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1. CONTENU DES ARTICLES SELON LEUR POSITIONNEMENT DANS LES

1.1 Arguments défavorables et arguments favorables soulevés

En analysant les arguments que les articles classés défavorables présentent, il est possible de constater dans le tableau 6 que l’argument le plus récurrent (dans 15 textes) tient au fait que l’introduction de nouveaux contenus en lien avec l’éducation à la citoyenneté a pour conséquence l’abandon de certains pans de l’histoire enseignée auparavant : « Le cours d’histoire a été remplacé par un cours d’éducation à la citoyenneté ou des pans entier de notre histoire ont été évacués » (art. 30) 18. Cette éducation à la citoyenneté viendrait alors transformer l’enseignement de l’histoire politique et nationale, associée aux anciens programmes, en une « nouvelle histoire », centrée sur les structures sociales » (art. 17). Pour certaines personnes, cette orientation contribuerait à dénaturer l’histoire : « faire l’expérience du dénigrement de sa propre histoire, de surcroît censurée, c’est ressentir dans sa chair la perte de sens qui construit la citoyenneté. […] Censurer l’histoire, c’est diviser, c’est

18 Les nombres inscrits comme référence entre parenthèses renvoient aux numéros des articles recensés

l’incompréhension » (art. 26). Les cours d’histoire seraient ainsi transformés « en sentences de morale où l’objectif n’est pas de former les jeunes, mais de les formater, de leur inculquer la bonne pensée par les exemples tirés du passé » (art. 9). Une tension s’exercerait alors entre les finalités disciplinaires de l’histoire et les finalités extrascolaires découlant des visées de l’éducation à la citoyenneté.

Tableau 6

Arguments associés aux positionnements défavorables et favorables quant à l’arrimage entre histoire et éducation à la citoyenneté

Défavorables Favorables Ar gu m en ts

 Critique des contenus historiques retranchés pour faire place aux visées de l’EC (n =15)

 L’HST est au service de l’EC (n = 10)

 Disciplines distinctes (n = 5)  Flou conceptuel (n = 4)  Surcharge de travail pour les

enseignants et surcharge cognitive pour les élèves (n = 3)

 EC implicite dans la discipline scolaire de l’HST (n = 7)  EC enrichit le contenu des

programmes d’HST (passé-présent) (n = 3)

 HST essentielle au développement des compétences citoyennes (EC) (n = 3)

Le deuxième argument le plus récurrent (n = 10) est celui qui dénonce la subordination de l’histoire à l’éducation à la citoyenneté. La transformation des contenus historiques devant répondre aux visées de l’éducation à la citoyenneté imposerait une histoire désormais au service de cette éducation à la citoyenneté. Des auteurs expliquent que la fonction de l’histoire est ainsi détournée au profit de l’éducation à la citoyenneté. « Mais l’histoire recèle en elle-même des vertus d’ouverture et de dépaysement suffisamment riches pour réclamer qu’on lui reconnaisse intrinsèquement, en tant que discipline autonome, ses lettres de noblesse » (art. 25). Il y aurait ainsi une dérive des finalités propres à l’histoire.

La distinction disciplinaire est aussi l’un des arguments utilisés dans certains articles (n = 5) pour dénoncer l’arrimage entre histoire et éducation à la citoyenneté. Les auteurs de ces publications postulent que l’histoire et l’éducation à la citoyenneté renvoient à des finalités différentes et donc, à des disciplines distinctes. Relevant de deux disciplines, l’enseignement de l’histoire arrimée à une éducation à la citoyenneté entraînerait conséquemment une augmentation de la tâche enseignante, déjà surchargée, ce qui aurait pour effet ultime de surcharger cognitivement les élèves.

D’autres articles (n = 4) viennent critiquer l’absence d’indicateurs clairs dans les programmes, allant parfois jusqu’à souligner la présence d’un flou conceptuel en ce qui a trait au concept de citoyenneté. En référence à des facteurs externes à la discipline de l’histoire, un auteur s’interroge, par exemple sur « l’histoire de qui, de quoi et l’éducation à la citoyenneté de qui? […] Le ministère ne s’est jamais vraiment justifié sur toute cette question, qui a toujours été une patate chaude au titre de l’enseignement de l’histoire » (art. 16).

En ce qui a trait aux arguments associés à un positionnement favorable, 7 articles mettent en évidence le fait que l’éducation à la citoyenneté serait de toutes façons implicite, voire complémentaire, à l’enseignement de l’histoire. L’histoire serait donc naturellement porteuse d’éducation à la citoyenneté, car elle

doit permettre de bien outiller les élèves sur les plans de leur développement cognitif et de leur esprit critique, de même que les préparer adéquatement à une participation aux choix de société et à un engagement réfléchi et articulé dans les multiples débats et enjeux qui ont agité et agitent encore la société québécoise (art. 53).

Dans le même ordre d’idées, d’autres articles soulignent que l’éducation à la citoyenneté est associée à l’histoire depuis la publication des tout premiers programmes d’histoire au Québec : « L’enseignement de l’histoire à l’école a toujours eu cette fonction » (art. 21) et « Dès 1905[,] le programme d’histoire entendait servir à la formation du « bon citoyen » (art. 41).

L’aller-retour fréquent entre le passé et le présent que permettrait l’éducation à la citoyenneté, lorsqu’arrimée à l’histoire, est aussi un argument tenu dans trois articles. Cet aller-retour permettrait l’enrichissement des contenus historiques et non pas, comme le soutiennent les dénonciateurs de l’arrimage, une épuration de ce contenu (Ibid.). Dans trois autres articles, l’argument tient au rôle essentiel que joue l’histoire dans le développement des compétences citoyennes, qui constituent en elles-mêmes les objectifs de l’éducation à la citoyenneté. L’histoire politique et nationale enseignée jusqu’à maintenant devrait ainsi faire place à une histoire sociale permettant aux jeunes de comprendre la société dans laquelle ils vivent et deviendront actifs, « car l’école forme pour la vie. On estime donc qu’il est plus utile d’enseigner aujourd’hui des savoirs durables, parce que réutilisables, que de simples connaissances factuelles bientôt dépassées » (Ibid.). On renchérit notamment sur la question : « L’histoire joue un rôle fondamental, dans cette préparation à exercer le rôle de citoyen » (art. 3). Elle est donc propice à l’exercice de la citoyenneté.