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Chapitre I- étude bibliographique

I.2 La cristallisation en milieu fondu

I.2.3 Aspects cinétiques

a) Microstructure de solidification

Bien que, selon la thermodynamique, les cristaux formés soient purs, des impuretés peuvent être incorporées dans le réseau cristallin pour des raisons cinétiques. Il n’existe pas de solutions solides entre la glace et les impuretés présentes dans l’eau de mer. Des ions peuvent être éventuellement incorporés dans le réseau, lors de la croissance. Mais la principale source de pollution de la glace proviendra de l’incorporation de poches de solution dans la glace.

L’incorporation peut s’expliquer par la microstructure de la couche cristalline présentant des espaces interstitiels où le liquide peut être piégé.

L’interface liquide-solide présente différentes morphologies selon la vitesse de croissance, le gradient thermique appliqué et la concentration des impuretés.

Dans un milieu pur, l’origine de la déstabilisation de l’interface est seulement thermique. L’interface est plane si le gradient de température devant le front de solidification est positif (c’est le cas de la couche glace formée à la surface des lacs) (Eicken, 2003). Si le gradient est négatif (croissance libre des cristaux dans une solution surrefroidie) l’interface sera instable faisant apparaître des cellules ou dendrites.

Dans un milieu fondu impur, à concentration initiale et gradient thermiques constants, le front reste stable tant qu’on ne dépasse pas une valeur critique de la vitesse de croissance (Fig. I.15).

Fig. I.15: Représentation schématique des différentes morphologies d’interface en fonction de la vitesse de croissance. (Reinhart, 2006)

L’origine de l’instabilité morphologique dans le cas d’un milieu impur et avec un gradient de température positif est expliquée selon Rutter et Chalmer (1953) par la surfusion de constitution.

L’instabilité morphologique se produit si la température réelle appliquée du liquide adjacent à l’interface Tap est inférieure à la température d'équilibre Teq.

La figure I.16 illustre les profils de température réelle dans la solution et celle correspondante à l’équilibre thermodynamique. Selon Rutter et Chalmers la morphologie de l’interface change d’une structure plane vers cellulaire si la condition suivante est vérifiée :

x

T

x

T

ap eq

(I.33) Vcr Vc

Fig. I.16: Représentation de la surfusion de constitution, à gauche : surface plane, à droite : croissance dendritique (Drini, 2006)

La morphologie de l’interface se réajuste d’une structure plane vers cellulaire vers dendritique, pour éliminer ou réduire la surfusion de constitution. La structure cellulaire peut être évitée en réduisant la concentration des impuretés, ou la vitesse de croissance, ou bien en augmentant la valeur de du gradient thermique (Drini, 2006) La théorie de surfusion de constitution est développée en considérant la diffusion moléculaire selon une seule direction. Cela est vrai seulement si l’interface est plane. Une interface irrégulière peut engendrer une diffusion latérale ce qui peut altérer la concentration à l’interface (Tiller et coll., 1953)

La théorie de surfusion de constitution considère les propriétés thermodynamiques du liquide et ignore les propriétés thermodynamiques du cristal et la tension de surface à l’interface. L’étude complète de stabilité du front de solidification plan a été réalisée par Mullins et Sekerka (1964) en introduisant la tension interfaciale par la relation de Gibbs – Thomson donnant la température d’équilibre à la courbure de l’interface. Par cette analyse, Mullins et Sekerka affinent le critère de surfusion de constitution et

b) Modèles décrivant l’incorporation du sel dans la glace

Lorsque la solidification se produit sous des conditions de non équilibre, l’incorporation du soluté est décrite par un coefficient de distribution effective.

s g

eff C

C

k = (I.34)

Où Cg et Cs sont respectivement la concentration dans la glace et dans la solution.

Plusieurs études ont été présentées pour relier ce coefficient aux différents facteurs, notamment à la vitesse de croissance.

Dans un régime diffusionnel, Burton, Prim et Slichter (1953) ont développé une expression analytique de keff de la forme :

) D / V exp( ) k 1 ( k k k cr * * * eff = + δ (I.35) Où :

Vcr est la vitesse de cristallisation linéaire (m/s) ;

δ est l’épaisseur du film (m) ;

D est le coefficient de diffusion (m2/s) ;

k* est le coefficient de partition à l’équilibre. k* peut être considéré comme la valeur de keff lorsque la vitesse de croissance tend vers 0.

Dans l’expression précédente, l’effet de la convection est exprimé par l’épaisseur de la couche limite δ. Plus la convection est forte, plus la couche limite devient mince. En augmentant la vitesse de cristallisation Vcr, keff augmente, et par conséquent

l’efficacité de la séparation diminue, selon le modèle BPS (Arkenbout, 1995) L’expression précédente peut être écrite sous la forme logarithmique suivante :

⎟ ⎠ ⎞ ⎜ ⎝ ⎛ δ − ⎟ ⎠ ⎞ ⎜ ⎝ ⎛ = ⎟⎟ ⎠ ⎞ ⎜⎜ ⎝ ⎛ − 1 V D k 1 ln 1 k 1 ln * cr eff

(I.36)

Les valeurs de D/δ et k* peuvent être obtenues en traçant ln((1/keff )–1) en fonction de

la vitesse de croissance du cristal Vcr, dans les mêmes conditions d’agitation. Ce

résultat a été présenté par plusieurs auteurs.

Zharinov et coll. (1974) ont appliqué ce modèle à la cristallisation en couche de la glace à partir des solutions de chlorure de sodium, à différentes vitesses de cristallisation et concentrations, et à forte agitation de la solution. Le coefficient de

distribution de ce système eutectique(Eau–NaCl) dépend fortement de la concentration et de la vitesse de croissance. Les valeurs de keff, variant entre 0,0001 et

1, sont obtenues à partir des concentrations de chlorures de sodium entre 0,0025 et 0,38 % en masse, et des vitesses de croissances linéaires entre 0,3.10-5 et 5.10-5 m/s. les tracés de ln((1/keff )–1) en fonction de Vcr ne sont pas des droites, résultant d’une

variation des valeurs de D/δ avec la vitesse de croissance à grandes concentrations. La figure I.17 montre le tracé de ln((1/keff )– 1) en fonction de Vcr relatif au travail de

Cox et Weeks (1975), pour des glaces de structure cellulaire formées dans des solutions d’eau de mer.

Fig. I.17: Tracé de ln((1/keff )– 1) en fonction de la vitesse de croissance (Cox et

Weeks, 1975)

La dérive des valeurs de ln((1/keff )– 1) à faible vitesse de croissance, est due à une

stabilité de l’interface glace- solution (changement de structure).

Cox et weeks ont présenté par ailleurs en intégrant les travaux de Nakawo et Sinha (1981), les expressions suivantes de keff

(

)

cr eff 0.26 0.74exp 7243 V 26 . 0 k × − + =

;

5 1 cr 3.6 10 cm.s V > × − −

(I.36)

Selon Terwilliger et Dizio (1970), il y a un désaccord considérable dans la littérature sur la vraie dépendance de keff avec la vitesse de croissance. La concentration dans le

solide peut différer à même vitesse de croissance si la quantité formée est différente. Selon eux, keff est une mesure passive du processus de rejection et non un facteur de

contrôle.

c) Effet de la convection.

La dynamique du fluide a une influence sur la croissance de la glace et sur la morphologie du cristal. En absence d’agitation, les gradients de concentration et de température dans la solution induisent des gradients de densité, ce qui provoque des courants de convection. Les gradients de température proviennent des conditions aux limites imposées et de la chaleur latente dégagée par la glace. Les gradients de concentration sont dus aux rejets du soluté à l’interface.

Les courants de convection ont un effet significatif sur la vitesse de croissance, mais peuvent aussi influencer l’incorporation dans le solide en agissant sur la concentration à l’interface, d’une part, et sur la structuration du cristal d’autre part. Cet effet est difficile à décrire car la forme des courants de convection dépend des gradients de densité de la solution (due aux variations de température et de concentration) et de la géométrie dans laquelle se fait la cristallisation (Huppert et Worster, 1985). D’une façon générale, et quelques soit la géométrie, un fluide chaud tend à monter vers le haut, tandis qu’un fluide froid tend à couler en bas de l’enceinte. L’interaction d’un fluide chaud avec le front de congélation provoque la fusion de ce dernier. Cette situation a pour résultat la formation d’une interface solide – liquide plane (Gilpin, 1976). En revanche, la solution de forte salinité rejetée à l’interface est lourde, et tend à couler au fond de la cuve contenant la solution.

Analysons la convection pour deux géométries différentes : paroi horizontale et paroi verticale. Dans le cas ou la solidification se produit sur une paroi horizontale et si la solution est au dessus, le sel rejeté reste à l’interface, donnant lieu à un gradient de concentration stable (régime diffusionnel) (Geoffroy et coll., 2005).

Fig. I.18: Écoulement par convection naturelle lors de la congélation à partir d’une solution de NH4Cl visualisé par tomographie, 26 minutes après le début de

l’expérience (Geoffroy et coll., 2005)

La figure I.18 montre la structure de la phase liquide visualisé par tomographie pour deux fronts de solidification qui se situent au dessus et au dessous de la solution. Vu que les gradients de température et de concentration sont stables dans la région supérieure de la paroi horizontale, le transfert de matière et de chaleur est régi seulement par la diffusion, tandis que les gradients de température et de concentration instables dans la région inférieure, donnent naissance à la convection naturelle.

Lors de la congélation dans une configuration verticale (Tanny, 1995 ; Nishimura et coll., 1998), un profil de concentration dans la solution est initialement établi, donnant lieu à deux régions différentes. La région supérieure de concentration faible est caractérisée par un gradient de concentration stable et gradient de température instable. La région inférieure de forte concentration régie par la convection thermique. Au cours de la solidification, la position de la frontière entre les deux régions bouge vers le bas et une circulation se met en place dans la région supérieure. Les courants chauds provenant de la paroi chaude interagissent avec la couche et conduisent à une couche de glace de forme conique (figure I.19).

Fig. I.19: Forme de l’interface et écoulement dans liquide en fonction du temps.

(CNH4Cl=25%, gradient thermique appliqué ΔT=26,9°C) (Nishimura et coll., 1998)

On voit donc que la convection influe sur l’écoulement de la solution, et modifie la distribution de concentration le long de l’interface glace solution. L’incorporation est par conséquent influencée. Inversement, la morphologie d’interface (irrégularité, dendrites) peut influencer l’écoulement dans la solution (Geoffroy et coll., 2005 ; Coriell et coll., 1998)

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