• Aucun résultat trouvé

Aspects juridiques : le recueil de consentement éclairé [Guide des Bonnes Pratiques] [retour][Guide des Bonnes Pratiques] [retour]

RESPONSABILITES ADMINISTRATIVES 2004-2007 Directeur des études Licence SDL

3.4 Méthodologie de collecte

3.4.3. Aspects juridiques : le recueil de consentement éclairé [Guide des Bonnes Pratiques] [retour][Guide des Bonnes Pratiques] [retour]

Les aspects juridiques complétés par une démarche éthique rendue possible par une approche réflexive ont été abordés parallèlement aux travaux en cours depuis une quinzaine d’années dans le domaine des corpus oraux en particulier et des archives scientifiques en général. Les grands principes qui guident les solutions appliquées dans le projet ESLO proviennent du Guide des bonnes pratiques 2006 tels qu’ils sont présentés dans le chapitre consacré à cette question. Nous donnerons dès à présent un exemple concret ayant une influence directe sur la méthodologie de collecte et sur le traitement du corpus.

L’apport principal du Guide est de permettre un repérage des cadres juridiques, pour lesquels l’expertise d’Isabelle de Lamberterie a été décisive, tout en les confrontant à une explicitation de la démarche du chercheur.

Un grand corpus oral « disponible » : le corpus d’Orléans 1968-2012 (Eshkol et al 2011 :21)

À l’époque de la conservation pérenne et de la diffusion des archives numériques il est important de prendre en compte l’ensemble des aspects juridiques dès la conception du projet. Nous avons bénéficié des réflexions et recommandations émanant du groupe de travail du ministère de la Culture et du CNRS16 : Corpus oraux. Guide des bonnes pratiques

2006. Les problèmes rencontrés se concentrent sur deux grands domaines juridiques : le respect de la vie privée et la protection de la propriété intellectuelle.

Les deux questions principales gouvernées par des aspects juridiques sont les suivantes : le corpus contient-il des données personnelles ? Quels éléments relèvent du droit d’auteur ? La première question a un impact direct puisqu’une réponse affirmative implique le recueil du consentement de la personne impliquée.

Corpus oraux, Guide des bonnes pratiques 2006 (2006 :41)

La création d’un corpus passe le plus souvent par la collecte de données. Celles-ci pouvant être des données personnelles, cette collecte doit être faite dans le respect de la loi Informatique et libertés : licéité et loyauté, information préalable, obtention du consentement des personnes concernées (voir fiche Consentement), respect des finalités annoncées …

La seconde question sera traitée plus précisément dans le chapitre sur les licences. La position adoptée par l’ensemble de l’équipe du projet a été de considérer que le corpus est produit dans le cadre d’un projet du laboratoire et que s’il convient de mentionner les droits

moraux de chaque participant, les droits patrimoniaux ne s’appliquent qu’à l’entité laboratoire. Cette position a été étendue aux locuteurs participants, ce qui sur ce point nécessitait de recueillir leur autorisation pour une utilisation dans le cadre des données de la recherche.

Corpus oraux, Guide des bonnes pratiques 2006 (2006 :41)

Les droits patrimoniaux se résument en un droit exclusif au profit de l’auteur (ou des titulaires) ou des ayants droit (bénéficiaire d’une cession, héritiers...) d’autoriser ou interdire la reproduction ou la communication au public de l’œuvre protégée. Si le corpus oral est une œuvre, toute reproduction (la numérisation est pour le droit une reproduction) et toute mise à disposition du public (sur un site Internet comme sur tout autre support) nécessitent l’autorisation expresse de l’auteur ou du titulaire de droit.

Quant aux prérogatives du droit moral, toujours attachées à la personne physique créatrice de l’œuvre protégée, elles sont au nombre de quatre : le *droit de divulgation, le *droit de repentir et de retrait, le *droit à la paternité et le *droit au respect de l’œuvre. Chacun de ces droits est applicable aux corpus oraux.

Pour que les droits patrimoniaux et moraux s’appliquent, il faut néanmoins qu’il y ait un ou plusieurs auteurs d’une « œuvre » et donc qu’un corpus soit défini par une forme spécifique (originale) et relevant d’une activité créatrice.

Corpus oraux, Guide des bonnes pratiques 2006 (2006:39) Quelles sont les conditions pour qu’un corpus soit protégé ? Il y en a trois.

Il faut en premier lieu qu’il corresponde à l’exigence d’une activité créatrice : un travail de compilation d’informations n’est pas protégé en soi.

Pour être protégé, il est par ailleurs indispensable que le corpus ait une forme définie. Ce qui est protégé, ce n’est pas le contenu du corpus mais son enveloppe, son architecture.

Enfin, la forme du corpus doit répondre à la condition d’être originale.

Ces éléments juridiques se traduisent, dans le cadre du projet ESLO, par le recueil du consentement éclairé des personnes enregistrées. Nous le verrons par la suite, cette disposition a été complétée par une procédure d’anonymisation partielle et par des licences de distribution du corpus. Il n’en reste pas moins que la première des opérations, celle si

souvent oubliée ou peu maitrisée dans les projets d’enquête sociolinguistique, reste le recueil du consentement éclairé.

Il s’agit d’un point particulièrement délicat dans le cadre d’enquêtes sociolinguistiques où le chercheur souhaite collecter des paroles hors d’un contexte d’autosurveillance. Il y a alors un paradoxe accru à vouloir informer avec précision le locuteur des objectifs d’analyse linguistique tout en espérant qu’il formule des énoncés dans un cadre informel. Le sociolinguistique sait mieux que quiconque que la nature sociale même de la langue fait que tout contexte est celui d’un marché linguistique au sein duquel les locuteurs ont conscience que leurs productions sont évaluées selon une loi de formation des prix fortement gouvernée par la structure de la société.

La solution adoptée dans le cadre du projet ESLO2 se divise en trois parties : 1° Construire un projet participatif

Le premier élément de solution est d’élaborer un projet qui dépasse l’enquête linguistique. C’est ainsi que le projet ESLO est intégré à un projet plus vaste qui consiste à dresser le portrait sonore de la ville d’Orléans. Il est plus simple d’informer les personnes enregistrées des objectifs du projet sans attirer l’attention sur l’aspect linguistique. Cette idée présente dès ESLO1 a été accusée dans ESLO2 et elle est à l’origine de différents projets réalisés dans le cadre d’actions culturelles et artistiques. C’est ainsi que de nombreux enregistrements d’ESLO2 ont été réalisés dans le cadre de projets menés par des artistes selon une finalité bien identifiée par les locuteurs. Dans cette perspective, le choix du dispositif technique (micro-cravate) est adapté à la production d’évènements culturels et artistiques (médiés) et identifiés comme tels par les participants.

2° L’information préalable à l’enregistrement

Le deuxième élément de solution a consisté à donner une information sommaire, préalable à l’enregistrement. L’objectif est d’informer le locuteur de la captation de ses propos et du moment à partir duquel celle-ci commence. Le locuteur est ainsi averti sans qu’on puisse considérer qu’il s’agit d’un consentement éclairé.

3° Le consentement éclairé post-enregistrement

Le troisième élément de solution est d’informer précisément le locuteur après l’enregistrement afin de ne pas exercer d’effet de ces informations sur le déroulé de l’interaction. Le consentement peut alors être détaillé, tant sur les conditions de diffusion que d’exploitation des enregistrements. Le formulaire écrit énumère les objectifs et les opérations que subiront les données enregistrées, y compris leurs conditions de diffusion :

Le formulaire contient également des informations circonstanciées sur les conditions d’anonymisation et sur la forme que revêt une transcription réalisée par le laboratoire :

Le document est réalisé en deux exemplaires ce qui permet au locuteur de conserver une trace de son engagement et l’autorise à demander la destruction de tout ou partie de l’enregistrement réalisé :

La prise en charge de ces aspects juridiques ne peut se réduire à un respect des textes législatifs. Cela nécessite tout d’abord une approche éthique et une explicitation de la démarche du chercheur qui relèvent toutes deux d’une démarche réflexive. Ensuite, c’est la méthodologie de la collecte qui est décidée par cette approche. Il convient de construire un projet aux objectifs clairement identifiables et d’être en mesure de les rendre disponibles à tous les participants, puis d’organiser le recueil de consentement en parfaite adéquation avec un protocole détaillé. Enfin la structuration même des données, leur conservation et leur diffusion sont concernées par ces choix initiaux. Là encore, la maitrise de la chaine de traitement d’un corpus oral est cruciale tout comme il est essentiel qu’elle soit prise en compte dans l’effet qu’elle a sur la production des données et leurs analyses.