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3.2 ÉTAT DE L’ART

3.2.4 Assimilation de luminances "neige" satellitaires

3.2.4.1 Micro-ondes passives

A partir des conclusions exposées dans la section précédente, certaines études ont suggéré

que l’assimilation de luminances7 satellitaires, évitant ainsi l’utilisation d’un algorithme de

récupération, pourrait être plus efficace (Durand et al.,2009;Andreadis et al.,2008;De Lannoy

et al.,2012). L’assimilation de luminances a grandement amélioré les aptitudes des modèles

météorologiques (Mathieu and O’Neill,2008).

À partir de cette mesure brute, une température de brillance est restituée selon certaines

caractéristique physiques. Cette manière d’aborder l’assimilation de données requiert la

fac-ulté du modèle à simuler ces mêmes grandeurs physiques. Pour ce faire, il est nécessaire de

se munir d’un modèle de transfert radiatif élaboré gérant l’ensemble des éléments influençant

l’évolution des températures de brillance. Ce modèle joue le rôle d’opérateur d’observation.

Le schéma radiatif MEMLS8 est adapté et couramment utilisé pour l’assimilation de données

micro-ondes.

7

Définition dans la section2.2: L’intensité du flux radiatif émis ou réfléchi par une portion de la surface

de la Terre, telle qu’elle est mesurée par un capteur, est une luminance, qui se mesure enW m

2

sr

1

µm

1

(watt par mètre carré par stéradian et par micron).

8

Microwave EmissionModel of Layered Snowpacks (Mätzler and Wiesmann,1999;Wiesmann and Mätzler,

Durand and Margulis (2006), dès 2006, n’ont eu de cesse de croire en cette approche et

développent depuis des outils pour le prouver. En 2007, ils démontrent par le biais de tests

virtuels que l’assimilation des températures de brillance a la capacité de surpasser les erreurs

et limites associées à l’emploi d’algorithmes de récupération. En 2009, après avoir exploré

le rôle et les effets des incertitudes des données assimilées sur les estimations du manteau

neigeux (Durand and Margulis, 2008), ils publient une étude assimilant des vraies mesures

in situ de températures de brillance (Durand et al., 2009). En plus d’améliorer le biais des

simulations, l’assimilation des données micro-ondes leur permet de réduire l’écart type de la

hauteur de neige de 0.36 m à 0.10 m. Ils montrent également l’effet positif de l’assimilation

de telles données sur l’estimation de la taille de grain en diminuant l’écart type de 0.10 mm

à 0.0065 mm pour la couche basale de neige.

Le potentiel de cette méthode appliquée aux mesures satellitaires a été examiné par

Dechant and Moradkhani (2011) en utilisant des données virtuelles et Che et al. (2014) à

partir des vraies mesures AMSR-E. Le résultat de ces deux études suggère une influence

positive de l’assimilation sur les prévisions de l’équivalent en eau mais seulement durant la

période d’accumulation. Au printemps, la neige humide et/ou l’eau de fonte perturbent le

signal micro-onde. Cette conséquence conduit à des incertitudes plus importantes dans les

observations et ainsi une baisse de l’efficacité de l’assimilation (conclusions similaires aux

travaux assimilant les produits SWE). Une solution envisagée parChe et al.(2014) consiste à

coupler cette approche avec l’utilisation de SCA dérivées des capteurs optiques. Nous avons

vu en effet que leur assimilation permet d’améliorer les estimations du manteau neigeux en

fin de saison (section3.2.3.1).

3.2.4.2 Micro-ondes actives

Les difficultés émanant de la résolution grossière des données micro-ondes passives sont

sur-montées avec les données micro-ondes actives (Bamler and Hartl, 1998). Ce type de

don-nées fournit une information à des résolutions métriques, mais bien évidemment, diminue

la disponibilité temporelle des acquisitions. Étant donné la finesse de leurs mesures et leur

capacité à observer le manteau neigeux quelles que soient les conditions météorologiques, de

jour comme de nuit, l’utilisation des données micro-ondes actives s’avère adaptée aux

ap-plications de montagne (Longepe et al., 2009). Phan et al. (2014) ont conduit plusieurs

expériences assimilant des données SAR (Synthetic Aperture Radar) bande-X (8-12 GHz)

dans le modèle Crocus couplé au modèle de transfert radiatif DMRT9. DMRT utilise un

mod-èle électromagnétique de rétrodiffusion (EBM, Electromagnetic Backscattering Model) pour

simuler l’interaction du signal radar au sein du manteau neigeux et sa rétrodiffusion vers le

capteur satellite. La démarche de cette étude consiste à simuler à l’aide du modèle Crocus les

propriétés du manteau neigeux pour alimenter le modèle électromagnétique de rétrodiffusion

(la densité et le diamètre optique des grains pour chaque couche sont les paramètres d’entrée).

L’EBM simule ensuite le coefficient de rétrodiffusion et l’emploi d’un 3D-Var cherche alors à

minimiser la différence entre la valeur simulée et les acquisitions SAR. Cette minimisation est

effectuée en modifiant le profil de densité et de diamètre optique des grains de Crocus. Crocus

est par la suite réinitialisé à partir de ces paramètres optimaux et continue la simulation du

manteau neigeux. L’évaluation des résultats au niveau du Glacier de l’Argentière (Massif

du Mont-Blanc) démontre que cette méthode modifie correctement le profil de densité et de

diamètre optique des grains des simulations Crocus. L’assimilation de données SAR parvient

également à corriger le profil de température via cette technique.

Néanmoins, la limite principale de cette approche se situe dans la difficulté du modèle

électromagnétique à reproduire le signal satellitaire avec précision.

3.2.4.3 Optique solaire

A ce jour, aucune expérience d’assimilation de réflectances multi-spectrales dans le domaine

optique n’a été utilisée pour tenter de contraindre les simulations du manteau neigeux.

Durand and Margulis (2007, 2008) ont mené des expériences d’assimilation à partir de

réflectances MODIS pour une bande infrarouge (bande 5 : 1240 nm). Ces deux études sont

réalisées en expériences jumelles et démontrent le bénéfice apporté par l’utilisation d’une

information optique lorsque le manteau neigeux se met à fondre et que l’assimilation des

données micro-ondes n’est plus efficace. L’effet de l’assimilation sur l’estimation de la taille

de grain et l’impact des incertitudes sur les simulations ont également été examinées dans ces

travaux. Ces deux études révèlent un potentiel encore inexploité de l’utilisation des données

de réflectances. Malheureusement, les études suivantes de ces auteurs se sont concentrées

uniquement sur les données micro-ondes (e.g. Durand et al., 2009, 2011; Durand and Liu,

2012).

L’utilisation de réflectances optiques dans plusieurs longueurs d’onde pour améliorer le

manteau neigeux nécessite d’être étudiée. Ces données combinées ont la possibilité de

con-tenir une information adaptée pour contraindre les modèles de manteau neigeux (section

2.1.2). L’objectif ultime de ces travaux de thèse est la mise en opérationnel d’un système

d’assimilation cherchant à améliorer les simulations Crocus et à terme, la prévision du risque

avalanche. Le manteau neigeux est un matériau en évolution perpétuelle, extrêmement

sensi-ble à son environnement. Pour un système d’assimilation performant en zone de montagne, les

observations doivent être capables de refléter et intégrer les propriétés du couvert nival. Seules

les mesures optiques possèdent à la fois une résolution spatiale et temporelle suffisamment

fine pour être adaptée à notre objectif.

Ce sujet de thèse est motivé par l’absence de connaissance sur les apports possibles des

réflectances optiques dans l’estimation du manteau neigeux.

ÉT

A

T

DE

L’AR

T

Che et al.(2014) Tb (AMSR-E, 25 km) CLM (LSM)

MEMLS (RTM) EnKF Sibérie, Russie 2003 - 2004

Dechant and Moradkhani

(2011)

Virtuelle et réelle :

Tb (AMSR-E, 25 km) SNOW-17 (LSM)MEMLS (RTM) EnKF et PF Colorado, États-Unis 2002 - 2005

Durand and Margulis(2006) Virtuelle : Tb (AMSR-E et SSM/I) SAST (LSM)

MEMLS (RTM) EnKF Californie, États-Unis 1993 - 1994

Durand and Margulis(2007,

2008)

Virtuelle : Tb (AMSR-E, 25 km)

Réflectance IR (MODIS b5 : 1240

nm, 1 km)

SAST (LSM)

MEMLS (RTM) EnKF Colorado, États-Unis 2002 - 2003

Durand et al.(2009) Tb (GBMR-7, instrumentin situ) SAST (LSM)

MEMLS (RTM) EnBS Colorado, États-Unis 18 - 26 février2003

Guo et al.(2003) Tb (SSM/I) 3 schémas d’inversion Ajustement paramètres

modèle Californie, États-Unis 1993 - 1995

Phan et al.(2014) backscattering coefficient

(TerraSAR-X, 1m) Crocus (LSM)DMRT (EBM) 1D-Var Glacier d’ArgentièreMont-Blanc 2009 - 2009

Abréviations : CLM, Common Land Model - EBM, electromagnetic backscattering model - EnBS, Ensemble batch smoother - GBMR-7, Ground Based Passive Microwave Radiometer

- LSM, Land Surface Modèle - MEMLS, Microwave Emission Model for Layered Snow pack - RTM, Radiative Transfer Model - SAR - Synthetic Aperture Radar - SAST, Simple

Snow Atmosphere Soil - SSM/I, Special Sensor Microwave Imager - Tb, température de brillance

Tableau 3.6: Synthèse non exhaustive des travaux d’assimilation de données brutes dans des modèles de surface pour améliorer les estimations du manteau neigeux.