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Chapitre 4 : Discussion Générale

4.3. Association entre l’obésité et la voie E2/ERα

Le chapitre 3 de ce manuscrit a permis une association entre le développement de l’obésité et la réponse aux œstrogènes. Une perte de sensibilité de la voie E2/ERα (par la perte de ERα ou de la sécrétion d’œstrogènes) est depuis longtemps associée avec une morbidité plus élevée de l’obésité15,270Cependant, aucune association inverse n’avait été démontrée. Bien entendu, beaucoup de questions restent en suspens telles que le mécanisme intervenant sous ce phénomène ou encore son implication dans la physiopathologie de l’obésité. Bien que le lien entre les pathologies métaboliques comme l’obésité et les modifications épigénétiques des tissus soit maintenant clair, il reste aussi énormément de zones floues à développer sur ce sujet398. Et comme nous l’avons montré dans l’introduction, une modification dans le patron de méthylation de l’ADN d’un tissu affecte généralement son programme de transcription, l’identité des cellules et ainsi sa fonction ainsi que ses capacités à répondre à un stimulus externe399,400.

Nous avons alors utilisé Pgr comme gène modèle à la réponse aux œstrogènes dans le vWAT et constaté une diminution de réponse à l’E2 de ce gène. Comme décrit dans le chapitre 3, cette diminution est corrélée avec une perte de la liaison de ERα aux éléments régulateurs identifiés précédemment, ainsi qu’avec une méthylation accrue de ces éléments. La perte de marques d’histones associées à l’activation ainsi qu’une fermeture de l’ADN confirment les résultats précédents. Ces résultats nous ont permis d’avancer que l’obésité affecte la réponse aux œstrogènes à partir de changements épigénétiques profonds associées sûrement à la méthylation de l’ADN. La méthylation de l’ADN dans le vWAT de souris obèses a déjà été associée à une augmentation de l’expression de deux ADN méthyle-transférases DNMT1 et DNMT3a401,402. Bien que nos données ne montrent pas une surexpression significative de Dnmt1 et Dnmt3a, un lien clair avec ERα semble se dessiner dans le vWAT puisqu’une stimulation aux œstrogènes réduit l’expression de ces gènes. Ce dernier phénomène peut être relié avec les impacts que la génistéine, un SERM, entraine sur le patron de méthylation de l’ADN de tissus comme le foie ou la prostate403,404. À l’inverse, nos données montrent une méthylation de l’ADN accrue de l’un des promoteurs de Esr1 dans le vWAT des souris obèses. À la lumière de ces derniers

130 résultats, il est possible de penser que le développement de l’obésité et la voie E2/ERα pourraient être intimement liés dans le vWAT, s’influençant l’un et l’autre.

Les régions génomiques recrutant ERα et associées avec les processus des acides gras ainsi que dans ceux de la différenciation adipocytaire brune et blanche sont retrouvées majoritairement avec une méthylation de l’ADN accrue dans les souris obèses. Les données de méthylation de l’ADN que nous avons utilisées proviennent de puces à ADN, ce qui implique que toutes les régions génomiques n’y sont pas représentées : les régions représentées se composent majoritairement de celles contenant des ilots CpG. Ces données nous ont permis de conclure que la méthylation de l’ADN inhibe la fixation de ERα à la chromatine et ainsi diminue la transcription de ses gènes cibles. À l’opposé, la méthylation ponctuelle de site de liaison à des facteurs de transcription a déjà été associée à une augmentation du recrutement du facteur et à l’activation de la transcription78. En particulier, CEBPB, que nous avons associé avec ERα dans le premier chapitre, est l’un de ces facteurs de transcription. Ainsi, nous pouvons supposer que l’étude globale de la méthylation de l’ADN pourrait permettre l’identification de tels sites auxquels ERα et CEBPB se lieraient de manière plus efficace en cas de méthylation. Inversement, certains sites pourraient être déméthylés lors du développement de l’obésité et perdre ainsi le recrutement de ERα et de CEBPB. Des ChIP-seq de ERα et de CEBPB combinés à une étude globale de la méthylation de l’ADN permettraient ainsi d’observer l’interaction de ces facteurs avec la chromatine méthylée. Néanmoins, l’association entre CEBPB et ERα est encore présomptive et le rôle de ce couple dans la transcription et le métabolisme énergétique cellulaire du vWAT reste à déterminer.

Comme mentionné plus tôt, un des promoteurs du gène Esr1 semble plus méthylé dans la condition obèse dans les données issues de la puce à ADN que nous avons utilisée pour notre analyse. Ce dernier résultat est corroboré par une quantité de ERα diminuée dans le vWAT des souris obèses par rapport aux souris saines, suggérant probablement une inhibition à plusieurs niveaux de la voie E2/ERα dans le vWAT. Malgré cela, l’expression de Esr1 est restaurée après un traitement à l’E2 et est équivalente entre les souris, peu importe le régime, n’expliquant ainsi pas la différence de fixation de ERα aux enhancers. De plus, le rôle des DNMTs dans la méthylation du gène ESR1 dans les

131 cancers du seins est aussi connue405, mais la question que j’aimerai poser ici est quel est le rôle de ERα dans la méthylation de l’ADN dans le vWAT ? La liaison et le lien fonctionnel entre ERα et DNMT3b ont déjà été montrés dans un modèle de cancer du sein406 mais quel peut être le rôle d’une telle liaison si elle existe dans le vWAT ? Se pourrait-il que ERα soit impliqué dans la méthylation de ses propres enhancers dans le développement de l’obésité ? ERα est souvent associé avec l’augmentation de l’expression de ses cofacteurs136,407, et l’obésité peut être associée avec un faible niveau d’œstrogènes sanguin15,408. Il est donc possible de penser que pendant le développement de l’obésité, un débalancement se produirait entre les coactivateurs et les corépresseurs liés à ERα, favorisant alors une méthylation de ses sites de liaison médiée par un manque d’activation du récepteur et par une liaison accrue de ERα aux DNMTs. La causalité entre la résistance aux œstrogènes et le développement de l’obésité nécessite alors d’être approfondie.

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