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Approche spectrale

Dans le document Chaînes de Markov Jean Bérard (Page 117-120)

En se rappelant que l'objet que l'on étudie, à savoir la loi de Xn lorsque n est grand, peut se réécrire : P(Xn = ·) = µpn, où µ désigne la loi initiale, et p le noyau de transition, on conçoit naturellement que les propriétés spectrales de

l'opérateur linéaire p (sur des espaces à préciser) puissent jouer un rôle important dans cette étude. Dans le cas oùSest ni, on peut par exemple appliquer àpla théorie classique de Perron-Frobenius des matrices positives, pour établir les propriétés de base du spectre, comme nous le verrons ci-dessous, et en déduire le comportement asymptotique deµpn.

Dans le cas oùS est inni, l'étude des propriétés spectrales de p(en faisant agir p sur des espaces convenables) est également intéressante, mais fait appel à une so-phistication technique bien plus grande, et nécessite des hypothèses supplémentaires sur le noyau considéré. Dans le cas réversible, on note que l'action de p sur L2(ν) est auto-adjointe, et il est donc possible d'utiliser la théorie générale des opérateurs continus auto-adjoints sur les espaces de Hilbert, cette théorie (faisant appel à la notion de mesure spectrale) étant présentée par exemple dans [11, 47]. Dans ce qui suit, nous nous contenterons de présenter la théorie dans le cas oùS est un ensemble ni.

5.5.1 Approche spectrale dans le cas où S est ni

Dans le cas où S est ni, on peut se contenter de considérer que p agit à droite et à gauche sur C|S|, vu soit comme l'espace des fonctions deS dansC, soit comme l'espace des mesures complexes sur S,[p(x, y)](x,y)∈S2 étant alors la matrice corres-pondant à l'action sur les fonctions (à droite), exprimée dans la base canonique, la transposée de cette matrice correspondant à l'action sur les mesures.

On a alors le théorème suivant :

Théorème 15 Soit p un noyau de transition sur un ensemble S ni. Alors : toutes les valeurs propres (dansC) de p sont de module inférieur ou égal à 1 ; 1 est valeur propre de p;

sip est irréductible, la multiplicité (géométrique et algébrique) de 1 est égale à 1, le sous-espace propre associé (à droite) étant celui des fonctions constantes, et à gauche celui des mesures complexes invariantes ;

si p est irréductible et apériodique,1 est l'unique valeur propre de module 1. Preuve :

On note qu'en ce qui concerne le spectre (valeurs propres, multiplicités algé-briques et géométriques), une matrice et sa transposée ont les mêmes caractéris-tiques. On peut donc indiéremment étudier l'action à droite ou à gauche dep. On vérie d'abord que |f p| ≤ |f|, où, pour f : S → C, |f| = P

x∈S|f(x)|. On en déduit que toutes les valeurs propres complexes depsont de module≤1. Le fait que 1 soit valeur propre se voit en vériant que la fonction constante égale à 1 est xée par l'action de p. Le fait que la multiplicité géométrique de 1 soit égale à 1 si p est

irréductible se vérie en considérantf : S → C telle que pf =f, ce que l'on ra-mène, en considérant parties réelles et imaginaires sur lesquellespagit séparément, à une fonctionf à valeurs réelles, puis en introduisant s tel quef(s) = maxs∈Sf(s) et en vériant que nécessairement, f(s) = f(s) pour tout s tel que p(s, s) > 0, grâce à l'invariance de f sous l'action de p, puis en itérant. En appelant ν la pro-babilité invariante, on note que l'ensemble des fonctionsF0 des fonctionsf vériant P

s∈Sf(s)ν(s) = 0est stable parp, et constitue un supplémentaire de l'ensemble des fonctions constantes. On voit alors que 1 ne peut être valeur propre de p restreint à F0, ce qui prouve que 1 est également de multiplicité algébrique égale à 1. (On peut aussi considérer les mesures complexes de masse nulle en lieu et place deF0, et considérer l'action à gauche.)

Considérons maintenant un nombre complexeλde module 1, et supposons l'exis-tence d'une mesure complexe µ non-nulle telle que µp = λµ, p étant supposé irré-ductible et apériodique. Notons d'abord que, pour x xé,

l'égalité (5.4). Celle-ci entraîne en particulier queν(x) :=|µ(x)|dénit une mesure positive non-triviale invariante pourp, qui est donc propre. Par conséquent,µ(x)6= 0 pour toutx∈S.

A présent, rappelons qu'une égalité de la forme|x1+· · ·+xk|=|x1|+· · ·+|xk|, où x1, . . . , xk ∈ C, équivaut au fait que tous les xi non-nuls possèdent le même argument (Pourk = 2, c'est le cas d'égalité dans l'inégalité de Cauchy-Schwarz, et le cas général s'en déduit par récurrence). Considérons donc x ∈ S, et n ≥ 1 tel que pn(x, x) >0. On voit que les arguments de P

y∈Sµ(y)pn(y, x) = λnµ(x) et de pn(x, x)µ(x) doivent être égaux, ce qui entraîne que λn = 1. En utilisant le fait que la chaîne est apériodique, on en déduit que nécessairementλ= 1, ce qui conclut la

preuve.

Remarque 24 Au passage, on a montré que, lorsque la chaîne est périodique de période d, ses valeurs propres de module 1 sont nécessairement des racines d−èmes de l'unité.

Le théorème précédent entraîne à présent automatiquement le théorème 11 : il sut par exemple d'eectuer une réduction de Jordan, pour constater que, partant

d'une loi initiale quelconqueµ,P(Xn=·)converge, lorsquentend vers l'inni, vers la projection de µ sur le sous-espace propre associé à la valeur propre 1 en ayant pris comme supplémentaire les mesures signées de masse nulle. On retrouve le fait qualitatif que la convergence vers la loi stationnaire a lieu à vitesse exponentielle, et l'on constate que la connaissance du spectre de p, ou tout au moins de la distance de Spec(p)\ {1}au cercle unité deC, conditionne la vitesse de convergence.

Nous avons donné une preuve du théorème précédent utilisant le fait que la ma-trice associée àpest stochastique. Si l'on considère seulement des matrices positives, le théorème de Perron-Frobenius, dont il existe diérentes versions, montre que cer-taines des propriétés ci-dessus demeurent valables, à condition d'être convenablement adaptées. Nous citons ci-dessous, sans donner de preuve, une version du théorème de Perron-Frobenius que nous aurons l'occasion d'utiliser. Rappelons qu'une matrice carrée A = (axy) indexée par S ×S à coecients dans R est dite positive si ses coecients sont tous positifs ou nuls, et irréductible si, pour tous x, y∈S, il existe n≥0 tel quea(n)xy >0, où An=: (a(n)xy).

Théorème 16 Soit A une matrice positive irréductible. Il existe une valeur propre λ∈Rtelle que

λ >0;

toute autre valeur propre deA possède un module ≤λ;

il existe un vecteur propre de A associé à λ dont toutes les coordonnées sont strictement positives ;

la multiplicité géométrique de λest égale à 1.

Exercice 163 Prouver le théorème ci-dessus (ou aller en lire une preuve).

Dans le document Chaînes de Markov Jean Bérard (Page 117-120)