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403. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« [s]i la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable ».

1. Dommage moral

a) à l’égard de la Grèce

404. Le requérant demande 1 000 euros (EUR) en réparation du préjudice moral causé durant les deux périodes de détention.

405. Le gouvernement grec juge cette demande infondée.

406. La Cour a constaté que les conditions de détention du requérant ont emporté violation de l’article 3 de la Convention. Elle estime que le requérant a dû éprouver une détresse certaine qui ne saurait être réparée par les seuls constats de violation établis par elle. Eu égard à la nature des violations constatées en l’espèce, la Cour juge équitable de faire droit à la demande du requérant et lui alloue 1 000 EUR à titre de réparation du dommage moral.

b) à l’égard de la Belgique

407. Le requérant demande 31 825 EUR en réparation du préjudice moral causé d’une part par sa détention en centre ouvert puis en centre fermé en Belgique avant son transfert en Grèce (6 925 EUR) et, d’autre part, par la décision des autorités belges de le transférer en Grèce (24 900 EUR).

408. Le gouvernement belge souligne que si la Cour devait conclure à la responsabilité de la Belgique, le requérant pourrait introduire un recours en responsabilité contre l’Etat belge devant les juridictions belges afin d’obtenir réparation d’un éventuel dommage moral en raison de sa détention. En toute hypothèse, le Gouvernement juge cette demande infondée, à défaut pour le requérant d’apporter la preuve d’une faute dans le chef de l’Etat ou d’établir un lien de causalité entre la faute alléguée et le dommage moral qu’il aurait subi.

409. La Cour rappelle qu’elle est en mesure d’octroyer des sommes au titre de la satisfaction équitable prévue par l’article 41 lorsque la perte ou les dommages réclamés ont été causés par la violation constatée, l’Etat n’étant par contre pas censé verser des sommes pour les dommages qui ne lui sont pas imputables (Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, § 186, CEDH 2008). En l’espèce, la Cour n’a pas relevé de violation de la Convention en raison de la privation de liberté de l’intéressé en Belgique avant son transfert en Grèce. Elle rejette donc cette partie de la demande.

410. En ce qui concerne le préjudice allégué résultant du transfert en Grèce, la Cour a constaté que ce transfert a emporté violation de l’article 3 de la Convention pour les motifs suivants : du fait d’avoir exposé le requérant à des traitements prohibés par cette disposition en détention et

durant son séjour en Grèce et du fait d’avoir exposé le requérant aux risques inhérents aux défaillances de la procédure d’asile en Grèce. Elle rappelle que la circonstance que le requérant pourrait porter sa demande d’indemnité devant une juridiction belge n’oblige pas la Cour à rejeter ladite demande pour défaut de fondement (De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique (article 50), 10 mars 1972, § 16, série A no 14).

411. La Cour estime que le requérant a dû éprouver une détresse certaine qui ne saurait être réparée par les seuls constats de violation établis par elle. Eu égard à la nature des violations constatées en l’espèce, la Cour juge équitable de faire droit à la demande du requérant et lui alloue 24 900 EUR à titre de réparation du dommage moral.

2. Frais et dépens

a) à l’égard de la Grèce

412. Le requérant demande le remboursement des frais pour sa défense devant la Cour contre le gouvernement grec. Selon l’« état de frais et d’honoraires » déposé par l’avocat du requérant, les frais et dépens calculés au 15 mars 2010 atteignaient 3 450 EUR calculés sur la base du tarif horaire de 75 EUR. L’avocat indique qu’il a convenu avec le requérant que celui-ci procédera à un remboursement échelonné sur la base du tarif horaire précité dans l’hypothèse où il obtenait gain de cause devant la Cour.

413. Le Gouvernement juge ces sommes excessives et non étayées.

414. La Cour juge établi que le requérant a réellement exposé les frais dont il réclame le remboursement dès lors que, en sa qualité de client, il a contracté l’obligation juridique de payer son représentant en justice sur une base convenue (mutatis mutandis, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas, no 38224/03, § 110, 31 mars 2009). Considérant par ailleurs qu’ils correspondaient à une nécessité et sont raisonnables quant à leur taux, la Cour alloue au requérant la somme de 3 450 EUR.

b) à l’égard de la Belgique

415. Le requérant demande le remboursement des frais pour sa défense devant les juridictions belges et devant la Cour. L’avocat du requérant a déposé à cet égard un « état de frais et d’honoraires » dans lequel les frais et dépens calculés au 15 mars 2010 atteignaient 7 680 EUR calculés sur la base d’un tarif horaire de 75 EUR. 1 605 EUR sont réclamés pour la procédure devant les juridictions belges et 6 075 EUR pour la procédure devant la Cour contre la Belgique.

416. Le gouvernement belge invite la Cour à rejeter cette demande. Il indique que le requérant avait droit à l’aide juridique gratuite et à l’assistance judiciaire pour les frais de justice. Il ne devrait donc avoir engagé aucun frais. Son avocat peut obtenir l’indemnisation des frais

engagés devant les juridictions belges ainsi que devant la Cour conformément aux dispositions relatives à l’aide juridique figurant dans le code judiciaire. Celui-ci prévoit un système de remboursement sous la forme d’attribution de « points » correspondant aux prestations effectuées par l’avocat. En 2010, un point correspondait à 26,91 EUR. Ce montant était de 23,25 EUR en 2009. Si ces dispositions ont été respectées, l’avocat devrait déjà avoir été autorisé à percevoir l’indemnité pour les frais engagés en 2009. Le Gouvernement indique également qu’en vertu de l’article 1022 du code judiciaire relatif à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat, toute partie qui perd son procès est tenue de payer tout ou partie des frais d’avocat de la partie adverse. Dans le cadre des procédures non évaluables en argent, l’indemnité est appréciée par les tribunaux. Dans l’hypothèse où l’aide juridique a été consentie et que l’indemnité de procédure est d’un montant supérieur, le Trésor peut récupérer les sommes versées au titre de l’aide juridique.

417. L’avocat du requérant confirme qu’il a été désigné comme avocat d’office par l’Etat belge mais seulement pour la défense du requérant devant le tribunal de première instance. A ce titre, il peut se voir attribuer « dix points ». Il dit n’avoir toutefois encore rien perçu au titre de l’aide juridique.

Pour les autres procédures, il a convenu avec le requérant que celui-ci procédera à un remboursement échelonné sur la base du tarif horaire précité dans l’hypothèse où il obtenait gain de cause devant la Cour. Cet engagement a été en partie honoré. Par ailleurs, selon le requérant, il n’y a aucun risque que l’Etat belge l’indemnise indûment car l’indemnité de procédure est déduite des indemnités dues dans le cadre de l’aide juridique.

Il s’ensuit d’une part que, si l’indemnité de procédure devait s’avérer supérieure, son avocat demanderait au bureau d’assistance judiciaire de mettre fin à l’aide octroyée et, d’autre part, que, si les frais et dépens accordés par la Cour devaient être supérieurs au montant de l’indemnité due dans le cadre de l’aide juridique, son avocat ne percevrait rien à ce titre.

418. Suivant la jurisprudence bien établie de la Cour, les frais et dépens ne peuvent donner lieu à remboursement au titre de l’article 41 de la Convention que s’il est établi qu’ils ont été réellement exposés, qu’ils correspondaient à une nécessité et qu’ils sont raisonnables quant à leur taux.

De surcroît, les frais de justice ne peuvent être recouvrés que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, parmi beaucoup d’autres, Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas, précité, § 109).

419. La Cour se penche premièrement sur les frais et dépens afférents aux procédures devant les juridictions internes. Elle remarque que le requérant ne ventile pas le montant demandé selon les procédures entamées, ce qui l’empêche de déterminer précisément les frais se rapportant aux violations constatées en l’espèce et dans quelle mesure ces frais ont été ou pourraient être couverts par l’aide juridique. En raison de ce manque de

clarté (voir, mutatis mutandis, Musiał c. Pologne [GC], no 24557/94, § 61, CEDH 1999-II), la Cour rejette ces prétentions.

420. Examinant ensuite les frais et honoraires afférents à la procédure devant elle contre la Belgique, la Cour rappelle qu’elle ne s’estime pas liée par les barèmes et pratiques internes, même si elle peut s’en inspirer (Venema c. Pays-Bas, no 35731/97, § 116, CEDH 2002-X). En tout état de cause, pour les mêmes motifs qu’à l’égard de la Grèce (paragraphe 414 ci-dessus), la Cour alloue au requérant la somme de 6 075 EUR.

c) à l’égard de Belgique et de la Grèce

421. Le requérant demande enfin le remboursement des frais et honoraires afférents à l’audience devant la Cour. Selon l’« état de frais et d’honoraires » déposé par l’avocat du requérant, ceux-ci sont évalués à 2 550 EUR pour la plaidoirie et sa préparation (tarif horaire de 75 EUR).

Sans justificatif, il demande également le remboursement des frais de déplacement et de logement de son avocat à Strasbourg à concurrence de 296,74 EUR.

422. Conformément à sa jurisprudence constante, la Cour rejette la partie de la demande qui n’est pas accompagnée des justificatifs nécessaires.

423. Pour le reste, estimant établi que les frais et dépens demandés correspondaient à une nécessité et considérant qu’ils sont raisonnables quant à leur taux, elle alloue au requérant la somme de 2 550 EUR. Eu égard à l’imputabilité des différentes violations de la Convention constatées par la Cour, la Belgique et la Grèce devront verser chacune la moitié de cette somme.