• Aucun résultat trouvé

Turner affirme que, en tant que physiologiste, il détient un point de vue et une méthode d’analyse différents de ceux de biologistes évolutionnaires et que l’objet d’étude de la physiologie se doit d’être double. D’une part, cette science s’intéresse aux flux de matière, d’énergie et d’information des organismes. Lorsque ces flux s’opèrent de manière réciproque entre différents organismes ou entre les organismes et l’environnement, ils sont considérés en tant qu’échanges. D’autre part, la physiologie étudie les forces physiques qui régissent et modulent ces flux (Turner 2004 p.329). En vue d’étudier les opérations physiologiques, Turner s’appuie donc sur les lois de la thermodynamique afin de fournir une analyse démontrant que les opérations physiologiques ne peuvent être restreintes aux corps des organismes. La démarche de Turner se trouve ainsi subsumée dans le cadre dawkinsien du phénotype étendu, celui-ci ayant pour postulat l’indétermination des frontières précises entre organismes et environnement. En vue d’analyser l’approche de Turner, nous commencerons par expliquer les lois de la thermodynamique et comment un organisme peut être décrit selon cette perspective. Par la suite, en analysant l’exemple de Macrotermes michaelseni, nous expliquerons ce qu’est un organisme étendu et pourquoi, selon Turner, c’est l’association symbiotique M. michaelseni/Termitomyces ainsi que la structure de la termitière qui est l’entité sélectionnée. Nous finirons cette section en expliquant pourquoi l’approche de Turner

22

se situe entre le génocentrisme et la CN, mais nous démontrerons que son approche rentre mieux dans le cadre de la CN que dans celui du génocentrisme.

Physiologie et thermodynamique

En proposant une analogie entre la thermodynamique et la théorie de Darwin, Peirce (1877 p.41) fut un des premiers à permettre d’envisager la possibilité d’une approche thermodynamique de l’évolution des populations (Bouchard and Rosenberg 2004 p.701) visant ainsi à formuler une explication de la sélection naturelle par une application de la thermodynamique statistique. Toutefois, d’autres approches thermodynamiques de la biologie ont également vu le jour suite notamment aux travaux de Schrödinger (1967 chapitre 6). Contrairement à ce que Peirce suggérait, Schrödinger ne tenta pas d’appliquer les principes de la thermodynamique à une population, mais plutôt à un organisme singulier. C’est dans cette lignée de pensée débutée par Schrödinger que nous pouvons trouver Turner. En effet, Turner (2000a) se penche principalement sur l'analyse des flux d’énergie et de matière entre les différentes parties des organismes ainsi que sur les échanges entre les organismes et leurs environnements.

L’échange d’énergie et de matière entre l’organisme et l’environnement crée des flux qui sont utilisés par l’organisme en vue de faire un travail de création ou de maintien d’ordre. Ainsi, les principes de ces flux sont régis par les trois lois de la thermodynamique qui, s’appliquant sur toute la matière, constituent des principes universels décrivant la manière dont l’énergie et la chaleur sont utilisées afin de faire ce travail (Turner 2000a p.11). La première loi de la thermodynamique consiste en la loi de conservation d’énergie. Cette dernière affirme que la quantité totale d’énergie dans l’univers14 demeure toujours constante,

peu importe la forme dans laquelle celle-ci se trouve, qu’elle soit électrique, potentielle ou cinétique. La deuxième loi de la thermodynamique concerne l’augmentation de l’entropie. Selon cette loi, toute énergie utilisée par le travail, que ce dernier soit exercé par l’organisme sur l’environnement ou inversement, exige qu’une partie de cette énergie se perde sous la forme de mouvement moléculaire aléatoire, c’est-à-dire le désordre caractéristique de

14 L’univers, dans le contexte de la thermodynamique, est utilisé afin de désigner le système et son

environnement. Ce terme peut donc dénoter une molécule, une cellule, un organisme ou même l’univers au complet.

l’entropie. Ainsi, lorsque du travail est exercé quelque part dans l’univers, la deuxième loi impose une augmentation de la quantité totale d’entropie dans l’univers. L’augmentation entropique requise par cette loi exige qu’éventuellement la quantité maximale d’entropie soit atteinte. Un tel univers serait caractérisé par son homogénéité issue du fait que l’intégralité de ses molécules se trouverait dans un état de mouvement aléatoire. Il est important de préciser que selon la deuxième loi, il est possible d’avoir une diminution d’entropie dans une partie de l’univers pour autant que celle-ci entraîne une augmentation d’entropie de valeur supérieure ailleurs dans l’univers. La troisième loi porte sur les implications de la définition thermodynamique de la température. Il est affirmé dans le cadre de cette loi que la température minimale équivaut à 0 kelvin. Le zéro absolu constitue la température où le mouvement moléculaire aléatoire est nul (Turner 2000a p.12).

Afin de pouvoir comprendre l’organisme en tant qu’entité thermodynamique, nous devons d’abord clarifier certains principes qui ont trait aux trois lois abordées : l’ordre, le désordre et leurs liens avec l’énergie. En vue d’expliquer ces notions, Turner aborde l’exemple de la conversion de dioxyde de carbone et d’eau en composé organique qui se produit lors de la photosynthèse des plantes ayant de la chlorophylle (2000a p.11-16). Malgré la complexité de la réaction, cette transformation peut être simplifiée par la formule suivante15 :

1.4 × 10-17 J + 6CO

2 + 6H2O → C6H12O6 + 6O2

Cette réaction ne produit pas uniquement du glucose et de l’oxygène, elle produit également de l’ordre à partir du désordre. Dans le cadre de cette formule, l’ordre est représenté par la quantité de molécules se trouvant de chaque côté de l’équation. Les molécules constituant les réactifs étant plus nombreuses et moins complexes, une plus grande quantité d’information est requise en vue de décrire le système, car l’information qu’une seule molécule de dioxyde de carbone peut nous apporter ne nous fournit aucune information sur l’état des autres molécules de dioxyde de carbone. Toutefois, du côté des produits, la liaison entre les atomes de carbone nous permet de déduire l’état de tous les atomes de carbone à partir de l’état d’un seul atome de carbone de la molécule. Une moins grande information est requise afin de décrire le côté

15 Toute réaction photosynthétique nécessite un apport énergétique sous forme de lumière. Dans la réaction exemplifiée, nous avons une valeur énergétique de 1.4 × 10-17 J, car cela désigne la valeur énergétique apportée par 48 photons de lumière rouge dont chacun a une fréquence de vibration de 4.3 × 1014 mètres par seconde et apporte une valeur énergétique de 2.8 × 10-19 J.

24

des produits que celui des réactifs, confirmant ainsi que le côté droit est plus ordonné que le gauche16 (Turner 2000a p.13).

En accord avec la première loi, nous devons cependant conclure qu’un élément est escamoté au sein des produits : l’énergie. Si l’énergie au sein de l’équation doit être constante, alors la quantité d’énergie se trouvant à gauche de l’équation doit être égale à celle du côté droit. L’énergie introduite par la lumière dans le côté gauche est utilisée afin de faire un travail de création d’ordre parmi les atomes et ce faisant, cette énergie est emmagasinée dans l’arrangement de la molécule de glucose17. Toutefois, en accord avec la deuxième loi,

l’efficience de ce processus de création d’ordre ne peut être totale, et une partie de cette énergie doit donc être perdue sous forme de chaleur, c’est-à-dire d’entropie18.

De même que Dawkins affirmait qu’il visait à apporter un changement de perspective en passant du point de vue de l’organisme à celui du gène, Turner vise à apporter une nouvelle optique au phénotype étendu en l’étudiant sous son aspect thermodynamique puisque sinon, selon le physiologiste, l’étude du génocentrisme dawkinsien ne peut être complète (Turner 2000a p.33). Toutefois, l’adoption de l’approche thermodynamique de Turner implique une remise en question de certains principes intuitifs tels qu’une délimitation claire et nette entre le vivant et le non-vivant. En effet, de l’universalité des lois de la thermodynamique et de son applicabilité sur l’intégralité de la matière dans l’univers surgit le problème de la définition du vivant : si toute entité matérielle procède à des échanges d’énergie et de matière avec l’environnement, comment pouvons-nous distinguer le vivant du non vivant? Turner répond à ce problème en proposant comme critère de démarcation la propriété homéostatique.

Selon Turner, l’homéostasie caractéristique des organismes se définit par la canalisation d’énergie et de matière dans un flux exécutant un travail de maintien d’ordre permettant la persistance d’une fonction physiologique (Turner 2004 p.333).

16 Il semblerait qu’il y ait une théorie de l’information sous-jacente à la thèse de Turner. Cela est le cas pour tous les écrits de Turner. Cependant, ce dernier n’explique jamais ce qu’il entend par le terme information, que celle- ci soit moléculaire ou génétique.

17 L’énergie entreposée dans l’arrangement de la molécule sera éventuellement exploitée par le processus métabolique de la plante.

Figure 1 : tiré de (Turner 2004 p.330), cette représentation constitue la modélisation physiologique d‘un organisme

Comme le montre la figure 1, un organisme peut être adéquatement représenté par un modèle physiologique dans lequel il est conçu en tant qu’environnement homéostatique qui se distingue de l’environnement externe grâce à des flux de masse et d’énergie propulsés à travers une barrière adaptative. La barrière distinguant les deux environnements est adaptative, car sa constitution permet la canalisation des flux qui pourvoiront le maintien homéostatique de l’organisme (PF et TFF). Les conditions environnementales étant changeantes19, cela

entraîne une disparité entre l’état interne de l’organisme et l’état environnemental, établissant ainsi la différence du potentiel d’énergie (ΔPE) entre l’énergie de l’environnement interne (Pin) et externe (Pout). Puisque la deuxième loi exige que l’entropie augmente jusqu’à ce que

cette dernière atteigne le taux maximal, ce qui correspond à l’homogénéité universelle, la différence du potentiel d’énergie propulse un flux thermodynamiquement favorisé (TFF-

19 Dans le modèle présenté, l’accouplement organisme/environnement constitue un système fermé. Cependant, afin que le changement des conditions environnementales puisse représenter les changements climatiques que les organismes subissent dans la nature, il est nécessaire que le système organisme/environnement soit ouvert. La modélisation du système en tant que système fermé n’est cependant pas problématique, car la biosphère est un système fermé en ce qui concerne la matière. Un travail physiologique alimenté par une source d’énergie infinie (soleil) implique qu’ultimement tout échange de matière constituera une boucle fermée. La biosphère actuelle n’est donc qu’une généralisation du modèle présenté dans la figure 1 (Turner 2004 p.332).

26

thermodynamic favored flux) qui vise à établir l’homogénéité entre les deux environnements.

Ainsi, si l’environnement interne d’un organisme diffère de l’environnement externe, l’organisme va nécessairement subir un TFF. Toutefois, afin que l’environnement interne soit maintenu, l’organisme doit faire un travail de maintien d’ordre à travers le réaménagement de la matière et de l’énergie environnementales, ce qui met en œuvre un flux physiologique (PF) de masse et d’énergie à travers sa barrière adaptative (Turner 2000a p.34, 2004 p.330). Ainsi, la magnitude du PF doit être équivalente à la perte énergétique subie par le TFF. Une exigence physique minimale pour l’homéostasie peut donc être formulée : “homeostasis requires that the thermodynamically favored flux always be matched exactly by an equal and oppositely directed physiological flux” (Turner 2000a p.184). Selon l’approche thermodynamique de Turner, l’organisme est donc dépeint en tant qu’environnement en déséquilibre vis-à-vis de l’environnement externe (Turner 2004 p.331).

La définition de l’organisme en tant que déséquilibre énergétique entre deux environnements nous oblige à réviser la définition traditionnellement imputée au vivant. La démarcation entre vivant et non-vivant étant maintenant une simple différence énergétique, la distinction entre les deux environnements est issue d’une différence de degré plutôt que de type (Turner 2004 p.333). Toutefois, la première loi exige que l’imposition d’homéostasie d’un côté de la barrière entraîne, à un certain degré, l’homéostasie de l’autre côté de la barrière. Ainsi, lorsque la différence énergétique entre les deux environnements est faible, il est difficile de distinguer l’environnement vivant de celui non vivant. Cette conclusion est problématique puisque les organismes eux-mêmes sont souvent délimités en plusieurs environnements homéostatiques régularisés par des barrières adaptatives : une cellule est séparée de son environnement par une membrane; à l’intérieur de la cellule se retrouvent plusieurs organelles également délimitées par une membrane. En suivant le critère de démarcation fourni par Turner, une question s’impose donc: les environnements intraorganismiques sont-ils vivants? Intuitivement, cette question serait répondue par l’affirmative. Toutefois, la délimitation d’environnements homéostatiques ne s’étend pas uniquement à l’intérieur des organismes, mais, tels des phénotypes étendus, elle peut s’étendre également à leurs extérieurs (Turner 2000a p.35-39, Turner 2004 p.335). Les phénotypes étendus devraient-ils donc être également considérés comme des environnements vivants?

Macrotermes michaelseni et l’organisme étendu

Puisque Turner défend l’idée que les organismes peuvent étendre leurs environnements homéostatiques à l’extérieur de leurs frontières corporelles, il s’inscrit parfaitement dans la lignée dawkinsienne du phénotype étendu. Toutefois, l’extension de ce trait étant le résultat de flux énergétiques et matériels participant à l’homéostasie des organismes, Turner conclura que cette extension n’est pas une extension phénotypique, mais plutôt une extension physiologique20. Conséquemment, les extensions ne sont pas d’ordre phénotypiques, mais

organismiques. Étant un adepte du génocentrisme, Turner a pour tâche de démontrer la compatibilité entre l’organisme étendu et le génocentrisme soutenu par Dawkins. En vue de démontrer comment Turner arrive à cette conclusion, nous clarifierons la notion d’organisme étendu à travers l’exemplification des Macrotermes michaelseni. Cet exemple nous permettra de démontrer comment l’organisme étendu correspond à l’individu biologique. Par la suite, nous nous pencherons sur cet exemple afin de démontrer aussi comment l’organisme étendu s’inscrit autant dans le cadre génocentriste que celui de la CN.

Le Macrotermes michaelseni est une espèce de termites du genre Macrotermes, ce dernier relevant de la sous-famille Macrotermitinae. Parmi cette sous-famille, seuls quelques genres, dont Macrotermes, construisent des termitières s’étendant au-dessus du sol et pouvant atteindre une hauteur de plusieurs mètres. Le Termitomyces, symbiote cultivé dans les termitières des Macrotermitinae, est une espèce de champignon très sensible aux conditions environnementales et constitue donc un compétiteur dont la défaite est assurée vis-à-vis des autres espèces de champignons présentes dans l’environnement. Toutefois, au sein de la termitière des Macrotermitinae, le développement des Termitomyces est inévitable. Quoique les hypothèses justifiant la présence assurée de cette unique espèce de champignon dans la termitière soient diverses (Turner 2004 p.340), une hypothèse convaincante, qui est d’ailleurs soutenue par Turner (2004 p.340), suggère que le développement des Termitomyces est un

20 Turner n’explique pas en quoi consiste cette distinction. Nous pouvons supposer qu’en accomplissant cette distinction Turner opère une séparation entre, d’une part, l’étude évolutionnaire qui s’occupe des phénotypes et, d’autre part, la physiologie qui se penche sur les flux de matière et d’énergie. Toutefois, comme nous verrons sous peu, Turner conclut que nous ne pouvons pas négliger la fonction accomplie par la partie abiotique au sein de l’individu. Ainsi, il semblerait que l’extension physiologique joue un rôle dans le processus évolutionnaire et devrait donc être comprise en tant que phénotype de l’individu. Il n’est donc pas clair à quoi sert la distinction opérée par Turner.

28

effet du haut taux de CO2 maintenu dans la structure (Batra and Batra 1966 p.737). Cette

hypothèse expliquerait ainsi pourquoi les Termitomyces ne sont retrouvés qu’en association avec les Macrotermitinae (Wood and Thomas 1989 p.73).

Le caractère distinctif de la symbiose des Macrotermitinae vis-à-vis les relations symbiotiques d’autres termites consiste dans leur réussite à sous-traiter leur effort digestif aux

Termitomyces (Dangerfield, McCarthy et al. 1998 p.510, Turner 2004 p.335). Afin d’expliquer

le processus digestif des Macrotermitinae et le rôle joué par les Termitomyces, il est convenable de citer Wood, lorsque ce dernier explique de manière succincte et précise :

“The termites forage on dead plant material, which is passed rapidly and relatively unchanged through the gut and their faecal deposits used to construct fungus combs. Termitomyces mycelium grows on the comb and degrades lignin and cellulose. After 5-8 weeks “old” comb is re-ingested by the termites which also consume nitrogen-rich groups of asexual spores (mycotêtes) on the comb surface. The food is further degraded in the termite’s gut by enzymes which digest cellulose, starch, soluble carbohydrates, pectins and chitin. Some enzymes are produced by the termites, while others are acquired by ingestion of mycotêtes or are produced by gut bacteria. In the few species studied, approximately 80% of the food is metabolized by the fungus, thereby concentrating nitrogen.”21 (Wood and Thomas

1989 p.87)

La coalition issue de la relation Macrotermes-Termitomyces permet à ces termites d’avoir une digestion beaucoup plus rapide, leur fournissant ainsi la possibilité d’utiliser leur énergie à un rythme beaucoup plus élevé que les termites qui comptent sur la digestion purement intestinale (Turner 2004 p.335). Cet avantage énergétique accorde à de telles colonies la possibilité d’atteindre une biomasse plus élevée grâce à une supériorité populationnelle ainsi qu’un plus grand volume corporel individuel. Cependant, l’utilisation d’un taux supérieur d’énergie dans le processus métabolique implique également une plus grande utilisation d’oxygène, ce qui implique à son tour un taux plus élevé de CO2. De surcroît, la présence des

Termitomyces engendre également une grande quantité de chaleur et de CO2 dans la termitière.

En effet, les champignons représentent environ 85% du métabolisme collectif de l’association

21 Il est important de préciser que 80% de la digestion de la cellulose chez les Macrotermes michaelseni est également faite par les Termitomyces (Dangerfield, McCarthy et al. 1998 p.510)

Macrotermes-Termitomyces (Turner 2004 p.339). Le haut taux de CO2 dans la termitière

contribue certes au développement des Termitomyces. Toutefois, afin que les termites et les champignons ne suffoquent pas, une certaine quantité d’O2 doit être maintenue dans la

termitière. Le taux d’O2 doit donc être suffisant pour approvisionner les besoins métaboliques

des partenaires mutualistes tout en étant assez important pour nuire au développement des autres espèces de champignons. Afin que les conditions atmosphériques de la termitière soient maintenues dans ces exigences bien particulières, un processus homéostatique est requis.

Contrairement à plusieurs espèces de Macrotermes, les M. michaelseni construisent des termitières totalement closes. Ainsi, l’échange des gaz entre ce type de termitière et l’environnement doit se faire à travers un processus plus complexe que pour des termitières ouvertes (Turner 2000a p.197). De fait, l’homéostasie de la termitière est maintenue grâce à un ensemble de conduits et de tunnels construits en vue de permettre la circulation de l’air à travers les différentes parties de la structure (Turner 2000b). Puisque la termitière est fermée, la circulation aérienne de la structure doit être en partie propulsée par des forces internes à la colonie, c’est-à-dire la chaleur engendrée par le métabolisme du couple symbiotique22. La

chaleur produite par la colonie diminue la densité de l’air en sa proximité. Puisque la colonie se trouve sous la tour de la termitière, l’air réchauffé se hissera en hauteur vers la cime de la tour en passant par le centre de la structure, loin des parois. S’étendant plusieurs mètres au- dessus du sol, la tour de la termitière capture l’énergie cinétique des vents extérieurs en vue de créer autour d’elle un champ de pressions qui mettra en œuvre l’échange des gaz à travers sa surface poreuse (Turner 2001 p.817). Comme dictée par le principe de Bernoulli, la décélération du vent environnemental sur la surface de la tour transforme l’énergie cinétique du vent en une énergie potentielle sous forme de pression positive qui pousse en direction de la tour, forçant ainsi l’air à traverser la surface poreuse et à faire son chemin dans les conduits