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PARTIE III : CONTEXTE DU TRAVAIL

3. L ES SERINES PROTEASES DU NEUTROPHILE

3.3. La protéinase 3 une sérine protéase aux propriétés singulières

3.3.1. Aspects structuraux

La PR3 est une protéine de poids moléculaire de 29-32kD qui se présente sous la forme d’un triplet d’isoformes de glycosylation différentes sur un gel SDS-PAGE (van der Geld et al. 2001). La PR3 et l’élastase sont des protéines de la famille des chymotrypsin-like, mais leur proximité ne les empêche pas de se distinguer sur plusieurs points (Hajjar et al. 2010). En effet, la PR3 possède des substrats intracellulaires qui lui sont propres impliqués dans la prolifération ou l’apoptose des neutrophiles. De plus, elle de plus est exprimée à la membrane externe des neutrophiles à l’état basal mais aussi dans les vésicules de sécrétion (Witko-Sarsat et al. 1999a) contrairement à ses homologues (élastase, cathépsine G) et d’un point de vue physiopathologique elle est la cible de l’auto-immunité dans la granulomatose avec polyangéite ce qui n’est pas le cas des autres sérines protéases. La PR3 partage 56% de sa séquence protéique avec l’élastase du neutrophile humain, toutefois ces protéines présentent des différences notables du point de vue structural comme le montre la cartographie du potentiel électrostatique de surface de ces deux protéines cationiques (Figure III.3).

Figure III.3 : Potentiel électrostatique de surface de la PR3 humaine (A) et de l’élastase du neutrophile humain (B). Le potentiel électrostatique calculé est représenté avec un code couleur correspondant à la valeur du potentiel en unité thermique: +5 kT (bleu), +1 kT (bleu transparent), 0 kT (blanc), -1 kT (rouge transparent), -5 kT (rouge). (D’après Hajjar et al. 2010)

68 La structure de surface électrostatique de la PR3 révèle des patches de charges positives alternant avec des zones négatives (Figure III.3A) alors que l’élastase présente une répartition uniforme de charges positives excepté pour le site actif (Figure III.3B S1). Cette caractéristique électrostatique a été retrouvée chez de nombreuses protéines se liant à la membrane plasmique (Mulgrew-Nesbitt et al. 2006). L’environnement électrostatique de la poche catalytique influence aussi la reconnaissance des substrats. En utilisant une approche bioinformatique il a été possible de faire une carte de reconnaissance des sites catalytiques de la PR3 et de l’élastase. Cette analyse a permis de mettre en évidence des différences majeures dans le type de séquences préférentielles des sites catalytiques des deux serines protéases (Hajjar et al. 2010). Une illustration de cette spécificité de substrat est le clivage de p21waf1/CIP1 par la PR3 favorisant la prolifération cellulaire mis en évidence dans le laboratoire (Witko-Sarsat et al. 2002). Nonobstant ces différences de substrat, la différence majeure entre la PR3 et l’élastase réside dans leur capacité de liaison à la membrane plasmique. La question de la liaison d’une sérine protéase à la membrane rejoint celle de la capacité des sérines protéases d’agir en extracellulaire en raison de la présence d’inhibiteurs. En effet, la présence d’inhibiteurs puissants des sérines protéases dans le plasma semble rendre l’activité enzymatique extracellulaire de ces protéases négligeable. Cependant la sécrétion des protéases du neutrophile peut se faire dans un tissu enchâssé des fibres de la matrice extracellulaire, qui ne permettent pas la diffusion des inhibiteurs de haut poids moléculaires en provenance du plasma. De plus la quantité de protéase peut dépasser localement les capacités d’inhibition des inhibiteurs. La possibilité de liaison à la membrane offre alors, en raison de l’encombrement stérique, une possibilité de maintenir une activité catalytique pour des sérines protéases sécrétés à l’abri des inhibiteurs. Cela a été montré pour l’élastase et la cathepsine G (Owen et al. 1995). Le mécanisme de liaison à la membrane proposé repose sur une interaction électrostatique, avec la possibilité de décrocher ces protéines par une modification de la charge de la membrane. La PR3 quant à elle semble ne pas se conformer à ce schéma d’interaction faible électrostatique. En effet l’expression membranaire de cette protéine n’est pas uniquement ionique (Witko-Sarsat et

al. 1999a). De plus cette sérine protéase est constitutivement exprimée à la membrane des

neutrophiles au repos ce qui n’est pas le cas de l’élastase ou de la cathepsine G (Halbwachs- Mecarelli et al. 1995). De multiples partenaires protéiques ont été proposés pour expliquer la liaison de la PR3 à la membrane : CD11b/CD18 (David et al. 2003), CD16 (David et al. 2005)

69 et CD177 (Bauer et al. 2007 ; von Vietinghoff et al. 2007). PR3 a aussi été localisée dans les rafts lipidiques (Fridlich et al. 2006). De manière intéressante et contrairement à ses homologues la PR3 est capable de s’insérer dans des vésicules lipidiques (Goldmann et al. 1999). De façon intéressante, il s'est avéré que la PR3 pouvaient s'associer à différentes protéines selon que son expression membranaire était constitutive, déclenchée par la dégranulation ou par l'apoptose (Witko-Sarsat et al. 2010b). Les études de modélisation moléculaires dynamiques ont permis de montrer que la PR3 est capable de liée des membranes neutres ou anioniques alors de l’élastase ne pouvait que se lier à des membranes chargées négativement (Hajjar et al. 2010). L’étude du mécanisme de cette liaison sera discutée dans la partie résultat (partie IV). Une des particularités de l’expression membranaire de la PR3 sur le neutrophile est son caractère bimodal. En effet, pour un individu donné le pourcentage de neutrophile exprimant à l’état basal la PR3 est fixe mais peut varier de 0 à 100% (Halbwachs-Mecarelli et al. 1995). Il s’agit d’une expression déterminée génétiquement (Witko-Sarsat et al. 1999b ; Schreiber et al. 2003). Une seule autre protéine possède cette propriété et présente la même distribution bimodale sur le neutrophile humain il s’agit de CD177, aussi appelée NB1 (Bauer et al. 2007). Nous reviendrons dans la partie résultat (partie V) sur le rôle de CD177 dans l’expression membranaire de la PR3. Notons de plus que chez les patients atteints de vascularite à ANCA ayant une atteinte rénale prédominante le pourcentage de neutrophiles mPR3+ est plus important que celui de témoins sains (Witko-Sarsat et al. 1999b). Ce résultat a été retrouvé par d’autres groupes qui ont montré que cette répartition pouvait aussi être présente dans d’autres pathologies auto-immunes comme le lupus érythémateux disséminé qui n’est pas associé à la présence d’ANCA (von Rossum et al. 2007).

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