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La loi 19'253 définit aussi les associations. Si à la base cette personnalité juridique permet aux autochtones urbain·e·s de se regrouper, elle est aussi utilisée dans la Vallée, puisque Weliwen est officiellement une association. La loi les définit comme des organismes « fonctionnels et volontaires » qui remplissent des fonctions culturelles, écologiques ou professionnelles. Elle stipule qu’un minimum de 25 personnes reconnues comme autochtones est requis pour pouvoir fonder une association, dont la création est officialisée par le biais d’une assemblée constitutive [Loi 19'253, Articles 36-39].

Weliwen

Le groupe culturel Weliwen est l’un des deux groupes culturels de la Vallée. Il est né sur l’impulsion de Juan, après qu’il a quitté l’autre groupe culturel de la Vallée suite à des divergences avec son dirigeant. Trois autres familles l’ont suivi, et par la suite, Eugenio, Isabel et leurs enfants se sont joint·e·s au groupe. La démonstration culturelle à Concepción, en novembre 2000, est la première de Weliwen. En pratique, son fonctionnement rappelle celui des comunidades, dans la mesure où il est basé sur des réunions convoquées la plupart du temps par Juan. En tant que président, il joue un rôle central, c’est lui qui met sur pied les activités collectives, qui rédige les dossiers pour obtenir des financements de la CONADI ou de la municipalité. Il cumule par ailleurs les fonctions

de président du groupe culturel et de sa comunidad.

Si, juridiquement, l’association comporte un nombre déterminé de participant·e·s, tous et toutes ne s’impliquent pas de la même

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manière. Outre Juan, un noyau dur est constitué par deux familles, membres depuis 2001. Deux autres familles se joignent au groupe culturel, qui entre 2002 et 2004 comprend, comme membres actifs, 13 adultes et dix enfants (15 ans et moins). Les familles qui participent proviennent des trois comunidades situées à l’ouest de la Vallée. Lors des réunions, chaque famille est représentée par un adulte, généralement le chef de famille, ce sont donc cinq ou six personnes qui y participent activement. Y sont débattues les questions d’organisation, la préparation de manifestations à venir, ou l’évaluation d’une activité passée. Dans les faits, après que l’association a été officiellement créée et enregistrée auprès de la

CONADI, il n’y a pas de contrôle quant à ses membres. Lors

d’activités, c’est souvent Juan qui se charge d’élargir le nombre de participant·e·s en recrutant d’autres familles. Par conséquent, outre celles qui participent activement aux réunions et aux prises de décisions, il y a trois ou quatre autres familles dont les activités sont plus ponctuelles, qui participent aux manifestations de plus grande envergure. Le rôle des membres et le type de participation de chacun·e sont fonction de l’âge et du sexe, de la disponibilité respective et de l’état des relations interpersonnelles.

Les statuts de Weliwen la présentent comme une association à buts éducationnel et culturel. Au cours des cinq années qui suivent sa création, ses objectifs et le type de manifestations mises sur pied évoluent. Sur le dépliant d’information distribué à Concepción en 2000, Weliwen propose « une rencontre avec l’Histoire », par le biais de « rencontres interculturelles », de « démonstrations artistiques et gastronomiques » et de « palines »36. Très

36 Oscillant entre sport, jeu et rituel, le palin requiert deux équipes masculines dont les membres, équipés de crosses (wüño), se disputent une balle de bois. Le pluriel palines est formé sur la base de l’espagnol.

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rapidement, l’accent se déplace, et la promotion culturelle laisse place à une orientation plus revendicatrice. La nécessité de « sauvegarder la culture », rescatar la cultura mapuche, voire de la récupérer, recuperar la cultura, est affirmée de plus en plus explicitement au cours des diverses activités du groupe entre 2002 et 2005. Concrètement, cette nouvelle orientation se traduit par le fait que le groupe culturel « sort » de moins en moins et organise la plupart de ses manifestations dans la Vallée même. Sa visibilité locale s’accroît, tant au niveau symbolique que concret. Symboliquement, car Weliwen est devenu en deux ans un interlocuteur incontournable des politiques interculturelles dans la Vallée. En tant que président du groupe, Juan est invité comme partenaire de discussion lorsqu’il s’agit de mettre sur pied un programme de santé interculturelle ou d’éducation bilingue. Concrètement, car Weliwen s’inscrit visiblement dans le paysage d’Elicura par le biais de sa ruka [Voir page suivante, illustration 12]. L’affirmation de la présence de Weliwen est importante car le groupe a été constitué par Juan et deux autres familles lorsqu’ils ont décidé de quitter « l’autre groupe », Kimün Mapu. Les deux groupes reflètent, par leur situation géographique, la rivalité entre l’ouest et l’est de la Vallée. Les habitant·e·s de chacune des deux zones affirment leurs différences en affirmant simultanément que « de l’autre côté, on parle mieux mapuzungun », al otro lado la gente habla mejor [mapuzungun], et « de l’autre côté les gens sont mauvais », la gente es mala allá, ce qui signifie qu’ils « font du mal ».

Don Leonardo, le dirigeant de Kimün Mapu et Juan se distinguent non seulement par leur situation géographique, mais aussi par leur occupation symbolique du champ de l’autochtonie dans la Vallée. Kimün Mapu organise des manifestations que Don Leonardo

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présente comme authentiques, auténticas, dans la ruka qu’il a construite avec l’aide de ses fils derrière sa maison. En mapuzungun, ruka désigne à la fois la construction qui abrite physiquement la famille, et un type d’habitation particulier, dont l’architecture est qualifiée de traditionnelle. Il y a 30 ans, la grande majorité des familles mapuche de la Vallée vivait dans de telles habitations qui consistaient en une vaste pièce ovale. Murs et toit étaient faits de matériaux qualifiés de naturels, à savoir paille, branches et bois. Depuis la fin des années 80, l’habitat de la Vallée s’est rapidement modifié sous l’influence des nombreux projets de développement qui suivent le retour à la démocratie. Actuellement, toutes les familles vivent dans des maisons en bois et zinc, voire en zinc seulement pour les plus démunies, construites sur un modèle architectural rectangulaire.

Don Leonardo et sa femme m’ont fait visiter leur ruka, en m’expliquant qu’elle a été édifiée selon la tradition, à partir de matériaux que Don Leonardo qualifie de naturels, à savoir paille et branches brutes. Au centre est aménagé un foyer et une ouverture est aménagée dans le toit pour laisser s’échapper la fumée [Voir page précédante, illustration 13]. Des tissages de sa femme et de ses filles y sont exposés pour être vendus. Le couple me raconte que la famille aime à s’y retrouver le soir, la préférant à l’habitation moderne. Le groupe de Don Leonardo intègre sa famille proche, sa femme, ses fils et filles, et les beaux-fils. Il participe à des manifestations à un niveau local aussi bien que national. Ainsi, une émission dominicale de la chaîne de télévision nationale, consacrée

Ill u strati on 1 2 . La ruka de Weliwen Ill u strati on 1 3 . La ruka de Kimün Mapu m es pr enn ent l’air pendant une r en contre de sant é intercu lt u re lle. © P h ot o : A . Lav anc h y, d éc . 2002 Ense ig ne ment du kulxung a u x enf ants de la Va llée , Eco le d’ été o rga nis ée par W eliw en © P h ot o : D . M aribu r, févri er 200 3

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au patrimoine culturel et naturel chilien, lui consacre régulièrement des reportages37.

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