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4.1.2.3 Conclusions sur la nature des particules

Les observations effectuées par H.E.S.S. du jeune vestige de supernova en coquille RX J1713.7-3946 ne permettent pas de conclure sans ambiguïtés sur la nature des particules accélérées. Des comparaisons pour le vestige de supernova RX J0852.0-4622 mènent aux mêmes conclusions. Les modèles d’émission électronique et hadronique sont tous deux possibles et les paramètres du milieu (champ magnétique, densité de matière) ajustés au travers des modèles sont com-patibles avec les valeurs moyennes observées dans la Galaxie ou sont aisément expliqués par des modèles théoriques. Les mesures réalisées dans la gamme actuelle (100 GeV - 40 TeV) ne semblent pas suffisantes pour apporter des contraintes efficaces sur l’accélération de hadrons à partir d’observation directe de vestiges de supernova.

4.2 Associations restes de supernova / nuages moléculaires

La mise en évidence de l’accélération de rayons cosmiques hadroniques semble très difficile par l’observation directe de vestiges de supernova jeunes (durant leur phase d’accélération de particules). La gamme en énergie couverte actuellement par les imageurs Tcherenkov n’est pas suffisamment large pour permettre de distinguer entre deux populations d’électrons et de protons dans des conditions de milieu interstellaire standards. Cette constatation amène à trouver des démarches alternatives pour contraindre de manière plus importante les modèles.

4.2.1 Observation à plus basse énergie

Les mécanismes à l’origine de l’émission de rayons γ à partir d’électrons et de protons présentent des caractéristiques très différentes sur une gamme en énergie plus large. Le processus Compton inverse présente un pic d’émission dans la gamme du TeV et une coupure du spectre en énergie à plus haute et plus basse énergie pour une population d’électrons suivant une loi de puissance entre quelques GeV et quelques dizaines de TeV. L’émission de rayons γ par la désintégration de pions neutres présente quant à elle une continuité du spectre à plus basse énergie. Le spectre en énergie suit en effet un spectre de même nature (même indice spectral) que la distribution en énergie des protons primaires. Ces différences sont très clairement visibles sur la figure 4.2. Alors que l’observation dans la gamme du TeV est ambiguë, l’observation à plus basse énergie devrait permettre de distinguer efficacement la nature des particules ou tout au moins le rapport entre densité d’électrons et de protons. Le satellite GLAST qui observera dans la gamme 100 MeV - 300 GeV et qui commencera à prendre des données au deuxième semestre de 2008 permettra une observation continue de ces objets entre 100 MeV et 100 TeV. Ces observations apporteront des contraintes intéressantes sur la nature des particules accélérées. Toutefois, la sensibilité réduite de cette expérience autour de 100 GeV ne permettra pas de contraindre rapidement les modèles.

4.2.2 Augmenter les pertes énergétiques des électrons

Les démarches visant à mettre en évidence sans ambiguïté la présence de hadrons doivent s’appuyer sur deux constats. Le premier concerne le vieillissement des populations de particules accélérées. Les électrons souffrent en effet de pertes radiatives plus importantes que les hadrons, notamment les pertes synchrotron, dominantes à haute énergie (figure 4.3). Le temps typique

70 Chapitre 4 : Recherche d’associations (accélérateurs de hadrons/cibles)

de refroidissement d’un électron dans un champ magnétique B est donné par :

tsync. ≈ 1.3 × 1010 ( B 1µG )−2( E 1GeV )−1 ans

Pour un électron de 100 TeV dans un champ magnétique moyen de 6 µG, ce temps typique est de l’ordre de 3600 ans. Il est comparables aux âges des supernova observés et indique qu’une population d’électrons accélérés jusqu’à ces énergies est affectée par le vieillissement. Deux démarches permettent de profiter du vieillissement des électrons pour mettre en évidence l’accélération de hadrons. L’observation à très haute énergie (E > 10 TeV) des vestiges de supernova signerait la présence de protons, non affectés par les pertes radiatives. De plus,

l’observation de vestiges de supernova anciens ( âge ≥ 104 ans) offrirait aussi une réduction de

la contribution des électrons à l’émission de rayons γ respectivement de celle des protons du fait du vieillissement des électrons.

Energie [ TeV ]

-3

10 10-2 10-1 1 10 102 103

Temps typique [ ans ]

3 10 4 10 5 10 6 10 7 10 8 10 9 10 γ γ 0 π pp Synchrotron Bremsstrahlung 1 cm-3 -3 cm 3 10 Compton Inverse G µ 3 G µ 100

Fig.4.3 – Évolution des temps caractéristiques de différents processus de production de rayons γ

en fonction de l’énergie des particules primaires [26]. La courbe pointillés noirs est le rayonne-ment Compton inverse sur le fond cosmologique à 3 K. Les courbes bleues continues et tirets sont le rayonnement synchrotron dans un champ magnétique uniforme respectivement de 6 µG et 100 µG. Les courbes vertes continues et tirets sont le rayonnement Bremsstrahlung dans une

densité de matière respectivement de n = 1 cm−3 et n = 103cm−3. Les courbes rouges continues

et tirets correspondent à l’interaction proton-proton dans une densité de matière respectivement

de n = 1 cm−3 et n = 103cm−3.

Ces démarches observationnelles présentent toutefois des inconvénients. Les détecteurs Tche-renkov actuels ont une sensibilité très limitée au delà de quelques dizaines de TeV par manque de statistique. L’observation à haute énergie est de ce fait peu intéressante. Les vestiges de su-pernova anciens présentent un désavantage majeur. Les protons accélérés sont en effet diffusés du fait du confinement plus faible au niveau du choc lorsque celui-ci ralentit. Le flux de protons au niveau du vestige est de ce fait plus faible et plus difficilement détectable. Un autre effet porte sur la distribution en énergie des protons. Les particules de haute énergie, plus faiblement confinées au sein du vestige, s’en échappent plus rapidement que les particules de basse énergie.

Section 4.2 : Associations restes de supernova / nuages moléculaires 71 L’indice spectral de la distribution en énergie des protons devient plus doux, c’est à dire plus faible d’un facteur δ, typiquement 0.3-0.6. L’observation de vestiges de supernova anciens ne semble pas non plus être la démarche la plus adaptée pour mettre en évidence sans ambiguïté l’accélération de hadrons.

4.2.3 Densifier la cible des protons : nuages moléculaires

Un second constat concerne la dépendance des différents processus de création de rayons

γ à l’égard des caractéristiques du milieu extérieur. Le processus Compton inverse, dominant

à haute énergie pour les électrons, est indépendant de la densité de matière environnante (fi-gure 4.3). Seule la densité de photons sources interagissant avec les électrons intervient dans l’intensité rayonnée au travers de ce processus. La production de photons γ par interaction hadronique est au contraire totalement dépendante de la densité de matière cible pour les protons.

Une démarche prometteuse pour la mise en évidence de hadrons est la recherche de vestiges de supernova dont le choc frontal se propage à proximité d’une concentration plus importante

de matière. Les nuages moléculaires dont la densité peut excéder 103 cm−3 sont les candidats

idéaux pour accroître la densité de protons cibles. Dès 1994, des calculs théoriques de flux de rayons γ émis par des vestiges de supernova montrèrent que leur mise en évidence serait difficile

dans des milieux interstellaires typiques (nH ∼ 1cm−3), que ce soit dans la gamme en énergie

du GeV ou dans la gamme du TeV [67]. Ils montrèrent que la présence de nuages moléculaires denses dans le voisinage du choc pourrait rendre observable l’émission gamma provenant des vestiges. Leur prédiction de flux de rayons γ dans la gamme du TeV pour une distribution de

protons en E−2.3 est : Fγ(> 1 TeV)≈ 0.19 × 10−10A cm−2s−1 où A = θ ( ESN 1051erg ) ( d 1 kpc ) ( n 1 cm−3 )

où θ est l’efficacité de conversion de l’énergie mécanique de la supernova en rayons cosmiques, d la distance au vestige de supernova et n la densité du milieu. En supposant une efficacité de l’ordre de 10 %, l’énergie typique d’explosion d’une

supernova 1051erg et une distance moyenne de 7.5 kpc, le flux de rayons gamma correspondant

à 1 % du flux émis par la Nébuleuse du Crabe équivaudrait à A ≈ 0.012 et à une densité de

matière de l’ordre de 7 cm−3. Ces prédictions sont toutefois optimistes car elles supposent que

l’ensemble du vestige est plongé dans cette densité de matière. Lorsque seule une partie du choc est associée avec une densité plus importante, le flux attendu est plus faible.

Deux possibilités sont envisageables pour observer une association de vestige de supernova avec un nuage moléculaire. L’explosion de la supernova peut se produire à l’intérieur même d’un nuage moléculaire. La concentration de matière au sein de nuages est à l’origine de la formation d’étoiles dont les plus massives évoluent en supernovae. Le choc créé par les éjectas en expansion se propage au sein du nuage moléculaire. De telles associations posent toutefois un problème pour l’accélération des rayons cosmiques. La vitesse de propagation du choc de même que l’ionisation du milieu sont modifiés lorsque la densité de matière est importante [68]. L’efficacité d’accélération de rayons cosmiques est dans ce cas vraisemblablement affectée. Le second scénario présente un nuage moléculaire, de dimension réduite par rapport au vestige, au sein duquel se déplace le choc frontal. Si le nuage est suffisamment compact, les propriétés du choc ne sont modifiées que sur une surface réduite et l’accélération de rayons cosmiques n’est pas remise en cause. L’utilisation de tels nuages moléculaires dans le voisinage de vestiges de supernova en tant que sondes pour quantifier la présence de protons accélérés au sein du vestige semble prometteur.

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