence de danger suite à une défaillance dans une zone non inspectable. Cette surveillance repose sur une instrumentation très diverse plus amplement décrite dans la section 2.3.

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2.2.5.4Organisation du projet

Si le projet est porté par le CEA, de nombreux industriels sont également impliqués via des collaborations bilatérales dans lesquelles ceux-ci financent sur fonds propres une partie des travaux engagés. La Figure 2-13 résume ces collaborations. Au-delà des collaborations industrielles, c’est au sein de collaborations internationales que sont entrepris les programmes de R&D. Le projet ASTRID fait ainsi pleinement parti du plan européen pour la transition énergétique bas carbone, via la réalisation de nombreux projets dédiés à la R&D. Au plan mondial, en plus de l’investissement français au sein du FIG et de l’AIEA, des partenariats bilatéraux ont été créés avec le Japon, l’Inde, la Russie, la Chine et les Etats-Unis pour entreprendre conjointement des actions de R&D. Concernant le planning d’ASTRID, l’avant- projet est constitué de plusieurs phases, celles-ci sont détaillées sur la Figure 2-14.

Figure 2-13 : Organisation générale du projet ASTRID [14]

L’instrumentation pour ASTRID

2.3.

2.3.1.

Généralités

L’instrumentation du réacteur représente un axe fort des programmes de R&D d’ASTRID. De nombreux instruments de mesure seront installés afin d’assurer des fonctions de contrôle et de sûreté. Cette instrumentation est très diverse et comprend notamment :

• les mesures de pression et de température du sodium aussi bien au niveau du cœur que des divers circuits. Ces mesures au niveau des assemblages sont essentielles notamment afin de prévenir un éventuel bouchage d’assemblage.

• les mesures de températures des structures afin de surveiller certaines parois notamment dans le sodium.

• le contrôle des vibrations qui permet d’avoir une connaissance des différentes contraintes que subissent l’ensemble des structures et d’évaluer ainsi le vieillissement accéléré induit sur les structures.

• les mesures acoustiques qui permettent un examen de l’intégrité des différentes structures internes de la cuve, l’opacité du sodium rendant difficiles les mesures optiques.

• les mesures de relâchement d’hydrogène afin de suivre le déclenchement et l’évolution d’éventuels feux de sodium.

• le contrôle de puissance neutronique qui permet un pilotage du réacteur : cette puissance est mesurée via une série de détecteurs placés dans les protections neutroniques autour du cœur ou sous la cuve afin de pouvoir couvrir toute la gamme de puissance du réacteur.

• la détection et la localisation des ruptures de gaines via la détection des produits de fission relâchés lors de la perte d’étanchéité d’une aiguille combustible. Cette instrumentation permet d’anticiper une éventuelle aggravation de l’état des aiguilles combustible. Elle est l’objet de cette thèse et sera plus amplement discutée dans les chapitres suivants.

Un important REX est disponible concernant ces diverses instrumentations notamment via PHENIX concernant les RNRs français. Ce REX sera mis à profit dans la conception de l’instrumentation d’ASTRID avec des exigences accrues pour encore réduire la probabilité d’occurrence d’accidents graves. Afin d’atteindre cet objectif, une diversification et une redondance des systèmes de mesure plus importantes sont envisagées. Suite à l’accident nucléaire de Fukushima, des études ont été lancées, afin d’améliorer la résistance à l’accident de

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l’instrumentation actuelle. Des développements en lien avec la mise au point d’une instrumentation post-accidentelle ont également été initiés. L’instrumentation éprouvée ayant été développée il y a plus de trente ans, des évolutions technologiques sont de plus à implémenter.