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Chapitre 1 : Le cadre d’analyse

1.2 Aspects retenus et adaptés

Aux fins de ce mémoire, nous allons retenir différents aspects des théories précédemment mentionnées, afin d’avoir un cadre d’analyse précis et circonscrit. Mais il semble important de préciser qu’aucune école théorique ne sera utilisée de façon exclusive et systématique. Comme le souligne Robert W. Cox, il ne faut pas se dérober face à l’éclectisme théorique : « It is more useful to leave intellectual identities aside and address the question of what are the important things to focus upon. »90

Tout d’abord, dans le modèle analytique de Russell et Tokatlian, nous retenons l’importance d’analyser le « contexte pour l’action ». Comme l’expliquent ces auteurs, le contexte pour l’action semble déterminer en bonne partie le niveau d’autonomie d’un État. Mais puisque ce contexte évolue dans le temps, ses principales caractéristiques ne sont pas nécessairement les mêmes qu’au moment où a été faite leur analyse. Quand Russell et Tokatlian ont construit leur modèle d’analyse, le contexte pour l’action des États latino-américains comportait 4 caractéristiques principales : la mondialisation, le contexte post-Guerre froide, l’intégration et la démocratisation91. Pour les fins de ce mémoire qui porte sur les années de l’administration Lula, différentes caractéristiques seront mises en lumière. Comme il fut mentionné lors de l’introduction, le contexte pour l’action sera considéré en deux temps. D’abord, le contexte international et ensuite, le contexte continental, qui seront tous deux analysés en fonction de deux caractéristiques. Le contexte international, qui est caractérisé par l’émergence de nouvelles puissances et le contexte post-11 septembre. Et le contexte continental, caractérisé par le caractère particulier des relations États-Unis / Amérique latine durant la période qui nous intéresse.

Pour une compréhension efficace du contexte pour l’action, il faut retenir certains éléments en regard à la notion de puissance. Ainsi, nous allons porter attention à certains éléments qui déterminent les capacités d’un État, tel que présentés par Waltz : la grandeur de la population, le territoire, le potentiel des ressources, la capacité

90 Robert W. Cox, The Political Economy of a Plural World (New York : Routledge, 2002), 29. 91 Roberto Russell et Juan Gabriel Tokatlian, op.cit., 6.

économique et la force militaire. Une présentation détaillée des ces éléments permettra d’illustrer l’émergence de nouvelles puissances et la multipolarisation naissante du système international. De plus, une analyse approfondie du contexte pour l’action implique de faire la distinction entre le hard power et le soft power, tel que défini par Nye. Prendre en compte la notion de soft power est nécessaire pour bien comprendre la politique internationale, notamment dans le contexte post-11 septembre. Dans notre analyse du contexte international, il sera important d’utiliser le concept d’équilibrage indirect, qui est caractérisé par la mise en place de différentes stratégies cherchant à démontrer à l’État le plus puissant du système, en l’occurrence les États-Unis, que l’unilatéralisme a ses limites à ne pas dépasser.

Finalement, nous allons opérationnaliser le concept d’autonomie de la même manière que Vigevani et Cepaluni et que Russell et Tokatlian. C’est-à-dire en le considérant d’abord comme une condition qui permet aux États de formuler et de mettre en application des politiques étrangères indépendamment des contraintes imposées par les États plus puissants92. Pour l’analyse de la politique étrangère du Brésil, nous allons nous baser en premier lieu sur la typologie de Vigevani et Cepaluni pour illustrer les différentes stratégies utilisées par l’administration Lula, en y apportant quelques nuances. Plus précisément, nous allons réorganiser la troisième catégorie de leur typologie, soit celle portant sur l’autonomie par la diversification : « Adherence to international norms and principles by means of South-South alliances, including regional alliances, and of agreements with non-traditional partners »93 L’autonomie par la diversification, tel que présentée ici, est une catégorie très large, incomplète et composée de nombreux éléments. Elle nécessite, par soucis de clarté et de précision, une réorganisation afin de mieux structurer l’analyse. Selon les auteurs, l’autonomie par la diversification signifie grossièrement que pour accroître son niveau d’autonomie, il faut diversifier ses partenariats internationaux (création d’alliances Sud-Sud, incluant des alliances régionales; mise sur pied d’ententes avec des partenaires non traditionnels). Dans ce travail de recherche, nous allons revoir cette stratégie. Tout d’abord, les

92 Ibid., 6.

« alliances Sud-Sud » et les « ententes conclues avec des partenaires non-traditionnels » seront considérées conjointement comme une stratégie unique, soit l’horizontalisation des relations. De plus, nous n’incluons pas les « alliances régionales » dans ce que Vigevani et Cepaluni considèrent comme les « alliances Sud-Sud », préférant les étudier à part dans le cadre d’une seconde stratégie, soit la stratégie régionale du Brésil. Dans la même veine, nous pouvons retenir du « réalisme de la périphérie » que les États périphériques doivent former des alliances régionales dirigées contre le centre et doivent favoriser leur intégration (régionale) politique et économique94. Ainsi, le Brésil considère prioritaire de favoriser l’intégration régionale en Amérique du sud et, également, de se démarquer comme leader régional. En dernier lieu, il semble nécessaire, en fonction de notre objet de recherche, d’ajouter une autre stratégie, qui n’apparaît pas dans la troisième catégorie de Vigevani et Cepaluni : une stratégie d’opposition ponctuelle aux États-Unis en regard à certains enjeux internationaux. Comme le souligne le « réalisme de la périphérie », la dernière étape du processus de recherche d’autonomie consiste à réaliser des actions de non-obéissance vis-à-vis de l’État central.

94 Ibid., 4.