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L’association d’une activité générale à une ou plusieurs personnes publiques justifiant la qualification du service public

Chapitre II. Les précisions portant sur la distinction entre mission de service public et activité d’intérêt général

Section 1. L’association d’une activité générale à une ou plusieurs personnes publiques justifiant la qualification du service public

Dans la présente étude, le Conseil d’Etat note que le service public est à distinguer de la mission d’intérêt général en ce qu’il se rattache à une ou plusieurs personnes publiques. Ainsi, le service public associe une activité d’intérêt général à une ou plusieurs personnes publiques.

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Un service public peut résulter de garanties constitutionnelles mais aussi être prévu par des dispositions législatives ou réglementaires.

Un service public peut également émaner de l’administration de l’Etat ou de collectivités territoriales. Ainsi, des personnes publiques peuvent ériger des activités qu’ils prennent en charge en service public.

Cependant, il ressort de l’arrêt « Ordre des avocats du barreau de Paris » que les personnes publiques peuvent prendre en charge une activité économique à la condition de respecter le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et le droit à la concurrence. Ce qui implique notamment que le critère pouvant justifier la création d’un service public est l’intérêt public qui peut résulter de la carence de l’initiative privée39.

A titre d’exemple, il ressort de l’arrêt « Département de la Corrèze » que la création d’un service public départemental de téléassistance aux personnes âgées et handicapées, malgré le fait que des sociétés privées offrent des prestations similaires, est justifiée par un intérêt public local de telle sorte qu’elle ne porte pas atteinte au principe de liberté du commerce et de l’industrie40.

Lorsqu’une activité devient une activité de service public, elle est régie par l’ensemble des règles et principes applicables aux services publics tels que les principes issus des « lois de ROLLAND » (continuité, mutabilité, égalité), ainsi que les principes de neutralité et de laïcité ou encore les règles de tarification des services publics ou celles relatives au préavis de grève issues des articles L. 2512-1 et suivants du code du travail.

Le législateur peut qualifier une activité de service public : il lui suffit d’associer une personne publique à une activité d’intérêt général. A titre d’exemple, certains services publics sont qualifiés comme tel dans le code général des collectivités territoriales : tel est

39 CE, Ass., Ordre des avocats au barreau de Paris, 31 mai 2006, n°275531 40 CE, Département de la Corrèze, 3 mars 2010, n°306911

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du CGCT)41.

Le législateur peut également refuser d’appliquer la qualification de service public à une activité d’intérêt général. Ainsi, le Conseil d’Etat a pu juger, dans l’arrêt « Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés » relatif à l’application d’une législation sur le service public, que si l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées constitue une mission d’intérêt général, le législateur, à travers les dispositions de la loi du 30 juin 1975, a souhaité exclure de la qualification de service public la mission assurée par les organismes privés gestionnaires de centre d’aide par le travail42.

La qualification de service public, en l’absence de texte la prévoyant, suppose la réunion d’un critère organique, à savoir le rattachement à une personne publique, et d’un élément matériel caractérisé par l’exigence d’une mission d’intérêt général.

Cependant, lorsqu’une personne privée gère une mission de service public non prévue par un texte, la qualification de service public suppose que l’activité soit assumée par une personne publique, notamment à travers la reconnaissance par une personne publique de ce caractère à l’égard d’une activité préexistante.

C’est ainsi que l’arrêt « APREI » précité, énumère les hypothèses dans lesquelles la qualification de service public est retenue, en dehors des cas où le législateur a entendu reconnaître ou exclure son existence :

1. Une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public.

41 Article L.2224-7 du CGCT : « I. Tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la

distribution d'eau destinée à la consommation humaine est un service d'eau potable. II. Tout service assurant tout ou partie des missions définies à l'article L. 2224-8 est un service public d'assainissement ».

42 CE, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI), 22 février 2007, n°264541

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Il en résulte trois conditions :

o L’existence d’une prérogative de puissance publique détenue par une personne privée

o L’intérêt général de l’activité o Le contrôle par l’administration

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé dans l’arrêt « M. Pitte » qu’un organisme de droit privé, en l’occurrence l’association française pour le nommage Internet en coopération, était chargé d’une mission de service public en raison de la réunion des trois conditions susmentionnées43.

2. Même en l’absence de prérogatives de puissance publique, un organisme de droit privé est chargé d’une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission.

Il faut donc respecter deux conditions :

o L’intérêt général de l’activité de l’organisme de droit privé. La notion est relative et peut faire l’objet d’appréciations divergentes selon les époques44. Le

Conseil d’Etat a considéré dans l’arrêt « Rolin » que la Française des jeux n’est pas chargée d’une mission de service public, n’exerçant pas une activité d’intérêt général45.

o Il s’agit ici d’utiliser la méthode du faisceau d’indices qui repose à la fois sur les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement de l’organisme

43 CE, M. Pitte, 10 juin 2013, n°327375 44 GAJA, 17ème édition, p. 324

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cet organisme sont atteints.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat, dans l’arrêt « Commune de Six-Fours-les-Plages », recherchait si la personne publique avait fait preuve d’une implication suffisante eu égard à la deuxième condition susvisée, justifiant de retenir la qualification de mission de service public46. En l’espèce, il s’agissait d’une société qui devait organiser un festival de musique

pour une commune qui la subventionnait. Le Conseil d’Etat a jugé que la personne publique n’exerçant aucun contrôle sur l’activité, en l’occurrence sur la programmation artistique et sur les tarifs de spectacle, ne faisait pas preuve d’une implication suffisante pour que soit caractérisée l’existence d’une mission de service public. A cet égard, ne pouvait être pris en compte ni la nature des prestations exercées, ni le fait que la personne publique soit à l’origine de l’activité, qu’elle la subventionne et la met à la disposition de l’exploitant.

De même, en se référant à la méthode du faisceau d’indices, le Conseil d’Etat a considéré dans l’arrêt « UGC-Ciné-Cité » que l’activité d’une société d’économie mixte non dotée de prérogatives de puissance publique et chargée d’une mission d’intérêt général ne revêtait pas le caractère d’une mission de service public eu égard à l’absence d’obligation imposée par une personne publique et de contrôle d’objectifs d’une personne publique47.

Le Conseil d’Etat a également estimé dans l’arrêt « Association Nice Volley-Ball » que l’activité d’un centre de formation présentant un caractère d’intérêt général, non doté de prérogatives de puissance publique et agréé par le ministre des sports ne revêt pas le caractère d’une mission de service public eu égard aux conditions de création, d’organisation, de fonctionnement et de financement des centres qui relèvent d’une association sportive ou d’une société sportive48.

46 CE, Commune de Six-Fours-les-Plages, 23 mai 2011, n°342520 47 CE, Société UGC-Ciné-Cité, 5 octobre 2007, n°298773

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le Centre d’études sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire qui était chargé de réaliser des évaluations et qui percevait des subventions de la part des deux personnes publiques qui l’avaient créé était chargé d’une mission de service public49.

Section 2. Les modalités de l’association d’une activité d’intérêt générale à une ou