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Chapitre I : Introduction

III. D. Approche rétrosynthétique

L’examen de la littérature nous a amené à nous intéresser au tert-butanesulfinamide,

copule chirale développée par le groupe de Jonathan Ellman.47 Cet auxiliaire constitue un

équivalent chiral d’ammoniac et présente l’avantage de se condenser facilement avec des

aldéhydes ou des cétones pour générer des imines beaucoup plus stables et plus électrophiles

que des N-aryl ou N-alkyl imines. Ces imines peuvent subir des additions nucléophiles

d’espèces organométalliques de manière hautement diastéréosélective et généralement avec

des rendements excellents pour former des amines chirales. De plus, il existe quelques

exemples de fonctionnalisations diastéréosélectives en α de ces imines ou de leurs dérivés via

les métalloènamines correspondantes, réactivité sur laquelle nous nous attarderons plus loin.

Enfin, le groupe tert-butanesulfinyle pourra être gardé comme protection de l’azote pour

l’étape de métathèse tandem, puis facilement clivé en conditions acides douces.

La première voie de synthèse envisagée est présentée dans le Schéma 28.Le diène-yne

I ciblé pourrait être obtenu directement par l’addition diastéréosélective d’un acétylure

oxygéné sur la sulfinylimine α-chirale IV. Cette imine serait issue de la condensation sur un

aldéhyde α,β-insaturé d’une métalloènamine dérivée d’un composé du type V. Ces deux

transformations ne sont pas décrites dans la littérature, mais nous pouvons juger de leur

faisabilité en examinant des exemples relativement proches.

Schéma 28 : Analyse rétrosynthétique de l’intermédiaire clé

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Addition d’acétylures sur N-sulfinylaldimines

La construction de propargylamines chirales via l’alcynylation diastéréosélective des

sulfinylimines d’Ellman est une réaction bien développée. L’équipe de Hou a publié en 2006

l’addition d’acétylures lithiés sur ces imines,48 montrant l’efficacité de cette réaction, tant en

terme de rendements que de diastéréosélectivité. Plus tard, c’est le groupe de Wang qui a

amélioré encore cette sélectivité avec l’emploi d’acétylures de magnésium pour cette

transformation.49 Enfin, le groupe de Scheidt a mis au point une méthode permettant

l’inversion de la sélectivité en utilisant cette fois des silicates acétyléniques en présence d’une

quantité catalytique d’alcoolate potassique comme base de Lewis.50 Ce dernier exemple met

en valeur la versatilité de ces imines, puisqu’elles permettent d’induire à volonté la formation

des deux énantiomères de la propargylamine en jouant sur la nature de l’organométallique

utilisé lors de l’addition nucléophile (Schéma 29).

Schéma 29 : Addition d’acétylures sur les N-sulfinylimines d’Ellman

L’addition d’acétylures oxygénés sur ces imines semble donc envisageable, et nous

présenterons plus amplement les moyens d’accéder à ce type de nucléophiles dans le Chapitre

III.

α-Fonctionnalisation des N-sulfinylimines et dérivés

Les N-sulfinylimines et leurs dérivés possèdent des protons relativement acides sur

leur carbone α. Ainsi, la déprotonation de cette position génère un anion permettant la

fonctionnalisation par réaction avec divers électrophiles.

48Ding C-H., Chen D-D., Luo Z-B., Dai L-X., Hou X-L. Synlett2006, 8, 1272.

49Chen B-L., Lin G-Q., Wang B. J. Org. Chem. 2010, 75, 941.

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o Fonctionnalisation directe des imines

Les travaux de Jonathan Ellman ont montré la possibilité de fonctionnaliser des

cétimines du type VI via un intermédiare métalloènamine qui peut réagir par addition 1,2 sur

des aldéhydes ou addition 1,4 sur des énones et des nitroalcènes.51

Schéma 30 : Fonctionnalisation en α des cétimines

Cependant, l’application de cette méthode à des aldimines ne conduit qu’à

l’auto-condensation de ces dernières, du fait de leur plus grande électrophilie (Schéma 31).52

Schéma 31 : Dimérisation des sulfinylaldimines

La fonctionnalisation directe en α d’une aldimine n’étant à priori pas possible, nous

nous sommes tournés vers une alternative qui viserait à fonctionnaliser un précurseur moins

électrophile du type imidate ou amidine. Ce dernier pourrait être réduit sélectivement pour

former l’aldimine correspondante, nous conduisant à ajouter une étape de réduction à notre

schéma rétrosynthétique (Schéma 32).

Schéma 32 : Nouvelle analyse rétrosynthétique pour la formation de l’intermédiaire clé

51a)Kochi T., Tang T. P., Ellman J. A. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 6518; b) Pelletier H. M., Ellman J. A. J.

Org. Chem.2005, 70, 7342.

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o Fonctionnalisation de N-sulfinylimidates et N-sulfinylamidines

C’est cette fois le groupe de De Kimpe qui a décrit la formation de N-sulfinylimidates

et leur α-alkylation par des halogénures d’alkyles ou des tosylimines en présence d’une base

forte (Schéma 33).53 Cette réaction est très diastéréosélective et relativement efficace en terme

de rendement, cependant elle est limitée dans le type d’électrophiles utilisables et leur

condensation sur aldéhyde n’a pas été décrite à ce jour.

Schéma 33 : Alkylation et aminoalkylation des sulfinylimidates

Le groupe d’Ellman a quant à lui rapporté la formation et l’alkylation de

N-sulfinylamidines dans des conditions semblables,54 avec encore une fois une limitation à

l’alkylation par des halogénures d’alkyles. En outre, une des amidines α-chirales obtenues a

été réduite sélectivement en imine, transformation également envisagée pour notre voie de

synthèse de lycorines (Schéma 34).

Schéma 34 : α-alkylation des N-sulfinylamidines et imidates

L’examen de la littérature nous a donc conforté dans notre approche des lycorines par

métathèse tandem, tout en laissant la place au développement de nouvelles réactions de

manière à rendre la voie de synthèse la plus courte possible. L’utilisation de la copule

d’Ellman devrait nous permettre de contrôler la formation des trois centres asymétriques du

précurseur de cyclisation et agir comme groupement désactivant de l’azote pour la cyclisation

par métathèse tandem.

53 a) Colpaert F., Mangelinckx S., Verniest G., De Kimpe N. J. Org. Chem.2009, 74, 3792; b) Colpaert F.,

Mangelinckx S., De Kimpe N. Org. Lett.2010, 12, 1904.

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Le travail présenté dans ce manuscrit s’intéresse d’une part au développement de la

méthodologie de synthèse ainsi qu’à sa valorisation, et d’autre part à son application en

synthèse multi-étapes vers les dérivés de la lycorine.

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