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Approches thérapeutiques en immuno-oncologie

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

1.2 Immuno-oncologie

1.2.3 Approches thérapeutiques en immuno-oncologie

L’étude des différents acteurs du SI dans la biologie tumorale a permis l’émergence dans la dernière décennie de différentes approches thérapeutiques afin de moduler la réponse immunitaire intrinsèque. Qu’il s’agisse de potentialiser une réponse existante, d’éliminer les facteurs inhibant la réponse ou d’induire une réponse immunitaire anti-tumorale de novo, le domaine de l’immuno-oncologie regorge aujourd’hui de solutions innovantes à la problématique du cancer.

1.2.3.1 Anticorps thérapeutiques

L’utilisation d’anticorps monoclonaux (mAbs) purifiés spécifiques à des cibles associées au cancer permet de favoriser une réponse très spécifique au site d’intérêt. Certains anticorps dits « nus » permettent une reconnaissance et une élimination des cellules cibles par un processus d’opsonisation, soit l’enrobage de la cible par des anticorps, et de cytotoxicité cellulaire dépendante d’anticorps (ADCC). Ce mécanisme décrit l’activation de cellules effectrices cytotoxiques par la présence d’anticorps sur la cible menant à la lyse de celle-ci grâce à des récepteurs activateurs des régions Fc des anticorps. Cette réponse cellulaire n’implique donc pas de cellules T effectrices spécifiques à la cible. Par exemple, trastuzumab (Herceptin®)

est dirigé contre HER2 exprimé par certains cancers du sein et de l’estomac, bloque l’action de la protéine et favorise l’ADCC par les cellules NK et les macrophages. D’autres mAbs sont utilisés pour l’administration ciblée de composés cytotoxiques conjugués à l’anticorps. Des anticorps radiotraceurs comme Ibritumomab tiuxetan (Zevalin®), dirigé contre CD20, sont

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couplés à des éléments radioactifs permettant l’administration très localisée de radiothérapie. D’autres anticorps sont couplés à des agents chimiothérapeutiques puissants et permettent une administration très spécifique de composés autrement trop toxiques pour être administrés systémiquement (ex. le composé MMAE de l’anticorps thérapeutique Brentuximab vedotin) [261]. Des anticorps bispécifiques monoclonaux ou synthétiques sont aussi utilisés pour favoriser le recrutement et l’activation de cellules effectrices, notamment les CTL, aux sites tumoraux grâce à une double spécificité : un segment liant la cellule effectrice et un second liant la cellule cible grâce à un épitope tumoral spécifique. La présence d’un fragment Fc sur l’anticorps monoclonal peut aussi mener à une réaction ADCC. Des exemples de cette approche sont le Catumaxomab, un anticorps monoclonal dirigé contre EpCAM pour le traitement d’ascites malins lors de cancers métastatiques [262] et les Bi-specific T-cell engager (BiTEs) synthétiques dépourvus de fragment Fc comme le Blinatunomab dirigé contre CD19 utilisé dans les lymphomes non-Hodgkiniens ou les leucémies lymphoblastiques aigues de type B [263].

1.2.3.2 Inhibiteurs de point de contrôle

Parmi les meilleurs exemples d’approches immunothérapeutiques contre le cancer on retrouve les inhibiteurs de point de contrôle des cellules T : anti-CTLA-4 (Ipilimumab, tremelimumab), anti-PD-1 (nivolumab, prembrolizumab, cemiplimab) et anti-PD-L1 (Durvalumab, atezolizumab, avelumab). Ces traitements emploient des anticorps bloquants leurs récepteurs respectifs afin d’empêcher leur activation sur les cellules T. En inhibant les récepteurs co-inhibiteurs de la réponse T, les CTL sont ainsi réactivés contre leurs cibles respectives. Les anti-CTLA-4 agissent principalement en éliminant les Treg et en favorisant l’initiation de la réponse immunitaire via les TH. Ces effets étant peu spécifiques au MET, les

anti-CTLA-4 ont potentiellement des effets secondaires importants, notamment en favorisant des réactions auto-immunes [264]. De leur côté, les thérapies anti-PD-1/PD-L1 potentialisent la réaction cytotoxique des CTL contre leur cible et empêchent l’inhibition de cette réponse par le récepteur co-inhibiteur PD-1 à la surface des CTL. Or, encore une fois, puisque l’axe PD-1/PD- L1 est impliqué dans d’autres processus de répression immunitaire que la réponse anti-tumorale, des effets secondaires importants peuvent être observés chez certains patients, mais ceux-ci sont généralement moins fréquents qu’avec un traitement anti-CTLA-4 [264, 265]. Finalement, ces

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traitements étant rarement complètement efficaces en eux-mêmes leur combinaison entre eux ou avec d’autres thérapies – immunitaires ou non – est souvent synergique et représente une approche importante en immunothérapie du cancer [264, 266, 267].

1.2.3.3 Récepteurs d’antigènes chimériques (CAR)

Élaborés pour la première fois en 1989 par Gross et al. [268] les récepteurs d’antigènes chimériques (CAR) sont composés d’un domaine de liaison extracellulaire, d’un domaine transmembranaire et d’un domaine d’activation intracellulaire. Le domaine extracellulaire est composé d’un fragment variable en simple chaîne (scFv) d’un anticorps spécifique à un antigène d’intérêt. Le domaine intracellulaire inspiré du TCR permet la transduction du signal d’activation et est la section ayant le plus évolué dans les 30 dernières années suivant la première génération pour former les CAR de 2e, 3e et maintenant 4e génération [269]. Le domaine de

signalisation intracellulaire CD3ζ est commun à toutes les générations. Ces dernières se distinguent par l’ajout de domaines coactivateurs au fil du temps : CD28 ou 4-1BB pour la 2e

génération, une combinaison de 2 domaines coactivateurs (ex. CD28-41BB ou CD28-OX40) pour la 3e génération et un domaine coactivateur et l’activation de transgènes inductibles – pour

la sécrétion de cytokines ou de signaux co-stimulateurs – pour la 4e génération. En introduisant

le transgène pour cette protéine chimérique dans des cellules effectrices (CTL ou NK), il est possible de diriger une réponse immunitaire ciblée contre un antigène tumoral à l’aide du scFv spécifique indépendamment de sa présentation sur le MHC. L’identification d’antigènes tumoraux spécifiques demeure l’étape limitante de l’utilisation de CAR du fait de leur rareté et de la plasticité tumorale. Des approches de combinaison de CAR permettent toutefois d’augmenter la spécificité de la réponse en requérant la présence de 2 signaux complémentaires ou en inhibant la réponse en présence d’un signal indésirable [270]. Parmi les effets secondaires ayant été observés pour ce type d’approche, on dénote entre autres des syndromes de relargage de cytokines dus à l’hyperprolifération et à l’activité des cellules infusées et des syndromes de lyse tumorale lorsque le taux de mort cellulaire est trop important. En juin 2019, on dénombrait 290 essais cliniques en recrutement, en cours ou complétés sur https://clinicaltrials.gov pour un vaste éventail de cancers liquides et solides.

60 1.2.3.4 Vaccination thérapeutique

Finalement, une autre approche de potentialisation de la réponse immunitaire anti- tumorale est la vaccination thérapeutique. Cette approche vise à favoriser ou à induire l’activation d’une réponse immunitaire adaptative spécifique aux antigènes tumoraux. Plusieurs méthodologies de vaccination sont étudiées à cette fin (Figure 1.12).

Figure 1.12 Différentes méthodologies de vaccination thérapeutique contre le cancer Tiré de Hu et al. [271]

Toutes les approches manipulent l’axe antigène tumoral / présentation par les DC / activation des lymphocytes T effecteurs et mémoire afin d’obtenir une réponse spécifique, puissante et durable. Le produit de vaccination peut ainsi varier grandement d’un protocole à l’autre : virus oncolytiques (pour une vaccination in situ), antigènes tumoraux purifiés, DC chargées d’antigènes tumoraux, cellules T antigène-spécifiques préactivées in vitro.

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L’utilisation d’adjuvants pour augmenter l’efficacité de la vaccination est aussi fréquente. Comme pour les CAR, l’identification d’antigènes tumoraux demeure l’étape limitante du processus de vaccination. L’approche personnalisée du processus augmente aussi la logistique et les coûts reliés à de telles thérapies. On ne compte qu’un seul vaccin thérapeutique approuvé par la FDA (Sipuleucel-T® pour le traitement des cancers de la prostate avancés) et très peu

d’essais cliniques comparativement à d’autres types d’immunothérapies. [271]

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