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CHAPITRE 1 : L’AUDITION, LES SONS ET LA VOIX

3.4 Le traitement cérébral de la voix

3.4.3 Autres arguments en faveur de la TVA

Tout d’abord, les enfants sont une population d’étude très intéressante pour connaître la mise en place de la perception et de la cognition. De nombreuses études ont déjà montré que les bébés, à la naissance, avant même de savoir parler donc, reconnaissaient et préféraient, d’un point de vue attentionnel, les voix appartenant à leurs père et mère (DeCasper & Fifer, 1980; Fifer & Moon, 1994; Kisilevsky et al., 2003; Ockleford, Vince, Layton, & Reader, 1988). La voix semble donc déjà

bénéficier d’un traitement particulier très tôt dans le développement humain. Des auteurs, dans une étude utilisant l’électroencéphalographie (EEG), ont montré que chez des enfants de 4 ans, en réponse à des stimuli vocaux par rapport à des stimuli non vocaux, on observait également une réponse fronto-temporale positive, spécifique à la voix, comme l’avait montré Charest et al. en 2009 (Rogier, Roux, Belin, Bonnet-Brilhault, & Bruneau, 2010). Cette étude suggérait donc que dès 4 ans, le traitement cérébral de la voix était similaire à celui qui avait été observé chez les adultes par Charest et al.. D’autre études se sont intéressé à ce qu’il ce passait chez les enfants d’âge inférieur et particulièrement chez les nouveau-nés. En 2010, Grossmann et al., ont utilisé une technique non invasive, mesurant indirectement l’activité des neurones, en quantifiant la façon dont le tissu cérébral absorbait différentes ondes lumineuses, la NIRS, pour near infrared spectrscopy (Grossmann, Oberecker, Koch, & Friederici, 2010). Les auteurs ont pu montrer au travers d’une première expérience que des enfants de 7 mois, contrairement à des enfants de 4 mois, avaient une plus grande réponse à la voix qu’aux autres sons, dans la partie postérieure du lobe temporal bilatéral. Dans une seconde expérience chez les enfants de 7 mois, l’écoute de prosodie émotionnelle (colère ou joie) activait spécifiquement deux régions de l’hémisphère droit ; la même région du cortex temporal postérieur que lors de la première expérience, et une région du cortex préfrontal inférieur. Cette étude, permet donc de dire que dès 7 mois, un traitement cérébral spécifique à la voix existe dans les régions temporales. Le contraste avec les enfants de 4 mois laisse entendre que la période de 4 à 7 mois après la naissance est critique pour le développement du traitement de la voix. De plus, les résultats de cette étude montrent également que le pattern de sensibilité de la voix observé chez les enfants est relativement comparable à celui observé chez les adultes, bien qu’il soit plus postérieur chez les enfants, suggérant que les parties antérieures ne sont pas encore sensibles à la voix 7 mois après la naissance.

Ensuite, un autre argument en faveur de l’existence d’une aire spécifique à la voix provient des études chez l’animal. La question de savoir quel traitement cérébral, spécifique ou non, était accordé aux vocalisations conspécifiques, chez l’animal, et notamment le primate, a intéressé plusieurs auteurs. Plusieurs études se sont intéressées aux réponses du cerveau du primate aux communications verbales de ses congénères (Romanski, Averbeck, & Diltz, 2005; Romanski & Goldman-Rakic, 2002; Wang, 2000; Wang & Kadia, 2001; Winter & Funkenstein, 1973). Une première étude a suggéré l’existence de neurones « détecteur de cris » chez le singe écureuil, bien que ces résultats aient été discutés par la suite (Winter & Funkenstein, 1973). En 2008, Petkov et al. ont mené une étude en IRMf chez le singe rhésus et ont établi l’existence de régions neuronales dédiées au traitement de la voix de leurs congénères. Pour cela, les auteurs avaient comparé les activations des régions auditives en fonction de différents types de stimuli acoustiques (bruits environnementaux, vocalisations émises par des singes de l’espèce rhésus, vocalisations provenant d’autres espèces). Les résultats montraient que deux régions s’activaient sélectivement en réponse aux vocalisations spécifiques de l’espèce rhésus ; une première région était située dans le sillon latéral bilatéral, en continuité avec le cortex auditif primaire et une autre région plus antérieure,

latéralisée à droite. L’existence chez le singe d’une aire cérébrale impliquée sélectivement dans le traitement des vocalisations de ses congénères constitue un argument fort en faveur de son existence chez l’homme. De plus, cela plaide en faveur d’une fonctionnalité indépendante de celle du langage, qui pourrait préexister au développement du langage.

Enfin, un dernier argument venant confirmer l’idée d’une aire spécifique à la voix humaine est l’étude des troubles de la communication vocale affective, tels que l’autisme. Ces troubles peuvent aussi être caractérisés comme des déficiences du traitement cérébral de la voix. Dans une revue de la littérature de 2008, Redcay recense plusieurs arguments en faveur d’un lien entre le déficit de la perception sociale observé dans l’autisme et le dysfonctionnement du STS (Redcay, 2008). Pour l’auteur, bien que le dysfonctionnement du STS ne puisse évidemment pas expliquer à lui seul le tableau clinique de l’autisme, les arguments en faveur de ce lien sont d’ordres anatomiques d’une part et fonctionnels d’autre part. Sur le plan anatomique, différentes études ont déjà montré que chez les enfants autistes on pouvait observer un élargissement de la matière grise dans les lobes temporaux aux alentours de 2 à 4 ans (Carper, Moses, Tigue, & Courchesne, 2002), ainsi qu’une diminution de la densité de cette matière dans les STS bilatéraux (Boddaert et al., 2004). De plus, une étude a permis de corréler significativement cette diminution de densité du STS avec les symptômes autistiques (Hadjikhani, Joseph, Snyder, & Tager-Flusberg, 2006). D’autres études ont également montré une hypoperfusion bilatérale du STS et du STG (Gyrus Temporal Supérieur), qui serait corrélée, pour l’hémisphère gauche au degré de sévérité de l’autisme (Gendry Meresse et al., 2005; Ohnishi et al., 2000; Zilbovicius et al., 2000). Sur le plan fonctionnel, de nombreuses études ont pu montrer un lien entre l’activité du STS et le traitement du mouvement et particulièrement l’intention du regard (pour revue voir Redcay, 2008). Au niveau auditif, des auteurs ont montré que durant une tâche passive d’écoute de sons du langage, l’activité du lobe temporal était significativement réduite chez les patients autistes par rapport à des sujets contrôles. Plus récemment, Gervais et al. ont montré dans une étude utilisant l’IRMf, que des patients autistes ne pouvaient pas activer la TVA localisée dans le STS en réponse à des stimuli vocaux, alors qu’ils présentaient un pattern d’activation normal pour des sons non-vocaux (Gervais et al., 2004). Les auteurs concluaient à un traitement cortical anormal des informations auditives sociales chez ces patients.

En résumé, depuis que la TVA a été mise en évidence chez l’homme sain, des études sur d’autres thèmes sont venues corréler la fonctionnalité de cette aire. Il est maintenant bien établi qu’elle s’active spécifiquement en réponse à des stimuli vocaux, langagiers ou non, et que son rôle dans la discrimination et la reconnaissance des voix, ainsi que dans la perception d’informations paralinguistiques est primordial.

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