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Diversité bactérienne dans les écosystèmes sols

1.2. Diversité des communautés bactériennes

1.2.1. Approches culturales

Les approches culturales sont des méthodes qui ont été traditionnellement utilisées pour accéder à la diversité microbienne des sols. En 1988, une collection de souches bactériennes provenant de différents environnements terrestres a été établie : la Subsurface Microbial Culture Collection (SMCC). Celle-ci recense environ 8 000 souches différentes. A partir de 1993, des typages moléculaires ont été réalisés sur trois groupes bactériens de cette collection : les chimioautotrophes aérobies, les chimiohétérotrophes aérobies et les anaérobies. Ainsi, la présence au niveau des sols des phyla Bacteroidetes, Actinobacteria (Gram positif à haut GC%), Firmicutes (Gram positif à faible GC%) et des classes

α-Proteobacteria, β-Proteobacteria et γ-α-Proteobacteria, a pu être mise en évidence (Balkwill et al., 1997). La présence de ces divisions et sous-divisions bactériennes a aussi été démontrée

dans des collections provenant de rizières et de prairies (Hattori et al., 1997). Plus récemment, Joseph et al. (2003) ont réussi à cultiver 350 isolats bactériens à partir de terre provenant d’un pré pâturé. Une analyse phylogénétique des ADNr 16S a alors permis de mettre en évidence une dominance des Actinobacteria et des α-Proteobacteria. La présence de bactéries appartenant aux Acidobacteria, Bacteroidetes, Deinococcus-Thermus, Firmicutes,

Gemmatimonadetes, Planctomycetes, β-Proteobacteria, γ-Proteobacteria et Verrucomicrobia

a également été observée. A un niveau phylogénétique plus fin, Alexander (1961) a suggéré que les genres Agrobacterium, Alcaligenes, Arthrobacter, Bacillus, Flavobacterium,

Micromonospora, Nocardia, Pseudomonas et Streptomyces étaient des membres fortement

représentés dans les communautés bactériennes du sol.

Même si ces analyses permettent d’obtenir des informations sur les communautés bactériennes des sols, celles-ci sont encore largement incomplètes et biaisées. Torsvik et al. (2002) ont ainsi estimé que seulement 0,1 à 1 % des bactéries du sol pouvaient être isolés par les techniques de culture classiques. De plus, seule la moitié des phyla bactériens possèderaient des représentants cultivés (Rappé et Giovannoni, 2003). En effet, les techniques de culture sur des milieux riches en nutriment isolent préférentiellement les bactéries à stratégie r (Simu and Hagstrom, 2004). C’est pourquoi de nouvelles méthodes de culture ont été développées afin de pouvoir accéder aux bactéries présentant un modèle évolutif différent. Ainsi, Ferrari et al. (2005) ont développé une nouvelle méthode de culture simulant les conditions environnementales du sol qui a permis la culture d’une bactérie appartenant au phylum TM7 qui ne possédait dès lors aucun représentant cultivé.

Figure 26 : Box-plots représentant la contribution des différents phyla bactériens à la biodiversité des sols. La ligne horizontale, au milieu de la boîte, indique le pourcentage moyen de la contribution de chaque phylum. Les extrémités de la boîte indiquent la déviation standard autour de la moyenne. Enfin, les lignes verticales indiquent les valeurs extrêmes des contributions (Janssen, 2006).

Bien que d’énormes progrès méthodologiques aient été réalisés en ce qui concerne les approches culturales, celles-ci ne permettent pas encore d’avoir une vision globale de la diversité procaryotique au niveau des sols. Il est donc nécessaire d’utiliser des approches indépendantes de la mise en culture afin d’étudier cette biodiversité.

1.2.2. Approches moléculaires.

Parmi les différentes techniques de biologie moléculaire, ce sont les approches de clonage/séquençage qui ont été les plus largement utilisées pour étudier la diversité bactérienne. Au travers de la réalisation et de l’affiliation de banques de clones, principalement d’ADNr 16S mais aussi d’ARNr 16S, elles ont permis d’accroître nos connaissances sur la composition des communautés bactériennes. Le caractère ubiquiste des

Proteobacteria, des Bacteroidetes, des Actinobacteria et des Firmicutes a ainsi pu être mis en

évidence. Ces quatre divisions représenteraient à elles seules, les ¾ des séquences environnementales et 90 % des bactéries cultivées (Hugenholtz et al., 1998). Le clonage/séquençage a aussi permis de révéler l’importance de taxons ignorés ou sous-estimés par les approches culturales : les Acidobacterium, les Verrucomicrobia, les bactéries GNS (Green Non Sulfur) et les OP11. Cependant, outre certains groupes qui semblent être présents dans tous les écosystèmes (Proteobacteria, Cytophagales, Firmicutes), il existe aussi des phyla qui semblent occuper des niches écologiques particulières comme les OP11 au niveau des sols (Hugenholtz et al., 1998).

Une synthèse des résultats réalisée par Janssen (2006), à partir de toutes les banques de clones ADNr 16S et ARNr 16S provenant de sols non rhizosphériques, a permis d’identifier les espèces bactériennes dominant ces environnements. Ainsi, il s’est avéré que les bactéries du sol étudié pouvaient être affiliées à 32 phyla dont les abondances varient en fonction des environnements. Par exemple, les Proteobacteria peuvent présenter des abondances allant de 10 à 80 % selon les sols étudiés (figure 26). Cependant, seuls 9 phyla semblent être dominants dans les sols. Ce sont essentiellement les Proteobacteria et les Acidobacteria mais aussi les

Actinobacteria, les Verrucomicrobia, les Bacteroidetes, les Chloroflexi, les Planctomycetes,

les Gemmatimonadetes et les Firmicutes (figure 26) qui représentent en moyenne 92 % des banques. Les autres taxons présents sont les Chlamydiae, Chlorobi, Cyanobacteria,

Deinococcus-Thermus, Fibrobacteres, Nitrospirae, BRC1, NKB19, OP10, OP11, OS-K, SC3,

α-Figure 27 : Estimation du niveau de connaissance de différents phyla et des bactéries en général. Des courbes de raréfaction ont été réalisées, grâce aux séquences de la base de données ribosomique (RDP-II), à différents niveaux phylogénétiques : individu (noir), espèce (rouge), genre (vert) et famille/classe (bleu). Ces courbes montrent que le taux de récupération de nouvelles séquences bactériennes est important et que les asymptotes, correspondant à une diversité complètement connue, ne sont pas atteintes quelque soit le groupe. OTU : Operational Taxonomic Unit.

Proteobacteria, des Holophaga-Acidobacterium et des Verrucomicrobia a aussi été observée

par Hackl et al. (2004), au niveau de différents sols forestiers, grâce à l’utilisation couplée du clonage/séquençage et de la technique T-RFLP. Les résultats obtenus à l’aide d’autres méthodes moléculaires n’impliquant pas l’analyse de banques, telle la technique FISH, ont aussi montré la forte proportion des Proteobacteria dans le sol. Ainsi, Song et al. (2004) ont mis en evidence que les communautés bactériennes d’un sol étaient composées de 13,7 % d’α-Proteobacteria, de 31.7 % de β-Proteobacteria, de 17,1 % de γ-Proteobacteria, de 16,8 % de Cytophaga-Flavobacterium et de 20,8 % d’autres groupes bactériens.

Idéalement, l’exploitation de ces séquences pourrait permettre d’avoir une vue globale de la diversité des communautés bactériennes au niveau des sols. Cependant, l’analyse de l’ensemble de ces séquences ribosomiques présentes au niveau du Ribosomal Database Project II (RDP-II) a montré que le recensement de la diversité bactérienne était loin d’être complet (Schloss et Handelsman, 2004) (figure 27). Une des raisons, hormis le fait que le nombre d’environnements différents étudiés n’est pas assez important, pourrait provenir de la taille des banques de clones. Kemp et Aller (2004) ont estimé statistiquement que les banques de clones jusqu’alors séquencées ne permettaient de couvrir qu’environ 48 % des communautés microbiennes des sols. Des banques de plus de 400 clones seraient nécessaires afin d’avoir une vision plus réaliste de la diversité bactérienne ou procaryotique de ces environnements. L’utilisation de techniques moléculaires à haut-débit pourrait donc permettre d’avoir une vue plus exhaustive des communautés bactériennes. Ce type d’outil ne remplace cependant pas pour l’instant les approches de clonage/séquençage car il ne permet pas d’avoir une vision exploratoire.

2. DIVERSITE BACTERIENNE DES SOLS POLLUES.

De part l’intérêt grandissant pour les techniques de bioremédiation, les écosystèmes pollués ont également été étudiés afin de découvrir des microorganismes épurateurs utilisables pour ces procédés alternatifs de décontamination. Les recherches concernant les sols pollués par des hydrocarbures se sont surtout focalisées autour des polluants de types HAP et BTEX. Comparativement, il existe relativement peu d’informations sur les écosystèmes pollués par des hydrocarbures aliphatiques. En effet, ceux-ci sont moins étudiés car ils sont considérés comme étant moins dangereux pour la santé (Gieg et Sulfita, 2002). Cependant, ces polluants

restent les plus importants quantitativement et leurs impacts sur la santé ne sont pas à négliger.