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Chapitre 2 : Caractérisation du modèle : organisation cellulaire et subcellulaire, et régulation du cycle

2.2. Approche expérimentale

Afin d’étudier les mécanismes cellulaires impliqués dans la rupture de la relation symbiotique chez A.viridis, nous avons choisi au préalable de caractériser l’état symbiotique stable. Ce travail préliminaire nous a paru déterminant afin de mieux appréhender les modifications observées lors de conditions qui perturbent l’état symbiotique. Nous avons également étudié les différents mécanismes observés lors d’un stress nutritionnel n’entrainant pas la rupture de la symbiose. En effet, si ce type de stress ne revêt pas d’utilité directe dans la compréhension des mécanismes qui entrainent le blanchissement massif des coraux, il pourrait nous en apprendre davantage sur les mécanismes de régulation tant au niveau de l’hôte que du symbiote, lors de l’association symbiotique. Nous avons ainsi étudié deux stress entrainant la rupture de la symbiose. Premièrement, nous avons suivi la réponse au niveau cellulaire lors d’une augmentation de la température de l’eau de 10°C. Ce type de stress est le plus communément étudié dans la problématique de blanchissement des coraux. Néanmoins, les mécanismes cellulaires et la régulation du cycle cellulaire des symbiotes lors d’un stress hyperthermal chez A.viridis n’ont pas été décrits à ce jour. Le deuxième stress étudié concerne la rupture de symbiose par incubation sérielle d’Anemonia viridis dans du menthol. Cette méthode de blanchissement, récemment mise au point par Wang et ses collaborateurs chez deux espèces de corail (Wang et al., 2012), a montré son utilité dans l’obtention d’individus aposymbiotiques. Le point remarquable est que ce protocole entraine le blanchissement, sans à priori impacter les caractéristiques physiologiques des coraux (photosynthèse), qui restent comparables à celles d’organismes symbiotiques. Néanmoins, ce type de blanchissement n’a jamais été expérimenté chez un Actiniaire et aucune étude n’a permis de déterminer les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués.

Afin de mettre en œuvre ces différents suivis, plusieurs mises au point méthodologiques et expérimentales ont dû être effectuées. Premièrement, nous avons adapté le protocole de blanchissement au menthol sur les spécimens d’A.viridis. A terme, cette nouvelle technique permettra d’obtenir rapidement et avec un taux de succès de 100% des individus aposymbiotiques d’A.viridis. Nous avons prélevé différents types d’échantillons au cours d’une cinétique de 60 jours pour réaliser le suivi à la fois d’individus contrôles et d’individus traités avec les trois types de stress décrits ci-dessus. Deux points de prélèvement, quatre heures et cinq jours post-stress, correspondent respectivement à l’observation de l’initiation des stress appliqués et au

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déclenchement d’une réponse transcriptomique importante dans le cas du stress hyperthermal chez

A. viridis (Moya et al., 2012). Le point de prélèvement à 15 jours correspond à l’arrêt du stress

menthol et le point à 22 jours correspond à l’arrêt du stress température. Le point de prélèvement à 59 jours correspond au point final, quatre semaines post-stress. Afin de suivre les mécanismes cellulaires impliqués dans les différentes conditions entraînant la rupture de symbiose, nous avons prélevé à chaque point de la cinétique, (i) un échantillon biologique permettant le suivi de la population de symbiotes, (ii) un échantillon que nous avons fixé et observé par microcopie électronique, (iii) un échantillon permettant l’analyse globale des métabolites sur coupes de tissus, et (iv), des échantillons permettant de suivre la réponse transcriptomique et protéomique globale des spécimens d’A.viridis. Afin de suivre l’évolution in hospite des modifications moléculaires dans les différentes conditions décrites ci-dessus, nous avons donc mis au point une technique d’inclusion à base de carboxylmethylcellulose (CMC). De façon globale, ce milieu d’enrobage permettra d’effectuer par la suite des expériences de localisation in situ (hybridation in situ, immunolocalisation), mais également des études en protéomique et métabolomique sur coupes de tissu, ces dernières étant exigeantes en termes de neutralité du milieu d’enrobage.

Nous avons également cherché à développer un nouvel outil afin de (v), déterminer le statut métabolique des symbiotes in hospite dans des conditions stables et lors de stress entrainant la rupture de la symbiose. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur le couplage du cycle de synthèse de la cellulose avec les stades du cycle cellulaire chez les Dinoflagellés (Kwok and Wong, 2003; Kwok and Wong, 2010). Ces études ont montré que la synthèse de la cellulose, impliquée dans la mise en place des plaques thécales, avait lieu lors de la phase G1, période du cycle cellulaire associée à la phase mobile des Dinoflagellés et au métabolisme actif des lipides et des glucides. Un premier pic de cellulose est alors atteint à la phase S et marque le maximum de croissance de la cellule, et correspond au passage de celle-ci dans la phase de division. Un autre pic de cellulose est alors mis en évidence lors de l’initiation de la cytokinèse, nécessaire à la formation de la paroi cellulaire des cellules filles (Figure 14) (Kwok and Wong, 2003). Il faut également noter que la concentration de cellulose retrouve un niveau minimum uniquement après deux heures dans la phase G1. Dans cette dernière étude, les auteurs ont utilisé le CalcoFluor White (CFW), initialement proposé par Fritz et Treimer (Fritz and Triemer, 1985) pour marquer la présence des plaques thécales sur des organismes du groupe des Dinoflagellés (Figure 14A). En effet, le CFW interagit avec les béta-polysaccharides tels que la cellulose (Herth and Schnepf, 1980; Hughes and

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McCully, 1975), constituant majoritaire des plaques thécales (Loeblich and Sherley, 1979). Ainsi, l’intensité de fluorescence du CFW a pu être partiellement corrélée avec les stades du cycle cellulaire des Dinoflagellés (Figure 14C). Cette étude montre que l’intensité maximum est observée au cours des phases S/G2/M de division. Ce fluorochrome peut alors être utilisé pour marquer des Dinoflagellés ayant atteint le stade de croissance nécessaire pour passer en phase de réplication.

Ce type de marquage a également été utilisé sur des cultures de Symbiodinium dans le but de mettre en évidence l’alternance des phases mobile et coccoïde lors d’un cycle journalier (Fujise et al., 2014a). Les Symbiodinium en phase mobile présentent alors un marquage positif au CFW alors que les cellules en phase coccoides présentent une absence de marquage.

Figure 14: (A) Schéma de localisation des plaques thécales chez les Dinoflagellés (B) Schéma du cycle cellulaire des Dinoflagellés (C) Corrélation entre le stade du cycle cellulaire des Dinoflagellés et l’intensité de fluorescence du CFW.

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Nous avons donc suivit la modification du cycle de la synthèse de cellulose en utilisant le marquage CFW comme indicateur de l’activité métabolique et du stade du cycle cellulaire des symbiotes in hospite, en condition stable de symbiose mais également lors des différents types de rupture de symbiose précédemment étudiés. En effet, la technique se basant sur la détermination de l’index mitotique par distinction des cellules de symbiote en doublet ou non (Costa et al., 2013; Wilkerson et al., 1988), ne permet pas de séparer les symbiotes en phase G2 des symbiotes en phase G1 mais seulement de distinguer entre des cellules en phase G1/G0/S/G2 et des symbiotes en phase M tardif, seul stade ou la cellule est en cytocinèse. Pourtant, il apparait que le passage de la phase G1 à S est activement contrôlé par l’hôte (Falkowski et al., 1993; Wilkerson et al., 1988) via l’apport de nutriments (Blank and Muscatine, 1987; Neckelmann and Muscatine, 1983; Rees and Ellard, 1989) permettant à la cellule d’obtenir une taille seuil nécessaire au passage vers le cycle de division . Nous avons alors développé ce marquage aussi bien sur des cellules de symbiotes isolés que sur des coupes de tissus d’A.viridis, afin de comparer ces paramètres dans des conditions de symbiose stable avec ceux obtenus lors de la rupture provoquée de l’association. Comme de nombreuses études ont suggéré un contrôle de l’hôte sur le cycle cellulaire des symbiotes (en revue dans Davy et al., 2012), il sera pertinent de pouvoir suivre l’évolution du pourcentage de symbiotes dans les différents stades du cycle cellulaire au cours de différentes conditions expérimentales.

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