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Nous avons, en première partie de ce travail (voir chapitre Un, section 4.3.2), remarqué à quel point il paraît difficile de transposer le terme de typicalité à la structure scriptale, même si cette notion est couramment usitée dans la littérature. En effet, la notion de typicalité semble être indissociable de la représentation componentielle où les objets sont définis par une conjonction de traits élémentaires. Aussi, utiliser la notion de typicalité pour les actions constitutives des activités routinières revient, de fait, à comparer les scripts aux catégories naturelles et, par conséquent, à suggérer que les actions du script (assimilées alors à des exemplaires) admettent une décomposition en attributs élémentaires puis se prêtent à des comparaisons sur la base de partage de traits. L'évidence montre que cette proposition pose problème (Corson, 1991 ; Galambos, 1983, 1986).

Les représentations scriptales se distinguent alors des représentations sémantiques classiques. Les catégories sont représentées par une taxonomie dont le principe de base est l'inclusion de classes (la partie est plus petite que le tout). Les actions de scripts ne peuvent pas être classées de cette manière. Elles répondent à un autre principe, celui de "partie – tout", il ne s'agit pas

alors de taxonomie mais de relations partonomiques. En conséquence, les activités routinières ne sauraient se voir comparées aux catégories naturelles mais : "un déplacement du niveau de

comparaison permet de développer une analogie script – exemplaire catégoriel beaucoup plus pertinente" (Jagot, 2002, p.149). En effet, les exemplaires, d'après les modèles

componentiels, sont définis par un ensemble de traits. Il en est de même pour les scripts qui sont tout aussi formés d'éléments constitutifs : les actions. Dans les deux représentations, les relations entretenues sont des relations partonomiques hiérarchisées (Zacks, Tversky & Iyer, 2001). Bianco & Tiberghien (1987, p.37) soulignent d'ailleurs que : "les structures

représentationnelles qui organisent les connaissances relatives aux objets sont hautement parallèles à celles qui organisent les connaissances relatives aux actions : les objets organisés dans une taxonomie sont aussi associés à des partonomies, dans lesquelles la position spatiale paraît jouer le rôle structurant de la séquence scriptale. De même, les scripts organisent les actions à travers des relations de partonomie, et semblent eux-mêmes structurés dans une taxonomie plus large, catégorisant les situations". Ainsi, les objets

représentés sous une taxonomie peuvent répondre de façon simultanée à une structuration partonomique, de l'autre côté, les scripts, structurés de manière partonomique, peuvent le cas échéant être vus sous l'angle d'une taxonomie d'évènements. Les deux structures peuvent donc se voir organisées selon l'une ou l'autre modalité si la tâche l'exige (Fayol & Monteil, 1988). L'étude menée par Barsalou & Sewell (1985) représente l'une des seules tentatives de rapprochement entre les deux types de représentation. Ces auteurs ont pu montrer que la dimension typicalité est la dimension permettant la récupération des items catégoriels (les items les plus typiques étant les items les plus accessibles), alors qu'il s'agit, semble-t-il, de la dimension séquentielle qui permet une meilleure récupération des scripts en mémoire (voir les études en production de scripts telles celles menées par Galambos, 1983 ou Jagot, 1996). Tout semble se passer comme si le processus de récupération tirait partie des liaisons séquentielles associant les actions du script.

Barsalou & Sewell ont dégagé cinq points fondamentaux d'identité des représentations scriptales et des représentations catégorielles :

- "Superordinate relations" : des relations de surordination structurent les représentations scriptales et catégorielles, même si les activités routinières sont organisées de manière partonomique et les catégories selon une taxonomie.

CHAPITRE CINQ ___________________________________________________________ 115 - "Graded structure" : La typicalité représente la "structure graduée" (Jagot, 2002, p. 154) des objets (les membres ne sont pas également représentatifs de leur catégorie) ; les scripts ont une dimension graduée mais celle-ci repose sur un principe différent à savoir l'importance de l'action dans le déroulement de l'activité (i.e., la dimension centralité). La dimension de centralité renvoie non pas à des relations de représentativité mais à des relations de "goodness-of-part" (Abbott et al., 1985).

- "Hierarchical organization and a basic level" : les organisations des deux représentations sont hiérarchiques et présentent un niveau de traitement de l'information préférentiel, un niveau de base. Pour les représentations catégorielles, ce niveau d'abstraction correspond au niveau de base (Rosch, Mervis, Gray, Johnson & Boyes-Braem, 1976 ; Murphy & Smith, 1982), pour les scripts il correspond, comme nous avons pu le définir précédemment, aux titres de scènes (Abbott et al., 1985). Toutefois, les relations au sein de cette organisation sont partonomiques pour les scripts et taxonomiques pour les catégories naturelles.

- "Property representations of dimensional information" : d'après l'approche componentielle, les exemplaires sont définis selon un ensemble de traits élémentaires correspondant à leur information dimensionnelle. Barsalou & Sewell (1985) voient en la structure scriptale une organisation identique. Par exemple, les recherches faisant varier la distance séquentielle dans des tâches de jugement comparatif (i.e., ayant des codes temporels contrastés, voir Galambos & Rips, 1982 ; Nottenburg & Shoben, 1980) montrent que les actions sont mémorisées en même temps que la temporalité, stockée alors sous forme de traits.

- "Dimensional organization" : les scripts pourraient avoir une organisation dimensionnelle et celle-ci serait représentée par les traits séquentiels. Les catégories, elles aussi, possèdent à la fois une représentation sous forme de traits et une certaine organisation dimensionnelle : il est possible de produire des exemplaires selon une certaine dimension comme la couleur ou la taille. Cette production sera d'autant plus facilitée que le traitement de ces exemplaires sous cette dimension présente une grande occurrence. Aussi, des scripts pour lesquels l'ordre d'accomplissement des actions n'est pas régulier seront peu susceptibles d'être structurés sous la dimension temporelle.

Les scripts et les catégories ont donc des propriétés similaires. Ces deux représentations possèdent des relations surordonnées, une structure graduée ainsi qu'une certaine hiérarchie possédant un niveau de base d'abstraction et enfin une organisation dimensionnelle. Même si ces deux représentations divergent dans le sens de leur relations privilégiées (taxonomiques pour les catégories et partonomiques pour les scripts) elles restent malgré tout comparables.

4. LE MODÈLE DE WALKER &YEKOVICH (1984,1987),YEKOVICH &WALKER (1986,

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