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Aspects immunologiques du nouveau-né liés au paludisme

Chapitre 3 : Immunité du nouveau-né et paludisme

3.3. Aspects immunologiques du nouveau-né liés au paludisme

La compréhension de l’immunité néonatale par rapport à l’infection palustre permet de comprendre la susceptibilité à la maladie pendant la croissance. Les nouveau-nés issus de mères infectées ont un risque élevé de faire leur premier accès palustre au cours de la première année de vie [54]. Les mécanismes immunologiques liés à cette susceptibilité restent encore à déterminer. Des études réalisées dans le sang de cordon permettent de comprendre les réponses immunitaires spécifiques du paludisme chez les nouveau-nés. L’immunité du nouveau-né de mère infectée est caractérisée par une suppression de réponses inflammatoires par des fréquences élevées des cellules Treg [193-197]. L’immaturité des cellules dendritiques (faible expression de CMH-II) favoriserait leur incapacité à initier des réponses spécifiques T chez les nouveau-nés exposés in utero [193]. Ces résultats montrent la régulation des réponses cellulaires chez les nouveau-nés exposés in utero [194, 196-199]. Cependant, une stimulation avec des ligands de TLR démontre la capacité des cellules du sang de cordon de nouveau-né exposés, à produire de l’IFN-g [200]. La capacité des nouveau-nés exposés à produire des cytokines inflammatoires dépend de la parité et de la période d’exposition. Dans une étude prospective, les enfants exposés in utero ont été suivis jusqu’à l’âge de trois ans [197]. Les résultats de cette étude montrent que les enfants ayant été exposés présentent une tolérance immunitaire se manifestant par des concentrations élevées d’IL-10 après stimulation avec des antigènes parasitaires. Ces résultats suggèrent l’acquisition in utero d’une tolérance immunitaire vis-à-vis du paludisme qui induirait une modulation des réponses immunitaires néonatales par rapport aux enfants non exposés. Les mécanismes liés à ce retard de réponse, restent encore à déterminer. Nous proposons dans cette thèse d’étudier un des mécanismes à travers la stimulation avec des ligands de TLR.

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Chez les jeunes enfants infectés par P. falciparum, des fréquences élevées de DC ont été observées ce qui suggère une réponse spécifique importante mais la présence d’antigènes parasitaires inhiberait l’activation de ces cellules [201-204].

Les travaux d’Asito et coll (2011), ont montré que les jeunes enfants vivant en zone d’endémie palustre présentent une altération de réponse des cellules B mémoires [205]. En effet, des fréquences élevées de lymphocytes B et une expression de facteurs du complément dans le sang périphérique, suivie par celle de cytokines inflammatoires IL-10, IL-13, IL-31, IL-33 ont été associées aux accès graves [206, 207]. Dans d’autres études, des fréquences élevées de DC immatures ont été observées chez des enfants infectés par P. falciparum [202, 204]. Ces données suggèrent qu’une réponse inflammatoire importante chez l’enfant au cours de l’infection palustre pourrait conduire à des accès graves. Par conséquent, la prise en charge des jeunes enfants est indispensable dans le contrôle du paludisme.

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L’infection à Plasmodium falciparum au cours de la grossesse a des conséquences importantes sur les réponses immunologiques de la mère et du nouveau-né. L’objectif de cette thèse est d’apporter des éléments nouveaux sur ces modifications immunologiques qui seront utiles à la compréhension de la pathologie et au développement d’un vaccin chez la femme enceinte mais aussi chez l’enfant. Le paludisme associé à la grossesse (PAG) est caractérisé par la cyto-adhérence d’un antigène parasitaire particulier VAR2CSA. Ce phénomène s’accompagne de réponses inflammatoires locales impliquant l’ensemble des cellules médiatrices de l’immunité [7, 34, 153]. Le PAG a pour conséquences : l’anémie maternelle, l’avortement, la prématurité et le retard de croissance utérin [33, 42]. Ces conséquences peuvent trouver leur origine dans les infections survenues très tôt pendant la grossesse avant que la prévention ne soit possible [208, 209]. Il a été montré que les femmes enceintes acquièrent progressivement en fonction de la parité, une immunité protectrice contre l’adhésion des parasites dans le placenta [26]. Par ailleurs, les parasites des infections précoces (<13 semaines de gestation) exprimeraient déjà un génotype et phénotype placentaires démontrant ainsi l’importance d’un contrôle de la séquestration des HP par l’immunité quand un traitement n’est pas encore possible [210].

L’étude des réponses immunitaires associées au paludisme gestationnel a souvent été réalisée à l’accouchement. D’une part, l’existence d’activités inflammatoires locales dans le placenta et le contrôle de ces activités par les réponses TH2 et les lymphocytes T régulateurs ont été observés au cours du paludisme placentaire [137, 146, 153]. D’autre part, une seule étude a montré de faibles fréquences de DC immatures dans le sang périphérique et le sang intervilleux du placenta chez les femmes infectées par P. falciparum [139]. Cette étude suggère une migration des DC vers les sites d’infection. Par ailleurs, plusieurs molécules ont été proposées comme bio-marqueurs de l’inflammation liée au PAG [146, 147, 211] mais les données existantes nécessitent une validation sur des études de cohorte. Pour mieux comprendre les mécanismes immunologiques liés au PAG, nous proposons de documenter les changements immunologiques qui pourraient intervenir chez la femme enceinte, dans un contexte de temps et de pathologie. Un des aspects de cette thèse est l’étude des réponses cellulaires mises en place au début de la grossesse et à l’accouchement. Nos objectifs spécifiques sont :

- Caractériser phénotypiquement les cellules immunitaires dans le sang périphérique de la femme enceinte

- Quantifier les cytokines et les chimiokines plasmatiques impliquées dans l’inflammation au cours du PAG.

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Les enfants nés de mères impaludées développent leur première parasitémie vers l'âge de 3 mois alors que les enfants nés avec un placenta non parasité développent leur première parasitémie vers 6 mois [54]. Cette observation a été confirmée par d’autres cohortes [180-182, 184] et la présence d’immunoglobulines G (IgG) anti-parasites placentaires d’origine maternelle dans le sang de cordon de nouveau-nés issus de mères impaludées [212]. Chez les nouveau-nés de mères infectées, des concentrations importantes d’IgM et IgE ont été retrouvés dans le sang de cordon. Ces résultats démontrent que l’acquisition in utero d’immunité anti-plasmodiale pourrait influencer les réponses immunitaires futures de l’enfant [213-216]. L’infection placentaire pourrait induire chez le nouveau-né des fréquences élevées de lymphocytes T régulateurs dans le sang de cordon et, par conséquent, des concentrations élevées d’IL-10 [33, 194, 197, 200]. Ceci induirait la suppression de réponses de type TH1 dans le sang de cordon et favoriserait la susceptibilité à l’infection [196, 199]. L’étude réalisée sur une cohorte d’enfants confirme ces résultats et suggère une tolérance induite par l’exposition in utero au paludisme [197]. Cependant, les mécanismes immunologiques impliqués dans l’orientation de cette tolérance restent encore à déterminer. C’est dans ce contexte que se situe notre travail de thèse afin de comprendre les mécanismes d’orientation des réponses immunitaires innées du nouveau-né et du jeune enfant.

Nous étudierons les conséquences d’une exposition in utero sur les fréquences et l’activation des cellules présentatrices d’antigènes (CPA) dans le sang de cordon pour, ensuite, étudier les mécanismes de stimulation ou d’inhibition des réponses immunitaires innées à travers les récepteurs TLR.

Ce projet de thèse fait partie d’un vaste projet financé par l’Union Européenne, STOPPAM (Strategies TO Prevent Pregnancy Associated Malaria), regroupant 4 équipes européennes (France, Suède, Danemark et Pays-Bas) et 2 équipes africaines (Tanzanie et Bénin). Il a pour objectif principal, d’élucider les mécanismes et le déroulement de la pathologie du paludisme associé à la grossesse et de quantifier les conséquences du paludisme associé à la grossesse sur la santé de la mère et du fœtus. Les résultats issus de ce projet permettront d’optimiser les stratégies de prévention contre le paludisme et de proposer des candidats vaccins anti-parasites placentaires. Sur le plan immunologique, il permettra de comprendre des mécanismes immunologiques liés aux conséquences du PAG chez la femme enceinte, le nouveau-né et le jeune enfant.

La finalité de cette étude de thèse est l’identification de marqueurs cellulaires et solubles liés à la pathologie associée au PAG.

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Organisation de la thèse en alternance

La plus grande partie de ce travail a été réalisée grâce à une bourse de thèse de trois ans, du département AIRD-DPF de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Ce financement m’a permis d’effectuer pendant les trois années des alternances entre les équipes du CERPAGE (Centre d’étude et de recherche sur le paludisme associé à la grossesse et à l’enfant) à Cotonou (Bénin), de l’UMR216 IRD à Paris (France) et de l’Institut Wenner-Gren de l’Université de Stockholm (Suède).