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2.2 LES APPORTS DE LA DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE : LES THEORIES D’APPRENTISSAGE

2.2.1 APPROCHE DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

Les réflexions développées par la didactique professionnelle seront exposées pour deux raisons :

- Afin d’analyser les relations entre la didactique professionnelle et les didactiques des disciplines.

- Parce que la didactique professionnelle permet l’analyse des situations de formation, d’un point de vue théorique (théorie de la conceptualisation dans l’action) et d’un point de vue méthodologique (notamment pour les situations de formation avec simulateur).

20 Nous utiliserons le terme situation de formation, pour nous référer à la situation didactique, objet d’étude des

didacticiens, dans un contexte particulier : celui de la formation universitaire. La situation est définie par Brousseau (1988, p 314) comme étant « une relation entre une interaction et une connaissance engagée dans le jeu […] ».

2.2.1.1 Ruptures et filiations entre didactique de disciplines et didactique professionnelle La didactique professionnelle a comme objectif l’étude du développement des compétences chez les apprenants en situation de formation. Elle a longtemps mis en avant son intérêt pour les situations plutôt que sur les savoirs. Récemment, par les problématiques qu’elle aborde, la didactique professionnelle se rapproche des didactiques disciplinaires et certains chercheurs en didactique professionnelle ont caractérisé les ruptures et les filiations entre les deux approches.

Commençons par les ruptures :

Les objectifs sont différents : selon Munoz (2006) (d’après Samurçay et Pastré (1998)), en

didactique professionnelle les objectifs sont d’ordre pragmatique et en didactique des disciplines d’ordre épistémique. Vergnaud (2008) élargit cette posture à la question de la référence. Pour lui les caractéristiques d’un métier sont différentes de celles d’une discipline et donc les problématiques abordées sont aussi différentes.

L’organisation de la formation est différente, d’après Pastré (2005)

« On se pose toujours le problème de savoir autour de quoi est organisée une formation. Elle peut être organisée autour de savoirs. La logique de construction consiste alors à construire un ordre d’apprentissages qui permet d’assimiler les connaissances, en allant du simple au complexe, ou des concepts fondamentaux aux applications et inférences qu’on peut en faire. Par contre la formation peut être organisée autour des situations représentatives d’un métier. Dans ce cas, c’est la situation qui est principe organisateur et qui amène à faire appel, en tant que de besoin, c'est-à-dire de manière assez opportuniste, à des connaissances appartenant à des domaines variés, et qui ne mobilisent pas forcement l’ensemble de chaque savoir disciplinaire. » (Ibid., p 6)

Munoz (2006) analyse les textes de Pastré (1999) et identifie une troisième rupture liée aux

objets d’étude. Pastré (1999) distingue l’origine des objets des deux disciplines : dans la

didactique professionnelle, les objets relèvent des champs de pratiques, alors que dans les didactiques des disciplines, ils relèvent des champs conceptuels. Faudra t-il spécifier quelles disciplines, puisque dans la technologie, les activités physiques et sportives, l’informatique, etc les objets relèvent parfois des deux champs en même temps. Pastré indique dans sa réflexion qu’ «une situation n’est pas entièrement réductible au problème qu'elle porte» (Ibid, p 27). Dans ce sens, il note que l’intelligence des situations englobe l’intelligence conceptuelle, qui devient ainsi un outil pour le diagnostic de la situation. Pastré (1999) ajoute que le lien entre situation et conceptualisation est central et cela permet, selon Munoz (2006), de se rapprocher d’une situation didactique.

Le souci de rapprochement entre la didactique professionnelle et les didactiques des disciplines est relativement récent. Munoz (2006) signale que si la dette de la didactique

professionnelle envers les didactiques des disciplines a été reconnue très tôt, les éléments en commun ont été peu caractérisés. A travers les différents écrits, issus des recherches en didactique professionnelle, nous avons identifié trois éléments en commun :

- La relation génétique (Munoz, 2006). « La didactique professionnelle intègre dans son

cadre théorique les éléments centraux de Piaget et Vygotski sur le développement cognitif21 » (Rogalski, 2004).

- La centration de l’apprentissage sur les situations et la forme opérative et prédicative

de la connaissance.

Ces deux éléments sont mis en relation par Vergnaud (2008):

« […] les apprentissages académiques et professionnels concernent tous deux la connaissance, sa forme opératoire et sa forme prédicative, […]. Dans les situations qui ont une finalité explicite d’apprentissage, les individus n’ont pas d’autre voie, pour apprendre, que de s’adapter à ces situations et de développer de nouvelles formes d’organisation d’activité, comme ils le font dans la vie quotidienne lorsqu’ils sont confrontés à des situations nouvelles. » (Ibid., p 51).

On poursuit maintenant avec les éléments théoriques autour de la notion d’apprentissage et de la Conceptualisation dans l’Action.

2.2.1.2 L’apprentissage

La notion d’apprentissage développée par Pastré, s’inscrit dans une théorie plus large qui est la théorie de la conceptualisation dans l’action et constitue l’objet du paragraphe suivant. Pastré (2007, p 83) identifie le doublet savoir-connaissances comme objet porteur de l’action, en utilisant la distinction empruntée à Brousseau (1998)22. Il revendique (Pastré, 2007, p 90) une position centrale de la médiation (et donc du rôle de l’enseignant) dans le processus d’apprentissage, et s’inspire de Vygotski (1995 [1934]) dans la considération de l’apprentissage comme « un mouvement qui permet de passer de l’externe à l’interne […] du savoir considéré comme un patrimoine au savoir considéré comme une ressource interne » (Pastré, 2007, p 90). Il est important pour cet auteur, de comprendre la dialectique établie entre les éléments du doublet savoir-connaissance dans le processus d’apprentissage, qui

21 Dans ce sens, Rogalski (2008, p 237) signale comment « l’articulation des cadres théoriques de Piaget et

Vygotski enrichit une approche développementale constructiviste sur les acquisitions conceptuelles et sur la formation et l’évolution des compétences, en précisant les convergences sur le développement, quant à ces facteurs, sa temporalité, et au rôle des instruments psychologiques cognitifs ».

22 Le savoir est un ensemble d’énoncés validés par une communauté scientifique ou professionnelle, il a donc

une dimension objective. Les connaissances représentent les ressources cognitives dont dispose un sujet. Elles possèdent donc une dimension subjective. (Brousseau, 1998)

aboutirait « quand le savoir-artefact23 est transformé en savoir-instrument (au sens de Rabardel), c'est-à-dire, intériorisé par le sujet et intégré à ses schèmes ».

Dans la considération de l’apprentissage comme une activité, Pastré (2007, pp 83-84) lui confère cinq caractéristiques :

- peut concerner une activité (apprentissage professionnel) ou un savoir (apprentissage scolaire) (Ibid., p 83).

- « ne consiste pas à accumuler des savoirs mais à configurer ou reconfigurer ses ressources cognitives » (Ibid., p 83).

- est une activité de conceptualisation. La conceptualisation étant pratiquement invisible et interne, on peut la saisir par ses résultats exprimés par la résolution et par la justification des problèmes (Ibid., p 83).

- est lié à la transmission d’un patrimoine. La dimension sociale d’un savoir va être transmise en fonction des constructions que les humains effectuent de ces savoirs (Ibid., p 83).

- combine une activité productive (qui transforme le réel, et devient le moyen), et une activité constructive (par laquelle le sujet se transforme en transformant le réel et qui est le but dans l’apprentissage). La tâche sert de support à l’activité productive qui constitue l’apprentissage. L’apprentissage fonctionne ainsi selon deux registres : pragmatiques et épistémiques, qui seront explicités par la suite (Ibid., p 83).

2.2.1.3 La conceptualisation dans l’action

La théorie de la conceptualisation dans l’action a été développé au sein de la didactique professionnelle (Pastré 1992, 1999, Samurçay et Pastré, 1995 et autres), afin d’«étudier les représentations, les raisonnements, les stratégies des […] (opérateurs) dans une perspective de […] formation au sens plus large ».

Cette théorie s’est inspirée au départ de la théorie opératoire de Piaget (Pastré, 1999). Deux propositions ont été retenues : la première affirme que l’action est une connaissance autonome ; la deuxième avance que la prise de conscience est un véritable travail de conceptualisation. Pastré (1999) insiste sur l’importance de la première proposition en affirmant que « la conceptualisation est à l’œuvre dès le moment de la coordination agie » (Ibid., p 15). Il met l’accent sur l’importance des apports de Vergnaud : la notion de schème et

23 C’est ainsi que la distinction entre savoir patrimoine et savoir intériorisé par le sujet est intégrée dans la théorie

ses composants analytiques. Celle-ci a été développée dans le cadre de la théorie des champs conceptuels. Très brièvement, cette théorie a pour objectif de

« Fournir un cadre qui permette de comprendre les filiations et les ruptures entre connaissances, chez les enfants et les adolescents, en entendant par connaissances aussi bien les savoirs faire que les savoirs exprimés. » (Vergnaud, 1990, p 135)

En effet, pour Vergnaud, comme nous l’avions indiqué dans le paragraphe 2.2.1, les sujets organisent leurs actions en fonction des situations qu’ils rencontrent et auxquelles ils doivent faire face. Vergnaud (1990) introduit la notion de schème comme :

« L’organisation invariante de la conduite pour une classe de situations donnée. C’est dans les schèmes qu’il faut rechercher les connaissances en acte du sujet, c'est-à-dire les éléments cognitifs qui permettent à l’action du sujet d’être opératoire » (Ibid., p 136)

Un autre apport de cette théorie est l’introduction de l’analyse (Pastré, 1999) qui permet de distinguer les composantes d’un schème. Le concept de schème permet de comprendre le passage entre les deux registres de la connaissance : le registre épistémique et le registre pragmatique (Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006). Ces deux registres présents dans la connaissance ont utilisés la Théorie de la Conceptualisation dans l’Action.

La connaissance dans sa forme prédicative, permet «d’identifier dans le réel les objets, des propriétés de ces objets, des relations entre ces objets et ces propriétés » (Ibid., p 158). Dans sa forme opératoire, la connaissance permet de prélever des informations dans le réel et d’adapter l’action. Il faut souligner que ces deux formes cohabitent au sein de la même structure du cognitif (Ibid., p 158). Dans son application dans un domaine concret d’activité, les deux formes de connaissances vont s’exprimer selon deux registres de conceptualisation :

1. Le registre épistémique « a pour but de comprendre, en identifiant dans une situation donnée, ses objets, leurs propriétés et leurs relations [… La conceptualisation consiste] à identifier les relations de détermination qu’on peut établir entre les principales variables constitutives du système» (Ibid., pp 159).

2. Le registre pragmatique « a pour but la réussite de l’action […], dans le cas de la conceptualisation, (elle) va avoir pour but d’établir une sémantique de l’action […] et donc à relier les prises d’information sur la situation au répertoire de règles d’action disponibles » (Ibid., pp 159)

Pastré (1999) relie ces registres épistémique et pragmatique et reprend la distinction de l’ergonomie entre tâche (externe au sujet, objectif) et activité (point de vue du sujet, subjectif) afin d’introduire la notion de structure conceptuelle de la situation.

Ainsi, dans la prise en compte du domaine d’activité, « pour le registre pragmatique, on pourrait faire la différence entre la « structure conceptuelle d’une situation » d’une part et le « modèle opératif » d’autre part », (Pastré, 2008, p 15). La structure conceptuelle est définie, « du point de vue de la tâche et pour une situation donnée, comme l’ensemble de concepts

organisant l’action et servant à la guider » (Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006, p 159). Du point de vue de l’activité, la notion de modèle opératif « désigne la représentation que se fait un sujet d’une situation dans laquelle il est engagé pour la transformer » (Ibid., p 160).

Dans le registre épistémique, les équivalents de la structure conceptuelle d’une situation et du modèle opératif sont le « savoir portant sur un domaine » et le modèle cognitif qui « désigne la représentation qu’un sujet se fait d’un domaine en termes d’objets, de propriétés et de relations, […] » (Ibid., p 160).

Par la théorie de la conceptualisation dans l’action, on peut étudier l’évolution des modèles opératifs et cognitifs et les articulations entre eux, dans une démarche d’apprentissage.

2.2.1.4 Caractérisation des situations de formation avec simulateurs

Dans cette partie, nous caractérisons la formation avec simulateurs informatiques et nous nous limitons aux simulateurs développés avec une démarche inspirée de la didactique professionnelle.

L’apprentissage par simulation est un apprentissage par l’action et par les situations de travail (Pastré, 2005). La simulation permet la reproduction (partielle) d’une situation professionnelle, avec une certaine fidélité, qui permet un apprentissage applicable à la situation prise comme référence. Nous parlons de reproduction partielle, même si comme l’affirme Leplat (2006) : « la situation de simulation […] a des caractéristiques propres qui achèvent de modifier le contexte de travail » (Ibid., p 38).

Samurçay (2005) développe un modèle pour étudier le fonctionnement des situations de formation avec simulateur. Elle met en lumière un double processus de médiation entre d’une part le sujet et la situation, et d’autre part entre le sujet et l’instructeur. Elle distingue deux moments dans la médiation effectuée par l’instructeur : la transposition, en tant que transformation de la situation de référence, et la gestion des situations.

Pour Pastré (2005), les simulateurs ont été développés initialement avec une philosophie réaliste, en cherchant la fidélité maximale avec la situation de référence. La didactique professionnelle a ensuite permis d’envisager le simulateur comme « un instrument qui va servir de support à une activité » (Ibid., p 79). L’activité qui résulte permet un apprentissage qui a d’abord été visé par la simulation, par ajustement de la situation de référence : « Dès lors, on peut concevoir un simulateur qui retiendra principalement un aspect de l’activité, l’aspect sur lequel on va provoquer l’apprentissage » (Ibid., p 80). Les simulateurs de conception permettent de simuler les étapes intermédiaires du développement d’un produit.