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0.2 Les différentes classes de substitution nucléophile aromatique

0.2.1.4 S N Ar assistée par des métaux de transition

Il est question ici du cas où l’halogénure d’aryle n’est pas substitué par un groupement électro-attracteur et pour lequel le milieu réactionnel ne contient pas de base capable de générer un o-aryne ou d’initiateur de radicaux aromatiques. La réaction entre un nucléophile et un tel halogénure d’aryle non substitué peut être assistée par la présence d’une quantité stœchiométrique ou catalytique d’un métal de transition, alors qu’aucune réaction ne pourrait avoir lieu en absence de métal (Schéma 15). Le rôle du métal de transition est d’activer l’halogénure d’aryle pour le rendre réactif vis-à-vis de l’attaque du nucléophile. Le mode d’activation varie généralement en fonction du métal.

Schéma 15. Réaction générale de SNAr assistée par des métaux de transition

Le premier métal de transition à avoir été employé pour réaliser ce type de SNAr est le

cuivre. Au début du 20e siècle, Ullmann a décrit la réaction d’homo-couplage du 1-bromo-

2-nitrobenzène en présence d’une quantité stœchiométrique de cuivre métallique à une température très élevée pour donner le biaryle correspondant.55 Bien que la réaction

d’Ullmann soit connue pour donner des rendements erratiques, sa découverte a ouvert la voie à un très large champ de recherche. Ullmann a décrit les réactions d’halogénures d’aryles avec des amines et des phénols (condensations d’Ullmann)56 assistées par du

cuivre métallique, alors que Goldberg a décrit l’arylation d’amides et de carbamates (condensations de Goldberg).57 Hurtley a été le premier à réaliser les réactions entre des bromures d’aryles et des composés à méthylène activé (substitué par deux GEAs),58 alors que Rosenmund et von Braun ont décrit les réactions d’arylation de l’anion cyanure.59

X Nu + Nu + X Métal M = Cu, Pd, etc.

Depuis ces découvertes fondamentales sur de nouveaux procédés de création de liaisons C−N, C–O et C–C assistés par le cuivre, l’étendue des condensations d’Ullmann a été grandement améliorée, surtout à partir de 2001.60 Ce faisant, les conditions expérimentales

employées de nos jours, beaucoup plus douces et fiables que celles originalement utilisées, font appel à des ligands oxygénés (β-dicétones) ou azotés (diamines, bipyridines) pour le cuivre, principalement de type bidentate (Schéma 16). Parmi les nucléophiles qu’il est possible de faire réagir avec des halogénures d’aryles, notons les β-dicétones, les cyanures, les alcools, les phénols, les amines primaires et secondaires, les amides, les anilines et les azoles.61 Récemment, des conditions permettant de réaliser des réactions d’échange d’halogènes sur des halogénures d’aryles ont même été décrites (réactions de type Finkelstein).62 Néanmoins, les mécanismes réactionnels des condensations d’Ullmann

demeurent imparfaitement compris, malgré plusieurs avancées récentes. Les résultats les plus plausibles montrent que des étapes d’addition oxydante et d’élimination réductrice, mieux connues pour la chimie des organopalladiums (voir ci-bas), sont probablements impliquées,63 bien qu’il soit probable que les mécanismes soient variables en fonction des

substrats, des catalyseurs et des ligands employés.64

Schéma 16. Condensations d’Ullmann modifiées : arylation de nucléophiles catalysée par

une association de sels de cuivre et de ligands appropriés

En 2007, Bolm a décrit l’utilisation du fer en tant que métal pouvant assister la SNAr. La

première réaction qu’il a réalisée est l’amination d’iodures d’aryles (et de quelques bromures) par des nucléophiles azotés tels que des pyrazoles, des indoles, des lactames et des benzamides.65 L’année suivante, Bolm a publié une série de protocoles permettant la

N N N N N H O OH N N Ph PPh2 O O N N H H X NuH + Nu + CuI ou Cu II (cat.) Ligand (cat.) Base Base HX

création de liaisons C–N,66 C–O,67 C–S 68 et même C–C (réaction de Sonogashira).69 Le

système catalytique le plus efficace était invariablement constitué de FeCl3 et d’un ligand

β-dicétone (TMHD) pour les réactions de formation de liaisons C–O ou diamine (DMEDA) pour les réactions de formation de liaisons C–N, C–S et C–C. Par contre, Bolm et Buchwald ont publié en 2009 une correspondance impliquant très fortement que des traces de cuivre présentes dans le FeCl3 étaient à l’origine de la catalyse de la réaction.70 Une

étude mécanistique publiée subséquemment suggère même qu’il est hautement improbable que les condensations d’Ullmann modifiées puissent être catalysées par le fer.71

En plus du cuivre, il est possible d’utiliser le palladium comme métal de transition permettant la SNAr de divers nucléophiles hétéroatomiques (principalement à base

d’oxygène, d’azote et de soufre) avec des halogénures d’aryles, cela faisant suite à l’utilisation originale du palladium pour la réaction de Mizoroki-Heck, une réaction majeure de création de liaisons C–C.72 En 1978, Migita a décrit le premier protocole pour

les réactions de thiols aliphatiques et aromatiques avec des halogénures d’aryles par catalyse au Pd(PPh3)4.73 En 1983, le même auteur a réalisé l’amination de bromures

d’aryles en employant des aminostannanes sous catalyse au palladium.74 L’étendue de cette

réaction de création de liaisons C–N a été améliorée en 1994 de façon indépendante par Buchwald et Hartwig,75 et l’ajout d’une base inorganique a ensuite permis l’utilisation

d’amines libres au lieu d’aminostannanes (Schéma 17).76

Schéma 17. Premiers développements de la réaction de Buchwald-Hartwig : arylation

d’amines en présence de bases inorganiques

O NH + Br [PdCl2(P(o-tolyl)3)2] (2 mol %) (1,2 équiv.) t-BuONa (1,4 équiv.) Toluène, 100 oC, 3 h O N Buchwald Hartwig NH + Br OMe [PdCl2(P(o-tolyl)3)2] (5 mol %) (1,5 équiv.)

((CH3)3Si)2NLi (1,2 équiv.)

Toluène, 100 oC, 2 h N OMe

86%

La réaction de Buchwald-Hartwig a par la suite été appliquée à la formation de liaisons C−O.77 Le mécanisme de cette réaction pallado-catalysée de substitution

d’halogénures par des nucléophiles hétéroatomiques a été étudié en détails et est bien compris. Par exemple, pour l’arylation d’amines (Schéma 18),76b un sel de PdII est d’abord

réduit en Pd0 pour ensuite subir une addition oxydante par réaction avec un halogénure

d’aryle. Après l’addition d’une amine suivie d’une réaction acido-basique, le complexe de PdII subit une réaction d’élimination réductrice, de façon à créer une liaison C–N et à

régénérer le catalyseur de Pd0.

Schéma 18. Mécanisme de la réaction de Buchwald-Hartwig

D’autres métaux peuvent également être employés,78 par exemple le manganèse, le

rhodium et le nickel, bien que ce métal soit plus fréquemment employé pour des réactions de SNAr par activation et clivage de liaisons C–O (dérivés de phénols; substituants alkyl et

aryl éthers, pivalates et sulfamates en particulier) au lieu d’halogénures d’aryles.79 Les

réactions de SNAr employant des métaux de transition sont aujourd’hui de loin les plus

répandues pour la création de liaisons entre des nucléophiles hétéroatomiques et des halogénures d’aryles, et la popularité de cette méthodologie est en progression constante.

Addition de l'amine Addition oxydante Pd0Ln PdII Ar PdLnII Ln Ar X HNR2 PdII Ar X Ln N R Réaction acido-basique Élimination réductrice PdII B B HX Ar NR2 X Ar NR R R H

Les réactions de SNAr nécessitant des métaux de transition seront détaillées dans tous les

chapitres de cette thèse. Elles seront vues au chapitre 1 avec un intérêt marqué pour la synthèse de diaryléthers et d’hétérocycles azotés N-arylés, au chapitre 2 pour la synthèse d’α-arylcétones et de cétones β,γ-insaturées et enfin au chapitre 3, cette fois sous l’angle de la synthèse de biaryles dissymétriques.

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