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2.3 Les Hautes Chaumes

2.3.4 Approche écologique

La végétation des Hautes Chaumes foréziennes, derrière son apparente monotonie, révèle une hétérogénéité majeure au niveau des communautés qui la constituent (Etlicher et al. 1993). Au-dessus de la limite supérieure de la forêt, naturelle ou artificielle, de nombreux groupes végétaux s’expriment en fonction de la diversité des conditions stationnelles d’une part et de l’exploitation pastorale actuelle et passée d’autre part (Thébaud 1990).

Des contraintes écologiques fortes ont donc entraîné l’expression de biotopes diversifiés et spécialisés d’une grande richesse biologique, caractéristiques de l’étage montagnard supérieur ou même ponctuellement de l’étage subalpin.

L’exploitation pastorale est avancée comme étant déterminante de la nature ligneuse ou herbacées des différentes formations végétales (Thébaud 1990) :

des landes dominées par les abrisseaux nains : myrtille, callune, genêt poilu, représentant généralement des stades d’abandon pastoral ;

des pelouses ou prairies témoignant d’une certaine exploitation pastorale.

Des exceptions existent cependant, et à l’intérieur de chaque grand type, des différences floristiques et structurales se manifestent. Celle-ci sont principalement dues aux facteurs du milieu (Thébaud 1990).

Trois grands types de landes sont les plus représentés :

Au dessous de 1450-1500 m, on constate l’omniprésence de la callunaie-génistaie à myrtilles (Calluna vulgaris, Cytisus scoparius, Vaccinium myrtillus) où l’on rencontre d’autres espèces strictement montagnardes telles que le fenouil des Alpes (Meum athamanticum), le gaillet des rochers (Galium saxatile), la jonquille (Narcissus pseudonarcissus), la gentiane jaune (Gentiana lutea), la bistorte (Polygonum bistorta) (Thébaud 1990). Ce groupement est généralement très pauvre, présentant de nombreuses espèces acidophiles. Il se développe à toutes expositions dans des conditions topographiques peu contrastées (Thébaud 1990). Cette lande peut être fortement transformée par l’exploitation pastorale. On obtient alors des pelouses, prairies ou landes ouvertes, formations très différentes de la callunaie-génistaie de départ mais pouvant se rattacher phytosociologiquement à ce groupement du fait du caractère extensif de l’exploitation (Thébaud 1990) ;

la lande à airelles des marais et alchémilles des rochers (Vaccinium uliginosum, Alchemilla saxatilis) est pauvre en espèces : aux deux expèces précédentes s’ajoute le trèfle des alpes (Trifolium alpinum). Elle se

différencie de la précédente par trois espèces strictement subalpines. Les trois arbrisseaux de la callunaie-génistaie à myrtilles sont toutefois bien représentés et peuvent en fonction des conditions topographiques locales se trouver dominants (Thébaud 1990). Ce groupement assez répandu dans les Hautes Chaumes supérieures apparaît comme une association en équilibre avec les conditions climatiques et topographiques générales, un « climax climatique » non arboré, caractérisant l’étage subalpin en Haut-Forez et relayant, aux plus hautes altitudes, les forêts de hêtres (Thébaud 1990) ;

la myrtillaie herbeuse à bétoine est une lande caractérisée par une grande richesse en espèces et par la dominance de la myrtille qui peut former des peuplements quasi exclusifs. Elle se différencie des deux types précédents par la présence d’espèces thermophiles et d’espèces à affinités atlantiques (Thébaud 1990). Cette association est liée à un enneigement relativement long (entre 5 et 6 mois) garantissant une bonne alimentation en eau et une protection efficace contre les grandes gelées ainsi qu’une exposition favorable.

Il existe également deux grands types de pelouses et broussailles (hormis celles d’origine anthropique qui se rattachent généralement, d’un point de vue phytosociologique, à l’un des trois types de landes cités ci-dessus) (Thébaud 1990). Il s’agit des groupements naturels dominés par les herbacées mais où les arbustes et arbrisseaux existent en proportion non négligeable (Etlicher et al. 1993) :

la calamagrostidaie à sorbiers constitue le représentant d’un type prairial thermophile présente dans toutes les parties supra-sylvatiques des moyennes montagnes européennes subatlantiques. Cette prairie subalpine naturelle comporte plusieurs espèces de sorbiers et possède une grande richesse en espèces de groupes écologiques divers (des thermophiles, des prairiales relativement exigeantes en matières nutritives, des mésohygrophyiles et des acidophiles (Etlicher et al. 1993). L’association est liée à des micrclimat d’abri dans un contexte climatique général de forte humidité atmosphérique et de vents rigoureux ;

la mégaphorbiaire à adénostyles et fougères alpestres est une formation dominée par des espèces herbacées volumineuses exigeantes en eau et en matières nutritives, et riche en fougères alpestres. Cette formation est caractérisée par une forte biomasse herbacée : elle comprend un grand nombre d’espèces eutrophiques et compte un cortège non négligeable d’orophytes à optimum subalpin. Elle occupe les ruptures de pentes humides et longuement enneigées au-dessus de 1500m, conditions dues surtout au niveau des expositions Nord-Est des cirques de névés hérités de la période glaciaire. Ces pelouses sont cependant peu représentées et restent très localisées (Etlicher et al. 1993).

Les fumades foréziennes constituent un type de prairies de fauche bien particulier du fait de leur localisation topographique et de leur système d’exploitation pastorale très caractéristique (D’Alverny 1907). Elles sont localisées à proximité des jasseries. Ces dernières sont des unités d’exploitation servant d’abri pour les bêtes, leurs gardiens et les réserves de nourriture. Ils s’agit également d’ateliers de fabrication de la fourme avec leur cave d’affinage et son entrepôt à fromage. Ces jasseries sont les sources de l’engrais pour la fertilisation des fumades (Damon 1972). En effet, les fumades reçoivent, pendant la durée de l’estive, les excréments du troupeau et les eaux de lavage de l’étable et, régulièrement fertilisées et fauchées, elles font l’objet d’améliorations tant que la jasserie est fréquentée (Etlicher et al. 1993). Même après plusieurs années d’abandon, les fumades restent fortement individualisées : la production y est supérieure et elles forment une unité phytosociologique et floristique au sein de l’ensemble des prairies des montagnes Ouest-Européenne (Thébaud 1990).

Enfin, les Hautes Chaumes possèdent des milieux humides surtout représentés par les tourbières acides, les températures basses et la forte humidité favorisant le développement et l’extension des sphaignes.

Parmi ces milieux, une très forte proportion relève d’habitats d’intérêt communautaire imbriqués de manière complexe. Seize habitats ont été identifiés : landes et pelouses sèches, prairies de fauches de montagne, formations à hautes herbes, plusieurs types d’habitats tourbeux, des hêtraies et des sapinières à forte naturalité et enfin des

milieux rocheux (Jacqueminet et al. 2002). Ces milieux constituent autant de foyers de vie pour des espèces d’intérêt communautaire :

3 bryophytes : Buxbaumie verte (Buxbaumia viridis), Bruchie des Vosges (Bruchia vogesiaca), et Hamatocaulis vernicosus ;

2 lédidoptères : Damier de la Succise (Euphydryas aurinia) et Apollon du Forez (Parnassius apollo francisci) ;

1 amphibien : Crapaud des joncs (Bufo calamita) ;

4 chiroptères : Barbastelle (Barbastella barbastellus), Murin de Bechstein (Myotis bechsteini), Petit Murin (Myotis blythii) et Grand Murin (Myotis myotis).

Mais les Hautes Chaumes constituent par ailleurs un sanctuaire pour de nombreuses autres espèces rares ou menacées d’oiseaux, de papillons ou de plantes.

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