Les protéines ORF1p et ORF2p sont toutes deux nécessaires à la rétrotransposition dans des tests cellulaires (Moran et al., 1996). ORF1p ne possède pas d’activité enzymatique connue, mais elle forme une particule ribonucléoprotéique en s’associant avec l’ARN du L1 (Kulpa and Moran, 2005; Hohjoh and Singer, 1997; Hohjoh and Singer, 1996). ORF1p s’associe à l’ARN de manière indépendante à ORF2p puisque l’absence de la seconde protéine n’empêche pas l’interaction de la première avec l’ARN (Kulpa and Moran, 2006). L'association de ORF2p à la particule L1 a d'abord été détectée de façon indirecte, à travers son activité transcriptase inverse (Kulpa and Moran, 2006),
puis visualisée directement par immunofluorescence et par
immunoprécipitation en utilisant des formes étiquetées de ORF1p, ORF2p et de l'ARN L1 (Doucet et al., 2010).
Les complexes ribonucléoprotéiques formés sont localisés dans des foci cytoplasmisques (Goodier et al., 2007; Goodier et al., 2010; Doucet et al., 2010; Goodier et al., 2004) et plus précisément dans les granules de stress. Néanmoins le rôle de l'accumulation des RNPs du L1 dans ces structures cellulaires reste encore inconnu : il pourrait s’agir d’un lieu de stockage, de maturation ou encore d’attente avant la dégradation des complexes.
Il a été montré précédemment que PABPC1 interagit avec le complexe en se liant à son ARN. Son action sur la stabilité ou la traduction de l’ARN a été décrite comme limitée (voir rubrique 2.1). Néanmoins, il a été observé qu’une diminution de la quantité de PABPC1 a pour conséquence une réduction de la quantité d’ORF1p détectable dans les RNPs et dans le noyau (Dai et al., 2012). Ainsi cette protéine pourrait être impliquée dans la formation des RNPs L1, voire dans leur import nucléaire.
Récemment, la purification des RNPs du L1 par étiquetage d'ORF1p et/ou d'ORF2p, par chromatographie d'affinité, suivie d'une identification des protéines associées par spectrométrie de masse ont apporté un nouvel
éclairage sur la composition du complexe du L1 ainsi que son interactome. Une première étude a permis d’observer au moins 96 protéines associées aux RNPs du L1. La plupart sont des protéines connues pour être associées à d'autres complexes ribonucléoprotéiques, et impliqués dans l’épissage ou encore la stabilité des ARN. Cependant, beaucoup de ces protéines jouent des rôles d’inhibiteurs et semblent donc nécessaires à la répression du L1 (Goodier et al., 2013). Une seconde étude menée en parallèle a identifié 37 protéines associées à ORF1p ou ORF2p. De façon intéressante, si certains interacteurs sont associés aux deux protéines du L1, d’autres interagissent spécifiquement avec l’une ou l’autre des protéines (comme par exemple PCNA), ce qui suggère l'existence de plusieurs formes de RNP du L1, pouvant correspondre à différents intermédiaires réplicatifs (Taylor et al., 2013).
Parmi les autres protéines associées, on trouve Upf1. Cette protéine centrale dans la voie de dégradation des ARN non sens (NMD, nonsensemediated mRNA decay) semble pouvoir se lier au complexe grâce une interaction soit avec l’ARN de l’ORF2 soit avec l’ORF2p. Bien que régulant négativement la quantité d’ARN et des protéines du L1, elle est nécessaire pour permettre la rétrotransposition de l’élément (Taylor et al., 2013).
Les RNPs du L1, une fois formées, vont pouvoir être importées dans le noyau pour générer de nouvelles insertions dans le génome. Néanmoins, cette étape d’import reste pour le moment très peu connue. La taille du complexe devrait nécessiter un transport actif lors de l’import de la RNP dans le noyau, en accord avec le fait que la rétrotransposition peut avoir lieu à toutes les étapes du cycle cellulaire (Kubo et al., 2006), même si certaines phases semblent être plus favorables (Abyzov et al., 2013). Une fois dans le noyau, les RNPs du L1 ciblent une séquence d’ADN et s’insèrent grâce au mécanisme de la transcription inverse initié au site d’intégration.
2.4 La transcription inverse initiée au site d’intégration (TPRT)
2.4.1 Description du modèle de l’élément R2 à l’élément L1
Le modèle de la TPRT a été établi à travers l’étude d’un autre rétrotransposon sans LTR: l’élément R2 de Bombyx mori. Cet élément, composé d’une seule ORF codant une protéine à activités endonucléase et transcriptase inverse, s’insère spécifiquement dans l'ADN ribosomal (codant l’ARN 28S) (Xiong and Eickbush, 1988; Luan et al., 1993) . Dans des tests in vitro, cette protéine produite chez E. coli est capable de créer une coupure simple brin puis une coupure complète de l’ADN uniquement en présence d’ARN. En effet, sans ARN, le clivage se limite à la coupure simple brin. Au moment de la coupure simple brin de l’ADN, la transcription inverse de l’ARN en ADNc est initiée. Pendant la synthèse de l’ADNc, le deuxième brin d’ADN est clivé et la synthèse du brin ADN complémentaire à l’ADNc est initiée (Luan et al., 1993). Dans le cas de l’élément R2, les 250 derniers nucléotides de la 3’UTR sont nécessaires pour permettre à la transcription inverse d’être initiée (Luan and Eickbush, 1995). La protéine codée par R2 possède deux domaines en N‐terminal et C‐ terminal permettant la liaison à l’ADN cible (Christensen et al., 2005). Un complexe se forme entre la protéine R2 et son ARN aux niveaux des structures secondaires des extrémités 5’ et 3’ qui permettent au complexe de se lier spécifiquement d’un coté ou de l’autre du site du clivage. Une première sous unité composée de la protéine liée à l’extrémité 3’ de l’ARN permet une coupure simple brin et l’initiation de la transcription inverse. Puis une seconde unité formée de la protéine associée à l’extrémité 5’ de l’ARN effectue une deuxième coupure simple brin en aval de la première et la synthèse du second brin de l’ADNc (Christensen et al., 2006). Au final, on obtient une nouvelle insertion de l’élément R2 avec une duplication du site d’insertion dû au décalage entre les deux coupures (Eickbush et al., 2000).
Le mécanisme d’insertion de l’élément L1 par TPRT a été ensuite décrit dans des expériences in vitro. L’ORF2p purifiée est capable de générer des coupures