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3.1 Quelques digressions sur l’homog´en´eisation

3.1.2 Approche par mesures de Young

(3.1.1) et Whom(ξ) := inf T ∈Ninf ( 1 Tn Z (0,T )n

W (hyi, ξ + ∇ϕ(y)) dy : ϕ ∈ Wper1,p((0, T )n; Rm) )

. (3.1.2) La notation hyi d´esigne la partie fractionnaire de y ∈ Rn, i.e., hyi ∈ [0, 1)n et y − hyi ∈ Zn. Il s’agit d’un moyen commode d’exprimer le fait que la densit´e W (h·i, ξ) est 1-p´eriodique pour tout ξ ∈ Mm×n. Th´eor`eme 3.1.2. Soit W ∈ F(Q, α, β, p). Alors la famille de fonctionnelles Fε: W1,p(Ω; Rm) → [0, +∞) d´efinies par Fε(u) := Z WD x ε E , ∇u dx (3.1.3)

Γ-converge (pour la topologie faible de W1,p(Ω; Rm)) vers la fonctionnelle Fhom: W1,p(Ω; Rm) → [0, +∞) d´efinie par

Fhom(u) := Z

Whom(∇u) dx.

En particulier, Whom est une fonction quasiconvexe. Si, de plus, W est convexe en la seconde variable et/ou m = 1, alors on a Whom = Wcell.

Un exemple obtenu par M¨ullerdans [114] montre, qu’en g´en´eral, il n’y a pas ´egalit´e entre Wcell et Whom. En collaboration avec M. Barchiesi, nous avons construit dans [B8] un autre contre-exemple quand m = n = 2. En effet, on consid`ere les matrices (voir la Figure3.1)

O :=  0 0 0 0  , I :=  1 0 0 1  , A :=  −1 0 0 1  , B :=  0 0 0 1  , C :=  0 0 0 1/2  . On construit alors deux fonctions quasiconvexes W1et W2∈ F(α, β, p) (avec p > 1 arbitraire) telles que

W1(O) = W1(A) = 0 et W2(O) = W2(I) = 0.

Enfin, on se donne la g´eom´etrie du m´elange entre W1et W2 par l’ensemble E := (0, 1/2) × (0, 1) ⊂ Q, et on d´efinit la densit´e du m´elange par

W (x, ξ) := χE(x)W1(ξ) + χQ\E(x)W2(ξ).

On montre alors que Wcell(O) = Whom(O) = 0 et Wcell(B) = Whom(B) = 0. Comme Whom est quasicon-vexe, elle est en particulier rang-un-convexe et par cons´equent, Whom(C) = 0. Par ailleurs, si Wcell(C) = 0, toute solution ϕ ∈ W1,p

per(Q; Rm) du probl`eme de cellule (3.1.1) d´efinissant Wcell(C) devrait satisfaire

C + ∇ϕ(y) ∈ (

{O, A} p.p. dans E, {O, I} p.p. dans Q \ E.

Comme I et A sont des matrices de rang 2, des r´esultats classiques de rigidit´e montrent que soit C + ∇ϕ(y) = O, soit C + ∇ϕ(y) = AχE(y) + IχQ\E(y) p.p. dans Q, ce qui est en contradiction avec la p´eriodicit´e de ϕ. Par cons´equent Wcell(C) > 0.

3.1. QUELQUES DIGRESSIONS SUR L’HOMOG ´EN ´EISATION 45

O

I

A B

C

Figure 3.1 – Repr´esentation des matrices O, I, A, B et C dans R2 identifi´e `a l’ensemble des matrices diagonales

3.1.2 Approche par mesures de Young

Le fait que la densit´e d’´energie homog´en´eis´ee Whom d´efinie par (3.1.2) soit une formule asymptotique rend d’autant plus compliqu´e son calcul explicite et mˆeme num´erique. Par ailleurs, comme nous venons de le voir, il n’y a aucun espoir pour que cette formule se r´eduise en la formule uni-cellulaire donn´ee par (3.1.1). Une autre route que nous avons suivie en collaboration avec M. Ba´ıa & P. Santos dans [B6] consiste `a formuler le probl`eme en terme de mesures de Young. Pour ce faire, si l’on consid`ere une suite minimisante (uε) ⊂ W1,p(Ω; Rm) convergeant faiblement dans cet espace vers un certain u ∈ W1,p(Ω; Rm), on peut se demander comment passer `a la limite dans l’expression suivante

Z WD x ε E , ∇uε  dx,

pour une densit´e W ∈ F(Q, α, β, p). Les mesures de Young ont justement ´et´e introduites dans le but de faire commuter les limites faibles avec des expressions non lin´eaires (voir Young [136], Tartar [132] et Ball [17]). Dans la suite, nous noterons P(Mm×n) l’espace des mesures de probabilit´e sur Mm×n et L

w(Ω × Q; M(Mm×n)) est l’espace des applications µ : Ω × Q → M(Mm×n) telles que – (x, y) 7→ µ(x,y) est faible* mesurable ;

– (x, y) 7→ kµ(x,y)k1∈ L(Ω × Q).

Cet espace peut ˆetre identifi´e au dual topologique de L1(Ω × Q; C0(Mm×n)), des applications fortement mesurables ϕ : Ω × Q → C0(Mm×n) et int´egrables au sens de Bochner (voir Fonseca & Leoni [72]). D´efinition 3.1.3. Soit µ ∈ L

w(Ω × Q; M(Mm×n)). On dit que la famille {µ(x,y)}(x,y)∈Ω×Q est une mesure de Young `a double ´echelle engendr´ee par une suite de gradients si µ(x,y) ∈ P(Mm×n) p.p. tout (x, y) ∈ Ω × Q et s’il existe une famille (uε)ε>0⊂ W1,p(Ω; Rm) telle que

lim ε→0 Z z(x)ϕD x ε E , ∇uε(x) dx = Z Z Q Z Mm×n z(x)ϕ(y, ξ) dµ(x,y)(ξ) dy dx.

pour tout z ∈ L1(Ω) et tout ϕ ∈ L1(Q; C0(Mm×n)). On dit alors que {µ(x,y)}(x,y)∈Ω×Q est la mesure de Young `a double ´echelle engendr´ee par la famille (∇uε).

Avec M. Ba´ıa & P. Santos, nous avons obtenu dans [B6] une caract´erisation compl`ete de cette classe de mesures de Young dans le mˆeme esprit que Kinderlehrer & Pedregal [96]. Pour ce faire, il convient d’introduire l’espace de Banach s´eparable Fp des fonctions continues W : [0, 1)n× Mm×n → R telles que la limite

lim

|ξ|→∞

W (y, ξ) 1 + |ξ|p

existe uniform´ement en y ∈ [0, 1)n. On a alors la caract´erisation suivante : Th´eor`eme 3.1.4. Soit Ω ⊂ Rn un ouvert born´e Lipschitzien et soit µ ∈ L

w(Ω × Q; M(Mm×n)) telle que µ(x,y)∈ P(Mm×n) p.p. tout (x, y) ∈ Ω × Q. La famille {µ(x,y)}(x,y)∈Ω×Q est une mesure de Young `a double ´echelle engendr´ee par une suite de gradients si et seulement si les trois conditions suivantes sont r´eunies :

(i) il existe deux fonctions u ∈ W1,p(Ω; Rm) et u1∈ Lp(Ω; W1,p

per(Q; Rm)) telles que Z

Mm×n

ξ dµ(x,y)(ξ) = ∇u(x) + ∇yu1(x, y) p.p. tout (x, y) ∈ Ω × Q; (ii) pour tout W ∈ Fp,

Z

Q

Z

Mm×n

W (y, ξ) dµ(x,y)(ξ) dy ≥ Whom(∇u(x)) p.p. tout x ∈ Ω, o`u Whom est d´efinie par (3.1.2) ;

(iii)

(x, y) 7→ Z

Mm×n

|ξ|p(x,y)(ξ) ∈ L1(Ω × Q).

Ce r´esultat permet de faire le lien entre trois approches voisines de l’homog´en´eisation, `a savoir la convergence `a double ´echelle (voir Nguetseng [118] et Allaire [2]), la Γ-convergence et les mesures de Young. En effet, la propri´et´e (i) assure que le moment d’ordre 1 de la mesure µ(x,y) n’est autre que la limite double ´echelle de la suite de gradients qui engendre la mesure de Young. La propri´et´e (ii) peut ˆetre r´ecrite de la fa¸con suivante : par int´egration de (i) par rapport `a y ∈ Q, il vient pour tout W ∈ Fp,

Z

Q

Z

Mm×n

W (y, ξ) dµ(x,y)(ξ) dy ≥ Whom

Z Q Z Mm×n ξ dµ(x,y)(ξ) dy  p.p. tout x ∈ Ω.

Il s’agit d’une in´egalit´e de type Jensen faisant intervenir la densit´e d’´energie homog´en´eis´ee obtenue par Γ-convergence. Quant `a la propri´et´e (iii), elle indique que le moment d’ordre p est fini, autrement dit, que l’espace de Sobolev associ´e n’est autre que W1,p(Ω; Rm).

Pour d´emontrer ce r´esultat, nous commen¸cons par localiser le probl`eme, ce qui nous permet de nous ramener `a des mesures de Young homog`enes, i.e., ind´ependantes de la variable x. Ensuite l’argument repose sur une application du Th´eor`eme de Hahn-Banach : celui-ci assure l’impossibilit´e de s´eparer une application µ ∈ L w(Q; M(Mm×n)) satisfaisant Z Q Z Mm×n ξ dµy(ξ) dy = ξ0, Z Q Z Mm×n

W (y, ξ) dµy(ξ) dy ≥ Whom0) pour tout W ∈ Fp, Z

Q

Z

Mm×n

3.1. QUELQUES DIGRESSIONS SUR L’HOMOG ´EN ´EISATION 47 de l’ensemble

Mξ0 :=n

µ ∈ Lw(Q; M(Mm×n)) : {µy}y∈Q est une mesure de Young homog`ene `a double ´echelle engendr´ee par une suite de gradients telle que

Z Q Z Mm×n ξ dµy(ξ) dy = ξ0 o , qui est un sous-ensemble convexe et faiblement* ferm´e dans le dual (Fp) de Fp.

Le Th´eor`eme 3.1.4 est utile pour obtenir une repr´esentation de la densit´e d’´energie homog´en´eis´ee (3.1.2) en terme de mesures de Young `a double ´echelle engendr´ees par une suite de gradients.

Th´eor`eme 3.1.5. Pour tout W ∈ F(Q, α, β, p) et pour tout ξ0∈ Mm×n, on a Whom0) = min µ∈Mξ0 Z Q Z Mm×n W (y, ξ) dµy(ξ) dy. (3.1.4) L’int´erˆet du Th´eor`eme 3.1.5 est qu’il permet d’obtenir une formule pour la densit´e d’´energie ho-mog´en´eis´ee qui n’est plus une formule asymptotique. En effet, (3.1.4) permet de calculer Whomen r´esolvant un seul probl`eme de minimisation (poss´edant toujours des solutions) pos´e sur la cellule unit´e Q, au lieu d’une infinit´e de probl`emes de minimisation (n’admettant en g´en´eral pas de solution) pos´es sur des cel-lules de taille de plus en plus grande dans (3.1.2). Bien entendu, le prix `a payer est de travailler avec des objets plus compliqu´es, `a savoir des mesures de Young, en lieu et place de fonctions de Sobolev.

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