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Chapitre I — L’obligation de navigabilité et l’exercice de la diligence

Section 1 Aspect technique de la navigabilité

La navigabilité du navire suppose deux conceptions techniques. La première, dite nautique, concerne la sécurité du navire (sous-section 1); la seconde, dite commerciale, concerne la capacité du navire à recevoir et à conserver la marchandise jusqu’à son déchargement au port de destination (sous-section 2).

116 Papera Traders Co. Ltd. and Others v. Hyundai Merchant Marine Co. Ltd. and Another (The Eurasian Dream), [2002] 1 Ll.L.Rep. 719 (Q.B. 2002).

Dans l’affaire The Bunga Seroja, la Haute Cour d’Australie affirme que : « Article III, r.1 therefore effectively imposes an obligation of the carrier to carry the goods in a ship which is adequate in terms of her structure, manning, equipment and facilities having regard to the voyage and the nature of the cargo. » : Great China Metal Industries Co. Ltd. v. Malaysian International Shipping Corporation Berhad (The Bunga Seroja), [1999] 1 Ll.L.Rep. 512 (H.C. Aust. 1999).

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Sous-section 1 — La conception nautique de navigabilité

La navigabilité nautique suppose deux critères pour s’assurer de la sécurité du navire : la qualité du bâtiment (paragr. 1) et l’armement (paragr. 2).

Paragraphe 1 — La qualité du navire

La qualité du navire signifie que le bâtiment doit non seulement pouvoir naviguer dans des conditions climatiques hostiles sans laisser pénétrer l’eau par la coque117, mais qu’il doit aussi être équipé pour compléter en sécurité son voyage118.

Afin de garantir cette navigabilité, le navire doit répondre aux trois critères suivants :

Tout d’abord, la structure du navire doit être suffisamment solide, de sorte que sa solidité puisse s’apprécier par la qualité et la capacité des matériaux utilisés, afin de résister au phénomène d’usure des structures. Les professionnels en construction navale doivent tenir compte dans leur choix de matériaux quant à l’aptitude au vieillissement de la coque pour s’assurer une solidité suffisante de la structure dans son ensemble.

Ensuite, le navire doit pouvoir flotter adéquatement sur la mer, en considérant la combinaison de forces, le poids du navire et la poussée d’Archimède119 : le navire flotte si la poussée est égale au poids de l’eau déplacée par la carène du navire.

117 States Steamship United States, 259 F.2d 458 (9 th Cir. 1958); Peter Paul inc. v. The M\S Christer Salem, 152 F. Supp. 410 (S.D.N.Y. 1957).

118 Eridiana v. Rudolf Oetker (The Fjord Wind), [1999] 1 Ll.L.Rep. 307 (Q.B.), conf. par [2000] 2 Ll.L.Rep. 191 (C.A.); The Lendoudis Evangelos, [2001] 2 Ll.L.Rep. 304, 306 (Q.B.); The Eurasian Dream, préc., note 116, 736.

119 Principe hydrostatique qui veut que tout corps plongé dans un fluide subisse une poussée verticale, dirigée

de bas en haut, égale au poids du fluide déplacé. Voir en ligne :

Enfin, le bâtiment doit assurer une stabilité et avoir l’aptitude de se maintenir droit et de résister aux inclinaisons ou de ne pas prendre de gîte, surtout pendant les périodes de tangage et de roulis120.

Ce qui nous amène à discuter de la structure du navire et des moyens de sa propulsion et de sa direction.

A- La structure du navire

Pour être navigable, le navire doit posséder une coque et un pont en parfait état. La défectuosité de la coque laissant pénétrer l’eau est une cause majeure de l’innavigabilité du navire.

La jurisprudence existante démontre la sévérité des juges à l’égard des défauts d’étanchéité de la coque du navire et sa résistance121 pour naviguer ou compléter le voyage. L’exigence d’une coque étanche et solide est un élément indispensable au bon état de la navigabilité du navire, d’autant plus que la coque finit par s’user, à défaut de soins appropriés. La solidité de la structure du bâtiment nécessite la prise en considération de la résistance des matériaux utilisés et des phénomènes de fatigue des structures lors de la construction ainsi que d’un entretien régulier, tout au long de l’activité ou de la vie du navire. À titre d’illustration, dans l’affaire américaine Federazione Italiana v. Mandask

120 « Le roulis est le mouvement alternatif du navire autour de l'axe longitudinal qui passe par son centre de gravité, pour s'incliner alternativement sur tribord et sur bâbord. S'il s'incline d'un côté seulement, on dit qu'il gîte. Le mouvement de roulis, qu'il soit brusque ou lent, peut entraîner des problèmes à bord : ripage de cargaison, désarrimage de véhicules, désamorçage de pompes, bris de matériel, accidents humains. », en ligne : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Roulis> (consulté le 1 mars 2009).

121 Cf. Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada; la Convention « Safety of Life at Sea »1974; les Conventions MARPOL et OILPOL qui édictent des normes techniques visant à renforcer la sécurité des navires transportant des cargaisons à risques (pétroliers, tankers, supertankers, very large crude carrier, chimiquiers, vraquiers transportant du gaz liquéfié, etc.).

41 Compania122, la Cour d’appel de la seconde division a jugé le navire innavigable du fait de fissures dans le blindage des cloisons formant l’intérieur de la coque.

Dans le même sens, citons la décision anglaise The Torenia123 au sujet de la corrosion apparente de l’acier de la coque existant avant le début du voyage, qui a rendu le navire innavigable. Le transporteur est censé être conscient de l’existence d’une telle défectuosité, surtout qu’il ne s’agit pas d’un vice caché.

Dans le même sillage, la Cour de cassation française a jugé, dans un arrêt du 10 novembre 1959124, que l’oxydation des tôles de revêtement de la coque du navire ayant provoqué un trou puis une voie d’eau rendait le navire innavigable, car le vice de la coque aurait pu être décelé par une vérification plus attentive. Le même raisonnement a été retenu dans une décision récente de la Cour d’appel de Douai, qui a jugé d’innavigable un navire ayant subi une « oxydation généralisée des œuvres mortes du navire, un état de fatigue généralisé en rapport avec l’âge du navire associé à un manque d’entretien manifeste, un mauvais fonctionnement des pompes de ballast incapables de pomper une quantité anormale de 3.900 tonnes d’eau présente dans les doubles fonds [et] une cassure d’environ 150 mm sur le bordé bâbord par travers de la cale no 5. »125

L’exigence du bon état de la coque du navire est aussi applicable pour le pont126. Le pont du bâtiment est généralement soumis à l’action des flots. Des fissures peuvent facilement laisser pénétrer l’eau en cas de mauvais temps, à travers les fentes. Un

122 388 F.2d 434 (2nd Cir. 1968).

123 [1983] 2 Ll.L.Rep. 210, 230 et 234 (Q.B.). Voir: The Toledo, [1995] 1 Ll.L.Rep. 40, 50, 52 et 53 (Adm. Ct.).

124 Cass. 10 novembre 1959, D.M.F.1960.141.

125 C.A. Douai, 31 janvier 2002, D.M.F.2002.586.588, obs. Y. TASSEL. Voir aussi : Cass. 3 décembre 1974, D.M.F.1975.221.213 ; Cass. 13 juin 1989, D.M.F.1990.467, note R. ACHARD; C.A. Aix-en-Provence, 27 octobre 1989, D.M.F.1989.126 ;

126 Le pont du navire constitue la couverture subhorizontale de la coque, qui sert de passage de l’avant à l’arrière, et du bâbord à tribord.

dysfonctionnement du système de fermeture des panneaux de cale situés sur le pont du navire peut causer son innavigabilité en permettant à l’eau de pénétrer dans les cales127. Par exemple, la Cour d’appel de Paris a confirmé que : « Quand il y a eu pénétration d’eau de mer dans les cales par les panneaux en raison d’une étanchéité insuffisante et par mer difficile, la responsabilité du transporteur doit être retenue pour la cargaison perdue en raison de la mouille. »128

Toutefois, un arrêt de la Cour suprême de Suède démontre l’hésitation des juges, quant au contenu de l’obligation de navigabilité. En l’espèce, le Clary-Thordén129, navire à pont-abri moderne, en anglais shelter-deck, quitte New York en décembre 1956, à destination de Stockholm. Durant son voyage, ce bâtiment a été assailli par une tempête et des lames brisérent l’écoutille du pont arrière. L’ouverture des écoutilles non fermées du pont-abri et de l’entrepont a laissé pénétrer l’eau dans la cale, ce qui a endommagé la cargaison.

Les tribunaux, aussi bien en première instance qu’en appel, ont jugé que le fait que les écoutilles de l’entrepont ne soient pas fermées rendait le navire innavigable. En revanche, la Cour suprême suédoise déclarera que pour ce type de navire, les parois latérales et les ponts non couverts sont censés donner au navire et à sa marchandise une protection suffisante, tout en « admettant toutefois que les écoutilles de ces ponts soient fermées et condamnées et que l’ouverture de tonnage soit fermée au moyen des dispositifs prévus à cet effet […] sans qu’il soit nécessaire de condamner les écoutilles de l’entrepont

127 Voir : Sears Roebuck & Co. v. American President Lines, [1972] 1 Ll.L.Rep. 385 (U.S. 1972). 128 C.A. Paris, 29 mai 1987, D.M.F.1988.170.

129 Thorden Lines A.B. v. Stockholms Sifrsakrings, cité par Kaj PINEUS, « Jurisprudence suédoise », D.M.F.1963.439.

43 et celles du pont-abri. »130 Le Clary-Thordén remplit donc les conditions nécessaires pour être en parfait état de navigabilité.

Ce raisonnement de la Cour relève un point crucial, celui de la distinction entre les deux obligations du transporteur de la Convention de Bruxelles, dont le rapport est flou dans ce texte: la navigabilité du navire et la prise de soins de la cargaison en cours de route. Dans son appréciation de la navigabilité, la Cour suprême a pris en considération uniquement le type du navire, de sorte qu’il est réputé avoir rempli les conditions de bon état de navigabilité avant et au début du voyage maritime, tout en reconnaissant que les écoutilles des ponts devaient être fermées pour assurer la protection de la cargaison à la survenance du mauvais temps.

Or, nous estimons que le transporteur dans ce cas doit être jugé sur la base de l’article III (2) de la Convention de Bruxelles. L’obligation de conserver la marchandise durant le voyage maritime devrait, selon le raisonnement de la Cour, engager la responsabilité de l’armateur, sauf que le contenu imprécis de la navigabilité et la relation douteuse entre les obligations du transporteur prêtent à confusion.

Par ailleurs, d’autres éléments sont également essentiels à la navigabilité nautique. Une conception du compartimentage et une utilisation des ballasts et réservoirs adéquates ont une incidence directe sur la stabilité du navire.

L’opération de lest, en anglais « ballast »131 est primordiale pour assurer la stabilité du navire. Un bâtiment qui voyage en mer vide ou avec un faible poids de marchandises, devra prendre suffisamment de lest pour assurer sa stabilité. Le navire doit être assez «

130 Id., 442.

131 Pour plus de détails, consulter :

enfoncé dans l’eau pour que l’hélice et le gouvernail fonctionnent correctement et que la proue n’émerge pas de l’eau, en particulier dans des conditions de grosse mer. »132

Une mauvaise procédure dans l’opération de ballastage peut endommager gravement la marchandise133. Pour cette raison, la prise de lest est une opération qui nécessite beaucoup de soin. Un nettoyage du double fond est ainsi obligatoire avant chaque nouveau remplissage pour éviter la contamination des réservoirs134. Conséquemment, les tuyaux ou joints des orifices de fermeture des ballasts doivent être maintenus étanches135.

En outre, le navire doit être muni de moyens de propulsion et de direction adéquats pour assurer la navigabilité nautique, une fois qu’il a pris la mer.

B- La propulsion et la direction du navire

Le bon fonctionnement des machines du navire assurant sa propulsion constitue une condition primordiale de la navigabilité nautique. Les moteurs doivent correspondre aux dimensions du navire et à la durée et à l’endroit du trajet à parcourir.

Dans l’affaire américaine Karobi Lumber Co. v. S.S. Norco136, la Cour a décidé que le navire qui quitte le port avec seulement une de ses deux chaudières qui fonctionne est innavigable. Aussi, le cas du navire Tadgera137 illustre bien les conséquences qui peuvent résulter du mauvais état des machines. Le navire est arrivé au port de destination avec un retard de quinze jours, car il lui a fallu effectuer des réparations sur les moteurs. Suite au

132 < http://www.tc.gc.ca/securitemaritime/epe/environnement/ballast/definition.htm#02> (consulté le 1 mars 2009).

133 Voir: Amercian Mail Line v. U.S.A., 377 F. Supp. 657 (W.D. Wash. 1974).

134 Voir : Normes de nettoyage des navires en vue d’une immersion en mer, juillet 2001, Environnement

Canada, Protection de l’environnement, Région du Pacifique et du Yukon, en ligne :

<http://www.pyr.ec.gc.ca/ep/ocean-disposal/french/cleanupstandard_jul01_f.htm#6 > (consulté le 1 mars 2009).

135 C.A. Amsterdam, 27 janvier 1954, cité par H. SCHADÉE, « Résumé de la jurisprudence néerlandaise- 1957, 1958 », D.M.F.1960.313.

136 [1966] A.M.C. 315 (S.D. Ala. 1966).

45 rapport d’expertise ayant confirmé que ces réparations étaient nécessaires, les arbitres ont jugé le navire innavigable.

Le problème du mauvais état des machines peut également être relié à l’insuffisance et à la qualité du combustible. La jurisprudence a nettement affirmé l’innavigabilité du navire pour insuffisance de combustible138. Sa qualité est également importante, puisque des risques élevés sont liés au mauvais choix du combustible, surtout en cas d’échouement ou d’abordage, du fait d’une diminution de la puissance des machines, voire de l’arrêt de leur fonctionnement. Le respect des instructions du constructeur des machines est capital quant aux caractéristiques du combustible à utiliser. Par exemple, dans l’affaire The Evje139, il a été décidé que le navire était innavigable, car ses soutes avaient été remplies avec un combustible d’une densité de 0.9930, alors que le bon fonctionnement des machines demandait une densité maximale de 0.970140.

Le navire doit également être doté de certaines qualités de maniabilité à l’aide d’organes appropriés. Pour des soucis de sécurité, la jurisprudence fait preuve d’une grande exigence concernant les organes de direction du navire, puisqu’une simple défaillance141 peut conduire le navire à échouement ou à la mise en danger de la vie de l’équipage. Par exemple, un navire sans gouvernail perd toute capacité à se diriger. Le tribunal commercial

138 Voir : Trib. com. Marseille, 25 mai 1950, D.M.F.1951.246; Ymata Iron and Steel v. Anthony, [1975] A.M.C. 1605 (S.D.N.Y. 1975).

139 [1976] 2 Ll.L.Rep. 714 (Q.B.).

140 Le Juge Donaldson avance dans son jugement: « [...] where the maker of the vessel’s engine specifies a maximum specific gravity, it is incumbent upon the owners, the master or the chief engineer to make this requirement clear when ordering supplies of bunkers, and it is the duty of the chief engineer to check the documents to see that the fuel delivered appears to meet this requirement. I do not know what was ordered, but the chief engineer should have been aware outside the limits specified by the engine makers. It follows that in my judgment the vessel was unseaworthy at the beginning of the voyage either because she had insufficient bunkers, or because they were of the wrong quality, or for both reasons this unseaworthiness was the cause of casualty. Furthermore, each form of unseaworthiness could and would have been avoided if the owners had exercised due diligence to make the vessel seaworthy » : The Evje, préc., note 139, 720.

de Bordeaux142 a jugé le navire innavigable en raison d’une avarie de barre. L’usure anormale et le défaut de surveillance de l’armateur engagent sa responsabilité.

En somme, les organes et apparaux du navire sont essentiels pour une bonne navigation. En revanche, le rôle de l’opérateur humain l’est davantage.

Paragraphe 2 — L’armement

La complexité des différentes installations de bord exige un effectif complet, dès le début du voyage. L’équipage à bord doit être suffisant143 et compétent144 pour être en mesure d’effectuer un entretien et une utilisation correcte des différentes composantes du navire. L’erreur humaine145 est souvent la cause majeure des pertes ou dommages causés à la cargaison et au navire. De plus, la bonne communication des renseignements relatifs au navire est un moyen obligatoire de sécurité. Un personnel non qualifié ou mal informé peut causer des dommages considérables aux marchandises lors de la manutention146.

Aux États-Unis, la Cour d’appel de la seconde division dans sa décision Waldron v. Moore-McCormack Lines147 a affirmé à ce propos ce qui suit :

« If shipowner has furnished well-manned ship, with competent crew, there can be no liability for personal injuries caused by order of officer of ship that has not proved to be such as would not have been made by reasonably prudent man under the circumstances under doctrine of seaworthiness. »148

142 Trib. com. Bordeaux, 11 janvier 1963, D.M.F.1963.230.

143 Voir : Horn v. C.I.A. de Navigacion Fruco S.A., 404 F.2d 422 (5 th Cir. 1968); United States v. M\V Marilena, 433 F.2d. 164 (4 th Cir. 1969).

144 Un équipage compétent signifie qu’il soit familier avec la structure du navire et ses équipements ainsi qu’il soit capable de gérer des situations imprévues lorsque le navire est en détresse. Voir : Robin Hood Flour Mills, Ltd. v. N. M. Paterson & Sons, Ltd. (The Farrandoc), [1967] 1 Ex. CR. 431, [1967] 2 Ll.L.Rep. 276 (Ex. Ct. Can.).

145 Cf. B.-S. DHILLON, Human Reliability and Errors in Transportation Systems, London, Publication Springer, 2007; Raphaël BAUMLER, « L’instrumentation des codes ISM et ISP », A.D.M.O. 2005.95.102. 146 Par exemple, des marchandises qui ne supportent pas d’être poussées ou trainées rudement au sol. Voir: Crumady v. The Joachim Hendrick Fisser, 358 U.S. 423 (1959); Reid v. Quebec Paper Sales & Transp.Co., 340 F.2d 34 (2nd Cir. 1965); cf. Columbia Law Review Association Inc., « Admiralty: Inadequate Manpower and the Unseaworthiness Doctrine », 66 (6) Col. L.R. 1180 (1966).

147 356 F.2d 247 (2nd Cir. 1966). 148 Id., 247 et 248.

47 Dans le même sens, citons l’affaire American President Lines, Ltd. v. Redfern149 où la Cour d’appel de la neuvième division soutient que le nombre insuffisant de personnel rend le navire innavigable. Ainsi, dans l’affaire Standard Oil Company of New York v. Clan Line Steamers Limited150, le propriétaire du navire a été tenu responsable pour l’innavigabilité de son bâtiment, car il a omis de communiquer au commandant de bord l’information qu’il avait reçue de la compagnie de construction du navire en question, en ce qui concerne la quantité d’eau qui devait être maintenue dans les citernes de ballast, ainsi que du moyen privilégié de chargement du navire. Le commandant de bord a ordonné à l’équipage de vider deux citernes de ballastage (en anglais, ballast tank), ce qui a conduit au chavirement du navire et ainsi à sa perte. La Chambre des Lords a déclaré que même, sans instructions, un capitaine habile et expérimenté aurait connu ce fait sur le navire.

Dans l’affaire précitée The Farrandoc151, le propriétaire du navire avait engagé un ingénieur en vérifiant uniquement ses diplômes et certificats, sans s’assurer de son expérience professionnelle relativement au type du navire pour lequel il avait été engagé. Lors du voyage maritime, l’ingénieur a ouvert la mauvaise valve, durant l’opération de pompage, ce qui a fait pénétrer l’eau dans les cales endommageant ainsi la cargaison de blé. Le tribunal a jugé que le transporteur a manqué à son obligation de navigabilité du fait de l’incompétence de son employé, ce qui met en cause son manque de diligence raisonnable, car il était censé montrer à l’ingénieur les plans de la chambre des engins et ceux du système des tuyaux au préalable. Les dommages pouvaient donc être évités en connaissance de cause.

149 345 F.2d 629 (9 th Cir. 1965). 150 [1924] A.C. 100, 120 et 121. 151 The Farrandoc, préc., note 144, 175.

L’affaire The Eurasian Dream152 constitue un exemple éloquent de la négligence du transporteur due à l’incompétence du personnel à bord, qui a représenté une des causes majeures de l’innavigabilité du navire causant un grave incendie à bord. Pour accélérer les opérations de déchargement, les débardeurs, évitant de rebrancher les batteries, ont eu recours à une méthode risquée eu égard à la nature de la cargaison, qui consistait à verser une petite quantité d’essence dans le carburateur et démarrer le moteur en utilisant une puissante batterie mobile. À chaque remplissage des carburateurs, un peu d’essence se répandait sur le pont, alors qu’une petite étincelle jaillissant des cosses de la batterie suffisait pour enflammer cette essence. De surcroît, le point de départ de l’incendie aurait pu être rapidement maîtrisé à l’aide d’un extincteur. Or, les experts ont déclaré dans leur rapport que des extincteurs situés à proximité du foyer d’incendie étaient partiellement déchargés et leur fonctionnement rendu incertain. De plus, les appareils respiratoires étaient en nombre insuffisant. Manifestement, aucun certificat de visites des extincteurs, des appareils respiratoires, des bouteilles de CO², des portes étanches au gaz ne pouvait être

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