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D. Des objets sensitifs : des objets d'avenir

2. Un aspect futuriste

Le design et l'architecture créent des objets ayant de nouvelles caractéristiques sensitives. Ces objets ont des similitudes esthétiques avec des choses imaginées dans les romans de Science- Fiction. Souvent, l'auteur ne peut faire qu'évoquer les objets, les lieux sans les décrire entièrement mais on remarque les mêmes marqueurs visuels dans l'univers de la SF. Notamment, par la très large iconographie qui s'est déployée dans les films, les couvertures de romans et les pulps (magazines).

Il ne faut pas négliger la part visuelle de ces post-objets et de ces architectures que nous étudions car dans le récit de Science-Fiction, l'auteur utilise des mots. C'est grâce à la description que l'objet prend forme dans l'imaginaire du lecteur. Le designer et l'architecte ont eux comme langage l'image par le dessin, la conception numérique ou la modélisation en trois dimensions. Il faut distinguer différentes images : l'image mentale (celle du lecteur), l'image virtuelle (l'image créée par ordinateur) et l'image tangible (celle du dessin ou de la sculpture). Ces trois typologies d'images s'entremêlent dans l'étude que nous proposons car chaque type d'image induit une vision différente des objets.

Y a t-il une corrélation entre l'aspect de l'objet et ses conséquences sur les sensations ? La technologie dissimulée.

Une des caractéristiques des post-objets est l'utilisation d'avancées technologiques et scientifiques. L'apparence simple de l'objet ou d'une architecture est parfois mise en valeur dans le récit de Science-Fiction. La technologie est présente partout dans ces mondes fictifs mais elle est cachée ou à peine visible. Elle est consciemment dissimulée et, dès lors, l'apparence lisse d'un objet devient le gage de sa complexité technique. On le voit aussi dans les évolutions du design d'objet, par exemple, la modernité se fait par la transparence pour le designer Philippe Starck. Il parle plus précisément de la dématérialisation de l'objet : « La plupart de ce qui nous encombre, que nous subissons sans l'avoir véritablement choisi, disparaît. Techniquement, c'est déjà possible. A quoi bon rendre un objet beau un objet utilitaire, quand celui-ci peut se fondre dans des circuits intégrés. Par exemple, on n'a plus besoin de radiateur il existe des peintures chauffantes. Pour remplacer les rideaux, il y a des vitres à cristaux liquides. Plus besoin de haut-parleurs, puisque des membranes de plafond suffisent. Ni d'interrupteurs quand il y a la commande vocale. 104». Pour le designer, l'objet

doit disparaître car il en a les capacités. Cet objet se dissimule pour ne pas encombrer visuellement 104 P. Starck, Design et Utopies, Dijon, Industries françaises de l'ameublement. Les villages, 2000, p. 13.

le champs de vision de l'Homme. C'est une nouvelle relation à l'objet qui ne prend pas de forme spécifique. L'objet est dissimulé, il doit se fondre dans une autre entité. L'objet a de moins en moins de matière pour alléger sa composition ; sa fonction demeure similaire, c'est sa forme qui évolue. Ces objets dissimulés sont caractérisés par leur technologie avancée. Parmi les exemples cités précédemment, tous utilisent des technologies élaborées.

Dans le récit de Science-Fiction, ces objets deviennent des objets mystérieux, ils posent question. Ils sont énigmatiques car leur forme ne révèle rien de leur utilisation. Leur caractère étrange déroute le ou les protagonistes. L'objet tend à devenir immatériel sa composition étant de plus en plus élaguée de matière. La cause étant que le design et l'architecture ont une tendance tout au long du 20 ème siècle à se concentrer de plus en plus sur l'aspect extérieur de l'objet. L'objet est dissimulé aux yeux des hommes mais il cache aussi son intérieur : « Dans la technologie moderne, l'intérieur est une trace muette [...] 105». Toute la mécanique qui compose l'objet est dissimulée. Dans le même

texte, l'auteur insiste sur le fait que cet état des choses est dû à la vision que l'humanité se fait de l'Homme106. Il explicite le fait que la vision que l'on se fait du corps est artificielle. On met en avant

l'extérieur du corps en occultant ce qui le compose. Il fait un parallèle entre ce fait et le phénomène qui nous intéresse dans le design de nos jours. Le contenu de l'objet est oblitéré au profit de son aspect esthétique. Les objets de science-fiction sont présentés de la même manière : la technologie est dissimulée. C'est une référence à l'épure. Cette notion du design prend en compte l'aspect extérieur de l'objet : il doit être composé de lignes simples et de peu de matériaux. En épurant l'objet technologique, le designer cache sa complexité. En créant un objet à l'aspect lisse et au contenu complexe on constate une assimilation de l'objet au corps. Cette corrélation Homme / objet enrichie la relation que l'on a avec le post-objet. La similitude dans la représentation du corps de l'objet au corps de l'Homme permet une comparaison.

L'aspect peut être différent selon les post-objets mais ils questionnent nos sens. Lorsque le projet

Amoeba Shoe est présenté, c'est une nouvelle forme de sensation qui est mise en avant. La sensation

du pied avec le sol se présente même de façon inédite. C'est une ouverture des sens vers l'extérieur. C'est l'acclimatation du pied au sol grâce aux bio-technologies. Dans ce cas précis, le post-objet sert de lien entre le corps de l'Homme et l'extérieur.

Dans le projet e.Skin la relation entre les notions extérieur / intérieur est modifiée. Il est vrai, la paroi du bâtiment est le lien entre les personnes à l'intérieur et l'extérieur. C'est l'objet crée par Jenny 105 Tomorow now. When design meets science-fiction, Luxembourg, Mudam Luxembourg, Les auteurs, 2007, p. 81.

E. Sabin qui permet ou non ce lien vers l'extérieur. Pour ces deux exemples, la technologie qui les compose est cachée.

Les matériaux nouveaux qui permettent de nouvelles sensations, la science-fiction en imagine un très grand nombre. Il y a une corrélation entre la matière et la pensée ; c'est-à-dire que le nouveau matériau tant recherché serait ce qui permet une extension de sens et par là une forme d'évolution intellectuelle de l'espèce humaine. Mais le matériau qui est le plus modelé, modifié, changé dans toute la littérature de science-fiction, c'est le corps de l'Homme.