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3.1 Caractéristiques du séisme des Saintes

3.1.4 Aspects macrosismiques

Le séisme des Saintes a été ressenti sur l’ensemble de l’arc antillais, de Barbuda au nord jusqu’à Sainte-Lucie au sud, soit sur un rayon de plus de 200 km par rapport à l’épicentre. Les dommages sont heureusement assez limités, la majorité ayant eu lieu sur les îles des Saintes et de la Dominique (rapport AFPS). Une enquête macrosismique a été menée sur le terrain par le Bureau Central Sismologique Français (BCSF) entre le 24 novembre et le 1er décembre, au cours de laquelle les enquêteurs (Michel CARA, Christophe Sira, Benoît

Lebrun, Didier Bertil) ont sillonné les communes pour évaluer les effets sur la population,

les bâtiments et les éventuels effets sur la nature tels que les glissements de terrain, chute de pierres, variation du niveau d’eau dans les lacs. Les niveaux d’intensités subies par les différentes communes de la Guadeloupe et estimées lors de cette enquête sont montrés sur la carte de la figure 3.3. On y observe des intensités qui vont de IV pour le nord de la Basse-Terre et la Grande-Terre à VIII aux Saintes, zone la plus touchée. Cette distribution traduit donc essentiellement l’éloignement des communes par rapport à l’épicentre du séisme, à savoir que les zones les plus proches sont les plus touchées et à mesure que l’on s’éloigne, le niveau de dégât subi par la commune diminue. Des communes comme Baillif, Vieux-Fort et Goyave, montrent cependant une intensité plus faible que des communes situées à des distances épicentrales comparables.

Figure 3.3. Carte d’intensité EMS-98 suite au séisme des Saintes (BCSF, 2005)

Dans le même temps, des formulaires d’enquêtes macrosismiques ont été distribués : formulaires collectifs pour les mairies, gendarmeries, casernes de pompiers des communes, formulaires individuels aux habitants. A partir du dépouillement de cette enquête, on cherche à mettre en évidence des différences d’effets qui ont pu avoir lieu entre les îlets des Saintes: Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, mais aussi à l’intérieur d’une même île. Les résultats pourraient permettre d’évaluer les endroits où les dégâts ont été localement plus importants du fait d’effets de site liés à la géologie. L’utilisation des données macrosismiques pour détecter des effets de site n’est pas si évidente, Schlupp et al. (2006) ont déjà tenté cette démarche sur la commune d’Epinal pour le séisme de Rambervillers (22 février 2003, Mw=4.7) sans mettre en évidence de différences entre les observations au rocher et au sédiment.

3.1.4.1 Formulaires individuels

Le BCSF nous a fait parvenir 76 formulaires individuels pour l’archipel des Saintes, soit 37 pour Terre-de-Haut et 39 pour Terre-de-Bas, déjà triés par lieu-dit. Le dépouillement basé sur l’échelle macrosismique EMS98 a été effectué en partie dans le cadre d’un stage de Maîtrise. A chaque formulaire, est attribuée une intensité EMS98.

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Le qualificatif de « pseudo » sera utilisé pour les intensités estimées à partir des formulaires individuels pour signifier que la statistique des effets sur la zone est absente au niveau du témoignage individuel. Un tel témoignage est localisé à l’adresse et l’intensité est ramenée au sol. Une mission aux Saintes a eu lieu par la suite (décembre 2006) afin de localiser au GPS les adresses de ces témoignages (à condition de la précision du nom ou de l’adresse complète), ce qui permet de ramener au sol l’intensité estimée.

3.1.4.2 Formulaires collectifs

Les formulaires collectifs sont destinés aux mairies, gendarmeries, casernes de pompiers. Comme pour les formulaires individuels, à partir d’un formulaire collectif, une intensité EMS98 est estimée. Cette dernière est valable pour la commune, les réponses étant des statistiques représentatives des effets sur la commune entière. Chacun des îlets des Saintes, Terre-de-haut et Terre-de-bas est une commune, le nombre de formulaires qui nous est parvenu est de 2 pour Terre-de-Haut (pompiers et gendarmerie) et de 1 pour Terre-de-Bas (gendarmerie).

3.1.4.3 Résultats

A l’échelle de la commune

Les intensités estimées à partir des formulaires collectifs sont VIII, pour les deux îles Terre-de-Bas et Terre-de-Haut. Ces dernières sont en accord avec celle du BCSF (BCSF,

2005).

La figure 3.4 montre la répartition des valeurs de pseudo-intensités déduites des témoignages individuels en fonction de l’île considérée. On observe une bonne cohérence entre les deux îles avec un maximum à VII, soit un degré de moins que les valeurs déduites des formulaires collectifs.

Figure 3.4. Répartition des pseudo-intensités en fonction de la commune considérée.

A l’échelle du lieu-dit

Du dépouillement des formulaires individuels, différentes estimations d’intensité sont obtenues. Les résultats (Figure 3.5 et Figure 3.6) restent en moyenne cohérents avec les résultats précédents.

Pour l’île de Terre-de-Bas (Figure 3.5), il ressort une nette différence d’intensité entre les lieux-dits de Petites Anses (IX) et de Grande-Anse (VII). La majorité des dégâts ont eu lieu sur cette partie de l’île (BCSF, 2005).

Pour l’île de Terre-de-Haut (Figure 3.6), la répartition est plus homogène. Cependant c’est le lieu-dit du Mouillage qui comptabilise en majorité les intensités supérieures à VII.

Peut-on relier nos observations à la géologie et aux mesures sismiques ?

Terre-de-Bas

Du dépouillement des formulaires individuels, il ressort que les effets du séisme des Saintes ont été plus importants du côté de Petites Anses que de celui de Grande Anse. L’observation des dégâts majeurs va dans le même sens puisqu’ils sont concentrés au niveau de Petites Anses. De cette constatation, on soupçonne naturellement la possibilité

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d’un effet de site à Petites Anses, à savoir l’amplification de l’amplitude des ondes pour certaines fréquences à cet endroit, ce qui expliquerait d’une part les résultats du dépouillement de l’enquête, et d’autre part pourquoi les dégâts se sont concentrés dans cette partie de l’île.

Est-ce vraiment le cas ?

La majeure partie de l’archipel des Saintes est formée de matériaux d’origine volcanique : cendres, coulées, dépôts de nuées ardentes, intrusions, dykes (Jacques et Maury, 1988). En outre, la dépression de Petites Anses est comblée partiellement par des couches de cendres volcaniques reposant sur des dépôts de nuée ardente. Cette information est un premier élément de réponse car elle montre que le sol de Petites Anses, de part sa nature peut faire l’objet d’effet de site.

Cette hypothèse peut être confirmée à partir de mesures de bruit de fond, méthode qui permet de mettre en évidence les zones à effet de site (Nakamura, 1989). Des mesures de ce type ont été effectuées sur l’île de Terre-de-Bas (Rapport CETE, 2006). Au centre de Petites Anses, les courbes obtenues sont caractérisées par des pics vers 2 Hz indiquant un effet de site pour cette fréquence, alors qu’à partir des mesures effectuées à l’extérieur les courbes obtenues sont sans pic. Ce constat semble indiquer que le remplissage de la dépression du centre de Petites Anses par des cendres volcaniques est à l’origine d’un effet de site expliquant la concentration des dégâts dans cette partie de l’île. Cette hypothèse est parfaitement en accord avec les fortes valeurs de pseudo-intensités qui y ont été estimées.

Figure 3.5. (a) Pseudo-intensités estimées à partir du dépouillement de l’enquête macrosismique individuelle à Terre-de-Bas. (b)Localisation de la majorité des dégâts (BCSF, 2005) à Terre-de-Bas. On note une corrélation entre les zones où les intensités estimées sont élevées et où il y a eu le maximum de dommages. (b) VIII VII IX Dégâts majeurs (Eglise, Mairie) (a)

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Terre-de-haut :

Suivons le même raisonnement que pour Terre-de-Bas : les endroits où les pseudo-intensités estimées sont élevées, correspondent-ils à des zones à effet de site ?

La majeure partie de l’île est classée en zone de rocher sain (Rapport BRGM R-40897,

2000). Cependant, les mesures de bruit de fond sur l’île mettent en évidence un effet de site

clairement visible en bord de mer qui s’atténue rapidement en montant sur les mornes (Rapport CETE, 2006). Cette observation est en accord avec les résultats du dépouillement de l’enquête : les zones où ont été estimées de forte pseudo-intensité correspondent aux parties de l’île où se situent des dégâts majeurs et où les mesures sismiques permettent de soupçonner des effets de site.

Figure 3.6. (a) Pseudo-intensités estimées à partir du dépouillement de l’enquête macrosismique individuelle à Terre-de-Haut. (b) Résultats des mesures de bruit de fond dans le bourg de Terre-de-haut (Rapport CETE, 2006). On note une corrélation entre les zones où de fortes pseudo-intensités ont été estimées à partir de l’enquête individuelle et les zones où les mesures de bruit de fond montrent des effets de site.

(b) IX VIII VII Dégâts majeurs

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- 115 - 3.1.4.4 Conclusion

Les résultats de cette enquête macrosismique individuelle sont en accord : - d’une part avec les intensités déduites des formulaires collectifs

- d’autre part, avec les données géologiques et les mesures de bruit de fond.

Les parties qui concentrent les fortes intensités correspondent à des zones où la géologie et les mesures sismiques permettaient de suspecter la probabilité d’effets de site. C’est un constat important car jusqu’alors il avait été difficile de pouvoir relier de telles données macrosismiques (pseudo-intensités) à une réalité géologique.

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