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Les arrêts Théberge et CCH : le test en deux étapes et la théorie des droits des

5. La révolution jurisprudentielle de l’utilisation équitable (2002 à nos jours)

5.1 Les arrêts Théberge et CCH : le test en deux étapes et la théorie des droits des

La première grande décision de cette époque est l’affaire Théberge, rendue par la Cour suprême en 2002431. Il s’agissait de déterminer si le transfert sur toile de reproductions papier des œuvres d’un peintre par des galeries d’art était une violation du droit d’auteur du peintre. Comme spécifié précédemment, la jurisprudence plaçait généralement les auteurs et leurs droits au centre de l’analyse. Or, dans cette affaire, la majorité a introduit « l’approche équilibrée » dans la jurisprudence moderne. En s’appuyant sur l’affaire Millar v Taylor432, le

429 Arouet, dit Voltaire, François-Marie, Dictionnaire philosophique, Paris, Flammarion, 2010 à la p 387 430 Il s’agit du langage utilisé par certains auteurs, notamment : Gendreau, « Les exceptions canadiennes en matière d’éducation », supra note 15 à la p 672.

431 Théberge, supra note 9.

432Le juge Binnie prétend que ce passage de Millar, supra note 228 à la p 218 est le premier exemple de cette analyse qui établirait, d’une part, la promotion, dans l’intérêt du public, de la création et de la diffusion des œuvres artistiques et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une juste récompense pour le créateur:

It is wise in any state, to encourage letters, and the painful researches of learned men. The easiest and most equal way of doing it, is, by securing to them the property of their own works […]

He who engages in a laborious work, (such, for instance, as Johnson’s Dictionary,) which may employ his whole life, will do it with more spirit, if, besides his own glory, he thinks it may be a provision for his family.

[Théberge, supra note 9 au para 30] L’auteur Myra Tawfik partage cette vision:

The idea of “balance” within copyright law is not a new concept nor is it the creation of “radical extremists’ or “pro-user zealots.” Rather, as the history of copyright law demonstrates, the entire legislative system required a balancing between the various interests in order to achieve its primary policy objective: that of fostering an environment for the generation, dissemination and acquisition of knowledge. The focus was not on pitting creators against

juge Binnie a annoncé cette approche, qui est depuis systématiquement appliquée lorsque l’on analyse l’utilisation équitable au Canada :

30 La Loi est généralement présentée comme établissant un équilibre entre, d’une part, la promotion, dans l’intérêt du public, de la création et de la diffusion des œuvres artistiques et intellectuelles et, d’autre part, l’obtention d’une juste récompense pour le créateur (ou, plus précisément, l’assurance que personne d’autre que le créateur ne pourra s’approprier les bénéfices qui pourraient être générés) […]

31 On atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale, dont ceux qui précèdent, non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l’importance qu’il convient à la nature limitée de ces droits.433 [notre soulignement]

Alors qu’il est vrai que cette approche existait dans la jurisprudence, il nous semble inexact de prétendre que la loi était généralement présentée à cette époque comme établissant un équilibre entre ces deux intérêts. Même si certains auteurs et praticiens étaient de cet avis434, la jurisprudence canadienne dominante, aussi peu fournie soit-elle, privilégiait dans les faits les droits des auteurs435. En ce sens, selon l’auteur de ce texte, l’adverbe « généralement »

n’est pas exact.

Cet arrêt n’a pas non plus fait consensus au sein de la cour : il s’agissait d’une décision 5-4 où la majorité, composée exclusivement de juges de tradition de common law, a infirmé un arrêt de la Cour d’appel du Québec. La dissidence, quant à elle, comprenait les juges L’Heureux-Dubé, Gonthier et LeBel, tous juges civilistes. Quoi qu’il en soit, l’approche dite équilibrée436 s’est imposée par la suite dans la jurisprudence et a préparé le terrain pour les décisions à venir, particulièrement en ce qui concerne le traitement accordé aux « droits des utilisateurs ». D’ailleurs, Meera Nair note ce qui suit:

industry or industry against users as we are wont to do in this modern era. Rather, the law reflected a tripartite, integrated system that encouraged creators to generate knowledge, industry to disseminate it and users to acquire it and, hopefully, reshape it into new knowledge. [Tawfik, supra note 48 aux pp 69‑ 70]

433 Théberge, supra note 9 aux paras 30‑ 31.

434 Voir John S McKeown, Fox Canadian Law of Copyright and Industrial Ddesigns, 3e éd, Scarborough, Carswell, 2000 à la p 3; Vaver, Copyright Law, supra note 361 à la p 171:

[…] the policy of copyright law has been to balance competing owner and user interests according to both contemporary exigences and transcendental imperatives such as free speech and free trade. Without a corresponding user benefit, an owner’s right may never have been enacted or retained in that form. User rights are not just loopholes. Both owner rights and user rights should therefore be given the fair and balanced reading that that befits remedial legislation.

435 Il suffit de se référer à la jurisprudence avant les années 2000 qui appliquant une analyse plus rigide restrictive de l’utilisation équitable : voir la section 4.1.3.

A 5-4 decision, these words might have passed into history as nothing more than a minor aberration from mainstream copyright thought. […] Yet, as the past decade has illustrated, Théberge marked the start of a shift in Canadian copyright policy […]437

Deux ans plus tard, cette transition a commencé à se concrétiser. En 2004, la Cour suprême du Canada a rendu une décision encore plus importante, car elle a annoncé formellement le droit des utilisateurs et a établi le test de l’utilisation équitable applicable. Il s’agit de l’affaire CCH438. Dans cette affaire, les intimées, CCH Canadienne Limitée, Thomson Canada Limitée et Canada Law Book Inc, ont intenté un recours contre l’appelant, le Barreau du Haut-Canada (aujourd’hui le Barreau de l'Ontario), pour violation du droit d’auteur. L’appelant assurait le fonctionnement de la Grande bibliothèque d’Osgoode Hall et offrait :

Un service de photocopie sur demande aux membres du Barreau et de la magistrature, et aux autres chercheurs autorisés. Les membres de son personnel remett[aient] sur place ou transmett[aiet] par la poste ou par télécopieur des copies d’ouvrages juridiques aux personnes qui en f[aisaient] la demande. La Grande bibliothèque met[ait] également des photocopieuses libre-service à la disposition des usagers.439

De ce fait, la question principale était de savoir si le Barreau a violé le droit d’auteur des intimées :

(1) En offrant le service de photocopie grâce auquel une seule copie d’un ouvrage des éditeurs est réalisée et transmise à un client sur demande ou ;

(2) En mettant à la disposition des usagers de la Grande bibliothèque des photocopieuses libre-service et des exemplaires des ouvrages des éditeurs.440

Pour répondre à cette question, il a notamment fallu déterminer si l’utilisation par le Barreau des ouvrages des intimées constituait une utilisation équitable441. Avant de procéder à l’analyse de cette sous-question et en tenant compte de l’approche équilibrée de l’affaire Théberge, la juge en chef McLachlin a annoncé ce qui suit :

[C]ependant, il est peut-être plus juste de considérer cette exception comme une partie intégrante de la Loi sur le droit d’auteur plutôt que comme un simple moyen de défense. Un acte visé par l’exception relative à l’utilisation équitable ne viole pas le droit d’auteur. À l’instar des autres exceptions que prévoit la Loi sur le droit d’auteur, cette exception correspond à un droit des utilisateurs. Pour maintenir un juste

437 Meera Nair, « Fairness of Use: Different Journeys » dans Geist, The Copyright Pentalogy, supra note 8 à la p 235.

438 CCH CSC, supra note 5. 439 Ibid au para 1.

440 Ibid au para 4.

441 Ibid au para 4 ; La cour a énuméré trois autres sous-questions, soit :

(1) Les ouvrages des éditeurs constituent-ils des « œuvres originales » protégées par le droit d’auteur ? (2) La Grande bibliothèque a-t-elle autorisé la violation du droit d’auteur en mettant à la disposition des

usagers des photocopieuses individuelles et des exemplaires des ouvrages des éditeurs?

équilibre entre les droits des titulaires du droit d’auteur et les intérêts des utilisateurs, il ne faut pas l’interpréter restrictivement. 442 [notre soulignement]

En d’autres termes, afin d’atteindre cet équilibre en droit d’auteur, la cour a établi cette dichotomie avec, d’un côté, les droits du détenteur du droit d'auteur et, de l'autre côté, le droit de l'utilisateur443. Comme l’a décrit la professeure Ysolde Gendreau, aux yeux de la Cour suprême : « [t]hey are of equal importance so that when one assesses exceptions, exceptions are not really exceptions. They are user's rights »444. Ainsi, l’utilisation équitable n’est pas, ou n’est plus, un simple moyen de défense à une violation, mais bien un droit d’utilisation positif sur l’œuvre445. De plus, la majorité indique qu’il ne faut pas interpréter restrictivement les fins de l’utilisation équitable446.

La Cour suprême a élaboré un test en deux étapes pour déterminer s’il s’agit d’une utilisation équitable. Ainsi, le défendeur doit prouver :

(1) Qu’il s’agit d’une utilisation aux fins d’étude privée ou de recherche ; (2) Qu’elle est équitable.447

Dans l’analyse de la première étape, la juge en chef McLachlin annonce, dans l’esprit de l’interprétation libérale, qu’il « faut interpréter le mot « recherche » de manière large afin que les droits des utilisateurs ne soient pas indûment restreints »448. Il ne se limite pas non plus à un contexte non commercial ou privé : l’avocat qui fait de la recherche dans le cadre de son travail bénéficie de la protection de l’article 29, même si cette recherche est faite à des fins lucratives.

Quant à la seconde étape, la juge McLachlin s’est appuyée sur la même analyse appliquée par le juge Linden en appel449 afin de savoir si une utilisation est équitable. En s’inspirant de l’arrêt anglais Hubbard v Vosper450, ainsi que de l’usage loyal, le juge Linden de la Cour d’appel fédérale avait énuméré les six facteurs suivants451 :

442 Ibid au para 48.

443 Ysolde Gendreau, « Canada and the Three-Step Test: A Step in which Direction? », (2011) 15 Marquette Intellectual Property Law Review 309 à la p 317.

444 Ibid.

445 Comme le note la Cour fédérale dans Université York, supra note 16 au para 251:

[251] Après l’arrêt Théberge, la Cour suprême du Canada a rendu la décision dans l’arrêt CCH. Comme la Cour suprême du Canada l’a clairement établi, l’« utilisation équitable » est un droit d’utilisateur positif et non simplement un moyen de défense à une violation. [notre soulignement]

446 CCH CSC, supra note 5 aux paras 48, 54. 447 Ibid au para 50.

448 Ibid au para 51.

449 Ibid au para 53 ; CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, 2002 CAF 187 [CCH CA]. 450 [1972] 2 QB 84 à la p 94 ; le Lord Denning indique notamment ce qui suit :

(1) Le but de l’utilisation : quel est le but ou le motif réel de l’utilisation de l’œuvre protégée ?452

(2) La nature de l’utilisation : de quelle manière l’œuvre a-t-elle été utilisée ?453

(3) L’ampleur de l’utilisation : quelle est l’ampleur de l’utilisation individuelle, et non globale ? S’agit-il d’une infime partie de l’œuvre ou pas ?454

(4) Les solutions de rechange à l’utilisation : existe-t-il, par exemple, un équivalent non protégé ?455

(5) La nature de l’œuvre : s’agit-il d’une œuvre publiée ou non publiée ? Confidentielle ou non confidentielle ? 456

(6) L’effet de l’utilisation sur l’œuvre : l’utilisation nuit-elle à l’œuvre ou y fait- elle concurrence ?457

Il faut également savoir qu’il n’y a aucune hiérarchie entre les facteurs. La seconde étape semble retranscrire substantiellement les mêmes facteurs se trouvant à l’article 107 de la Copyright Act458. Cela est assez étrange dans la mesure où la cour a déjà mis en garde contre

It is impossible to define what is “fair dealing.” It must be a question of degree. You must consider first the number and extent of the quotations and extracts. Are they altogether too many and too long to be fair? Then you must consider the use made of them. If they are used as a basis for comment, criticism or review, that may be fair dealing. If they are used to convey the same information as the author, for a rival purpose, that may be unfair. Next, you must consider the proportions. To take long extracts and attach short comments may be unfair. But, short extracts and long comments may be fair. Other considerations may come to mind also. But, after all is said and done, it must be a matter of impression. As with fair comment in the law of libel, so with fair dealing in the law of copyright. The tribunal of fact must decide. 451 CCH CA, supra note 449, au para 150; CCH CSC, supra note 5 aux paras 52‑ 53.

452 CCH CSC, supra note 5 au para 53. 453 Ibid au para 55.

454 Ibid au para 56. 455 Ibid au para 57. 456 Ibid au para 58 457 Ibid au para 59.

458 Copyright Act, supra note 4. Pour bien saisir les similarités, il faut comparer la version anglaise des facteurs à l’article 107 de la législation étatsunienne. Les étapes 1 et 2 reprennent l’article 107(1), la 3e étape reprend l’article 107(3), la 5e étape reprend l’article 107(2) et la 6e étape reprend l’article 107(4). Seule la 4e étape n’a pas d’équivalent :

Version anglaise des six facteurs L’article 107 de la Copyright Law of the United States

53 […] (1) the purpose of the dealing; (2) the character of the dealing; (3) the amount of the dealing; (4) alternatives to the dealing; (5) the nature of the work; and (6) the effect of the dealing on the work.

107 · Limitations on exclusive rights: Fair use […] (1) the purpose and character of the use, […] (2) the nature of the copyrighted work;

(3) the amount and substantiality of the portion used in relation to the copyrighted work as a whole; and (4) the effect of the use upon the potential market for or value of the copyrighted work.

l’application des idées du droit étatsunien459. La manière dont ces facteurs se sont traduits en droit canadien semble toutefois distincte, comme nous le verrons dans la section 6.2.

Avant d’appliquer le test en deux étapes, la Cour suprême a répondu à une question préliminaire : le Barreau est-il tenu de prouver que chacun des usagers utilise de manière équitable les ouvrages mis à sa disposition, ou peut-il s’appuyer sur sa pratique générale pour établir le caractère équitable de l’utilisation460? Elle a conclu que le Barreau pouvait s’appuyer sur sa pratique générale pour établir le caractère équitable de l’utilisation et n’avait pas à prouver que chaque utilisateur se servait des œuvres de manière équitable.

En appliquant l’analyse en deux étapes, le tribunal était d’avis que l’utilisation était équitable. Quant à la première étape, soit l’identification de la fin de l’utilisation, le tribunal a conclu que le service de photocopie du Barreau était offert aux fins de recherche, soit l’un des cas de figure énumérés à l’article 29 :

[…] le Barreau ne tire aucun bénéfice de ce service. Le service de photocopie du Barreau contribue simplement à faire en sorte que les juristes de l’Ontario aient accès aux ouvrages nécessaires à la recherche que demande l’exercice du droit. En somme, ce service fait partie intégrante du processus de recherche juridique, et la fin qui le sous-tend est conforme à l’art. 29 de la Loi sur le droit d’auteur.461 [notre

soulignement]

En ce qui concerne la seconde étape, la cour a jugé la politique équitable. Premièrement, le but est équitable : la personne demandant une copie doit préciser à quelle fin elle la destine. En cas de doute, les bibliothécaires doivent décider si l’utilisation est équitable. Encore une fois, le tribunal prône ici une interprétation libérale : « il ne faut pas interpréter ces fins restrictivement, sinon les droits des utilisateurs pourraient être indûment restreints »462.

Deuxièmement, la nature est également équitable : une seule copie a été fournie au demandeur. Par ailleurs, si la copie, après son utilisation, est détruite comme prévu, il s’agit d’une utilisation équitable. Le tribunal s’est référé à l’affaire britannique Sillitoe v McGraw- Hill Book Co (UK) où la cour a examiné les pratiques courantes dans le milieu de production

459 La Cour suprême annonce notamment dans l’affaire SOCAN c Bell, supra note 6 au para 25:

[25] Or, même s’il s’agissait d’une exigence en droit américain, notre Cour a déjà mis en garde contre l’importation automatique, dans l’arène canadienne, de la jurisprudence fondée sur la conception américaine du droit d’auteur, car nos lois respectives sont « fondamentalement différentes » : Compo Co. c. Blue Crest Music Inc., [1980] 1 R.C.S. 357, p. 367. La mise en garde trouve écho dans le contexte de l’utilisation équitable.

460 CCH CSC, supra note 5 au para 64. 461 Ibid au para 63.

d’ouvrages de critique littéraire afin de conclure que les notes d’étude ne constituaient pas une utilisation équitable aux fins de critique463.

Troisièmement, l’ampleur est équitable : la Politique d’accès indique que la Grande bibliothèque porte une attention particulière à ce que l’ampleur de l’utilisation des œuvres protégées par le droit d’auteur reste raisonnable. De plus, toute demande dépassant cinq pour cent d’une source secondaire est soumise à l’approbation d’un bibliothécaire de référence.

Quatrièmement, il n’y a pas de solution de rechange selon la cour, car vingt pour cent des demandeurs n’habitent pas la région de Toronto. De plus, la cour note ce qui suit :

[…] comme la collection juridique de la Grande bibliothèque fait l’objet d’une forte demande, les chercheurs ne sont pas autorisés à emprunter des ouvrages. Si les chercheurs ne pouvaient obtenir de photocopies des ouvrages ou les photocopier eux- mêmes, ils seraient contraints d’effectuer la totalité de leurs recherches à la Grande bibliothèque et d’y prendre des notes, ce qui ne paraît pas raisonnable compte tenu de l’ampleur de la recherche que requièrent souvent les sujets juridiques complexes.464

La Cour suprême a jugé que la possibilité d’obtenir une licence n’était pas pertinente ; aux yeux de la cour, une telle approche compromettrait l’équilibre entre les droits du titulaire et les intérêts de l’utilisateur :

Un acte visé par l’exception au titre de l’utilisation équitable ne violera pas le droit d’auteur. Si, comme preuve du caractère inéquitable de l’utilisation, le titulaire du droit d’auteur ayant la faculté d’octroyer une licence pour l’utilisation de son œuvre pouvait invoquer la décision d’une personne de ne pas obtenir une telle licence, il en résulterait un accroissement de son monopole sur l’œuvre qui serait incompatible avec l’équilibre qu’établit la Loi sur le droit d’auteurentre les droits du titulaire et les intérêts de l’utilisateur.465

Cinquièmement, la nature de l’œuvre est équitable, car « une demande ne sera acceptée que si l’usager compte utiliser l’œuvre aux fins de recherche, d’étude privée, de critique ou de compte-rendu, ou encore pour les besoins d’une instance judiciaire » 466 . En se référant à une autre affaire britannique, Beloff v Pressdram Ltd467, la cour indique que si l’œuvre est confidentielle, il pourrait s’agir d’une utilisation inéquitable ; l’utilisation d’une œuvre non publiée, mais pas forcément confidentielle, a tendance à être plus équitable, car la reproduction de l’œuvre accompagnée d’une indication de la source pourrait davantage la diffuser.

463[1983] FSR 545 (ChD) [Sillitoe]. 464 CCH CSC, supra note 5 au para 69. 465 Ibid au para 71.

466 Ibid.

Finalement, la concurrence que la reproduction est susceptible d’exercer sur le marché de l’œuvre originale peut laisser croire que l’utilisation n’est pas équitable. Or, aucune preuve n’a été soumise afin d’établir que les copies avaient un impact sur la vente des ouvrages. De plus, la cour note que « les éditeurs ont continué à produire de nouveaux recueils et de nouvelles publications juridiques pendant que le service de photocopie était offert »468.

Cette décision a provoqué une onde de choc dans le milieu juridique, particulièrement en raison des « droits des utilisateurs » et du test en deux étapes, ne laissant personne indifférent. Par ailleurs, de nombreux académiques étaient fort satisfaits. Certains l’ont décrite avec enthousiasme comme un « fundamental shift in the way Canadian copyright law