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Chapitre 1 – La fondation et l’institutionnalisation de l’Association – 1965-1971

3. Un espace identitaire et une communauté d’intérêts – L’histoire socioculturelle de l’Association

3.3 L’AIQ, un espace de rencontre autochtone :

3.3.1 Les assemblées générales :

Les assemblées générales (AG) étaient au cœur de la vie organisationnelle et sociale de l’Association. Elles se voulaient annuelles et prenaient la forme de grande réunion où les objectifs et les orientations de l’AIQ étaient discutés entre les membres, l’Exécutif et le CA. En dehors de ces discussions, plusieurs invités externes qui provenaient d’autres organisations autochtones ou d’organismes gouvernementaux étaient souvent présents pour y faire des présentations ou encore agir à titre d’observateurs. En plus de ce rôle « officiel », les AG étaient aussi un moment des rencontres où avaient lieu des activités culturelles, comme les « Indian days », des journées de danses traditionnelles ou l’organisation de repas traditionnels, qui complémentaient son côté politique et administratif. L’étude de ces assemblées reflète cette dualité en abordant d’abord le rôle officiel et administratif et ensuite le rôle « officieux » social et culturel, les deux se complémentaient.

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La fonction principale des AG telle que décrite dans les documents fondateurs de l’Association était de fournir un espace pour discuter de sa situation et de ses objectifs. La tradition des grandes rencontres qui réunissaient les dirigeants et les membres de l’Association semble avoir débuté à la fin des années 1960, celle de mars 1968 notamment où étaient présents la majorité des dirigeants58. L’officialisation de la fréquence annuelle de ces rencontres semble dater du début des années 197059. L’article 6 des règlements généraux de 1973 spécifiait le rôle et le déroulement des AG :

L’Assemblée générale annuelle des membres de la Corporation se tiendra à tout endroit au Canada, à la date et à l’heure dans l’Année, tel que déterminé à l’occasion par résolution des administrateurs, afin de recevoir et de prendre connaissance de l’état financier et du rapport du ou des vérificateurs, d’élire les administrateurs, d’examiner, d’étudier et de disposer des questions qui peuvent validement être présentées à l’Assemblée60.

Le dernier point, soit « d’examiner, d’étudier et de disposer des questions », était le plus important et représentait, dans un langage administratif, les débats autour d’enjeux touchant l’Association. Divers sujets étaient abordés lors des assemblées, des questions administratives internes telles que l’élection aux postes de président et vice-président, à des projets de développement de comités futurs61.

Qui était présent lors des AG? Une idée du nombre et des personnes présentes est possible de par la présence des minutes des AG de 1973 et 1974 où sont soulignés les participants dans

58 « Information : A meeting of the Indians of Quebec Association was held … », 14 mars 1968, RG10, BAC, No dossier 1/24-2-28, Partie de dossier 2 = 1967-1969, Titre "Headquarters - Indian Association - Association Indienne du Québec" (1999-01431-6 62).

59 Ceci pourrait refléter les changements entrainés au sein du militantisme autochtone suite à la nouvelle politique indienne du gouvernement fédéral en 1969. Il se pourrait que ce soit, tout au plus, une lacune de notre corpus de sources.

60 « Association des Indiens du Québec – Réglèments généraux ». 61 Voir en annexe les agendas des rencontres de 1973 et de 1974.

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notre corpus de sources62. Lors des deux rencontres, les membres de l’Exécutif, composé du président, des trois vice-présidents et des chefs régionaux, étaient présents au côté du personnel administratif de l’Association. Deux délégués pour chacune des communautés autochtones du Québec y étaient, les chefs étant souvent de la partie. À cela s’ajoute un (ou deux pour 1974) représentant du MAIN, les conseillers juridiques de l’Association, ainsi que des observateurs externes. Notons la présence dans cette dernière catégorie, lors de l’assemblée générale de 1974, du président George Manuel, du vice-président Clive Linklater et de la directrice de la recherche Vivian Grey de la Fraternité nationale des Indiens, la principale organisation autochtone pancanadienne. Étaient aussi présents lors de cette assemblée le président de l’Union des Indiens de la Nouvelle-Écosse, John Knockwood, et un représentant de la Fraternité indienne du Manitoba, Franck MacKay. Un tel éventail de personnalités issues du militantisme autochtone hors Québec reflétait l’importance accordée à l’AIQ et à ses assemblées générales et les liens construits entre le militantisme local et extérieur. C’était en tout près d’une centaine de personnes qui étaient réunies au Collège Manitou à La Macaza pour ces deux AG.

L’importance des AG allait au-delà de leur rôle officiel et administratif, car elles étaient aussi des espaces de rencontre et un lieu privilégié pour le déroulement d’activités culturelles. La « Journée traditionnelle indienne » qui fut organisée une journée avant l’AG de 1974 au Collège Manitou nous permet d’illustrer le rôle culturel des assemblées. Organisée conjointement par l’Association et le Collège Manitou, la journée se divisait selon différentes activités culturelles

62 Collège Manitou Records, BAC, RG10-C-IV-9, RG10 1996-97/978 Boîte 24, Dossier "Indians of Quebec Association - General Assembly 1973" et Canada, Ottawa, Collège Manitou Records, RG10-C-IV-9, RG10 1996-97/978 Boîte 24, Dossier "Indians of Quebec Association - General Assembly 1974".

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« traditionnelles »63. Débutant par une cérémonie religieuse dirigée par deux « medicine man » de l’Alberta, la journée donnait une grande place aux discours des chefs et des invités présents, notamment George Manuel. Arthur Lamothe, documentariste québécois reconnu pour ses nombreux films qui portaient sur la culture autochtone au Québec, était présent à cette journée et en réalisa un court documentaire présentant les discours des différents chefs64. Plusieurs de ceux- ci étaient livrés dans la langue autochtone de leur orateur et la majorité abordait les impacts du colonialisme sur leur mode de vie, particulièrement les impacts récents de l’encadrement de la chasse autochtone. En plus des discours, un repas composé de nourritures « du pays », de l’orignal, du caribou, du castor, du mais, etc.,65 était organisé, au grand bonheur de plusieurs, dont Manuel qui signala de manière humoristique, à la fin de son discours, sa hâte d’y prendre part66. Enfin, un « pow-wow » où les participants qui portaient leurs costumes traditionnels purent danser sur des airs autochtones avait lieu dans l’après-midi et en soirée. Cette « Journée traditionnelle indienne » illustrait la variété des activités qui pouvaient avoir lieu en marge des AG de l’AIQ qui permettait l’ouverture d’espaces de diffusions et d’échanges culturels.