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1. L A TRAINEE AERODYNAMIQUE

1.2.4. Aspect instationnaire

Un autre aspect important des écoulements décollés leur caractère instationnaire. Les différentes structures mises en jeu peuvent en effet osciller autour d’une même position, être crées et détruites à intervalles de temps régulier voir être advectées dans le sillage. Les caractéristiques spatio-temporelles de ces instationnarités et leur amplitude dépendent des mécanismes d’instabilité mis en jeu et de leurs interactions éventuelles.

Le premier type d’instabilité concerne la couche de mélange (ou couche de cisaillement) générée par un décollement de couche limite. Celle-ci est en effet naturellement instable [13] et la moindre perturbation peut entrainer son enroulement et la génération de tourbillons dits de Kelvin-Helmholtz.

Un autre type d’instabilité est fréquemment rencontré dans le sillage de corps épais [14]. Il s’agit du détachement alterné de tourbillons (on parle alors de « Vortex Shedding ») résultant d’une instabilité globale impliquant un mécanisme d’interaction entre les deux couches cisaillées qui se développent de part et d’autre du corps.

Pour le cas d’un décollement partiel, la chose se complique dans la mesure où l’instabilité naturelle de Kelvin-Helmholtz de la couche cisaillée peut être perturbée par le recollement. De même, une instabilité globale de la zone décollée peut se produire, impliquant un battement de la couche cisaillée et une oscillation du point de recollement. Le cas générique de la marche descendante est particulièrement intéressant pour illustrer ces différents mécanismes. Jusqu’à quatre types d’instabilités différentes mais interagissant entre elles y sont dénombrées [15,16] (voir Figure 18) :

- Instabilité de Kelvin-Helmholtz, et « Pairing » : la couche cisaillée issue du décollement est naturellement instable, et tend à s’enrouler sur elle-même au fur et à mesure que l’on s’éloigne du point de décollement. Cette instabilité, appelé instabilité de Kelvin-Helmholtz, aboutit à la création de structures tourbillonnaires de petites tailles (ordre de grandeur de l’épaisseur de la couche cisaillée) qui vont avoir tendance à se grouper entre elles suivant un mécanisme qui répond au nom de « Pairing » [17]

Ce mécanisme fait d’ailleurs partie du scénario de transition de la couche cisaillée, qui passe d’un état 2D à 3D puis se déstabilise complétement.

- Battement de la couche cisaillée : en plus de s’enrouler sur elle-même, la couche de cisaillement a un mouvement d’ensemble, plus basse fréquence, qui se traduit par des variations en volume de la zone de recirculation. Cette instabilité prend fréquemment le nom de « Flapping ».

- Oscillation de la zone de recirculation : liée au développement des tourbillons de Kelvin-Helmholtz et au battement de la couche cisaillée, cette instationnarité se manifeste sous la forme d’un déplacement du point de recollement au grès de l’impact des tourbillons contre la paroi [18].

Figure 18 : Exemple d’instabilités de zone décollé derrière une marche descendante

Cet exemple 2D géométriquement très simple met donc en évidence l’aspect instationnaire très riche des zones décollées. En plus d’interagir fortement entre elles, ces différentes instabilités couvrent des échelles spatiales et temporelles très différentes. Les structures mises en jeux, toujours dans le cas de la marche descendante, peuvent en effet avoir une taille allant de la hauteur de la marche jusqu’à l’épaisseur de la couche de cisaillement, et leur fréquence propre avoir plusieurs ordres de grandeurs de différence [19].

Dans la mesure où les fréquences propres mises en jeu évoluent très souvent de façon quasi-proportionnelle avec la vitesse de l’écoulement, il est d’usage de les exprimer sous une forme adimensionnelle. On parle alors de fréquence réduite ou d’un nombre de Strouhal défini de la façon suivante :

(6)

Où f désigne la fréquence caractéristiques de l’instationnarité, et Li est comme pour le

nombre de Reynolds une grandeur de référence ayant trait à la géométrie du corps ou de l’écoulement étudié. Si l’on conserve la marche descendante comme exemple, plusieurs longueurs caractéristiques peuvent être choisies en fonction du phénomène étudié. Le battement de la couche cisaillée peut par exemple être exprimé par rapport à la hauteur de la marche, l’oscillation du bulbe décollé par rapport à la longueur de celle-ci, et l’instabilité de Kelvin-Helmholtz par rapport à une grandeur caractéristique de la couche cisaillée comme l’épaisseur de vorticité. Dans le cas de la présente étude, le choix de ce paramètre Li est discuté

l’instabilité de Kelvin-Helmholtz et St ≈ 0.1 (basé sur la hauteur de la marche) pour l’oscillation du bulbe décollé (d’après Tihon et al. [19]).

Enfin de même que pour la topologie moyenne des écoulements décollés, le passage en 3D complique singulièrement l’analyse instationnaire. Les interactions 3D entre les différentes structures de l’écoulement auront en effet tendance à « bruiter » la signature instationnaire de l’écoulement, rendant ainsi plus délicate son interprétation.

1.3. METHODES DE MESURE

Différentes méthodes expérimentales peuvent être utilisées en soufflerie aérodynamique pour quantifier la trainée ou analyser qualitativement son origine. La première consiste en une mesure globale des efforts aérodynamiques (on parle alors de « pesées »). La seconde est basée sur une mesure locale des pressions pariétales sur le corps. Elle permet, si l’instrumentation en capteurs de pression est suffisante, de remonter à la force résultante de pression. Elle peut également renseigner sur le comportement local de l’écoulement par analyse des gradients de pression mis en jeu. La troisième méthode repose sur une mesure des champs de vitesse et de pression totale dans le sillage du corps. Un bilan de quantité de mouvement sur un tube de courant entourant le véhicule permet alors d’obtenir une valeur quantitative de la trainée, en explicitant les différents mécanismes « énergivores ». Enfin, on peut également citer la méthode qualitative reposant sur la visualisation pariétale des lignes de frottement par enduit visqueux. La théorie des spectres pariétaux [8] permet alors de remonter à la topologie de l’écoulement.

1.3.1. La pesée

La pesée consiste à mesurer directement la force aérodynamique que subit un corps, sa composante longitudinale étant la trainée. Cette méthode donne des résultats quantitatifs directement exploitables mais ne permet pas de distinguer la trainée de frottement de la trainée de pression. De même, les mécanismes fluides responsables de la trainée restent à déterminer. Des pesées « instationnaires » peuvent également être réalisées, afin d’observer les variations temporelles des efforts.