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7.1.1 Connaissance du Pélodyte

Je me suis amusée à relire le sujet de thèse déni au départ par Patrice et Pierre-André. Les résultats attendus étaient nombreux : 1) quantier les paramètres de métapopulation (eectifs ecaces, système de reproduction, dispersion), 2) déterminer si les diérentes périodes de reproduction correspondent à des stratégies xées pour chaque individu ou à des réponses opportunistes aux variations environnementales, 3) évaluer la contribution relative des pontes d'automne et de printemps dans la production de juvéniles et étudier les diérences de traits larvaires entre les cohortes 4) estimer la survie juvénile.

J'étais agréablement surprise de découvrir que j'avais peu dévié du sujet et que la majorité des objectifs étaient atteints. Détaillons rapidement.

Le Pélodyte se reproduit bien à la fois en automne et au printemps et la patron observé est également conrmé par l'analyse de la base de données Languedoc-Roussillon mise au point par Philippe Geniez et Marc Cheylan (Figure7.1et Figure7.2). Nous montrons, de plus, que le Pélodyte produit plus d'÷ufs en automne et du coup plus de juvéniles. Donc la reproduction d'automne n'est pas juste une bizarrerie mais réellement une stratégie ecace. Cependant, de façon générale, le Pélodyte (comme beaucoup d'amphibiens) se reproduit presque pour rien. Le taux de production de juvéniles à partir d'÷ufs est de l'ordre de quelques pourcents.

Cette grande variation dans la survie s'ajoute à une large variation dans le nombre de pontes produites lors d'un événement de reproduction. En eet, les sites utilisés pour la reproduction varient énormément en taille, donc en nombre de reproducteurs présents et nalement en nombre d'oeufs pondus. Ceci complique énormément l'analyse des va-riations d'eorts de ponte et de survie larvaire : beaucoup de bruits au milieu desquels on cherche des eets potentiellement faibles. Il faudrait sans doute travailler sur des sites beaucoup plus similaires pour réduire un peu ce problème (mais les sites choisis étaient

176 CHAPITRE 7. CONCLUSION

Figure 7.1  Quantité de pontes de Pélodyte observées pendant l'année en Languedoc-Roussillon)

Figure 7.2  Quantité de larves de Pélodyte observées pendant l'année en Languedoc-Roussillon)

7.1. APPORTS DE CETTE THÈSE 177 volontairement contrastés pour mettre en lumière de potentielles adaptations locales) ou accumuler plus de données.

Ainsi nous n'avons pas trouvé d'eet de la prédation ou de la compétition sur la survie larvaire mais il peut y en avoir. De même, l'eet de priorité entre les cohortes d'automne et de printemps est observé sur la survie larvaire totale alors qu'il semblerait que l'impact des têtards d'automne sur les cohortes de printemps se fasse plutôt à l'éclosion (d'après nos observations de terrain). On peut espérer déterminer plus clairement les eets en analysant les résultats de la troisième année de suivi phénologique.

La reproduction automnale est ecace en terme de production de juvéniles (nombre absolu et survie) mais produit surtout des juvéniles plus grands et plus tôt que la re-production printanière. On peut penser que cela leur donne un avantage sélectif mais il faudrait tester proprement cette hypothèse à l'aide, par exemple, de marquage des juvé-niles, suivi de recapture lors des reproductions suivantes.

Les diérences observées entre les traits larvaires des têtards d'automne et de prin-temps proviennent uniquement de la plasticité phénotypique en réponse aux conditions environnementales très diérentes pendant le développement. Les têtards d'automne ont un gain de croissance (alors que la diérenciation a cessé) pendant l'hiver. Il existe ce-pendant des diérences génétiques entre les mares : même élevés ensemble en conditions contrôlées, des individus issus de plusieurs mares vont présenter des diérences de traits larvaires en fonction de leur origine. Ces diérences peuvent être issues de diérences génétiques entre sites ou simplement à des eets maternels liés à l'environnement dans lequel se trouvent les femelles.

Chez le Pélodyte, les reproductions d'automne et de printemps ne correspondent pas à l'existence de deux sous-populations temporelles ayant des stratégies de reproduction xées. L'existence de stratégies aléatoires peut répondre à la dénition du bet-hedging : dans ce cas, on attend que l'eort de reproduction d'un individu soit partagé entre les deux épisodes de pontes pour minimiser le risque d'avoir choisi systématiquement la mau-vaise saison. Il est cependant probable que le Pélodyte présente uniquement une réponse opportuniste : soit il est capable de se reproduire à la fois en automne et au printemps (sans limitation énergétique) et en prote ou alors il ne peut se reproduire qu'à une seule saison et ceci ne dépendra que de son état énergétique à un moment donné. En eet, on peut supposer que le Pélodyte est incapable de stocker des réserves pour les utiliser plus tard ou que les femelles ont déjà ovulé avant d'arriver sur les mares. Dans ce cas, elles ne peuvent pas reporter la ponte et vont donc se reproduire même si les conditions sont na-lement peu favorables. D'ailleurs, le Pélodyte a une tendance opportuniste, risque-tout : il se reproduit dans des aques d'eau qui s'assèchent quelques jours plus tard (allant même jusqu'à accrocher ses ÷ufs à un vieux ressort ou à les poser sur un caillou lorsqu'il ne trouve pas de support végétal adéquat). Peu d'autres espèces prennent autant de risques dans des milieux très temporaires à part le Crapaud calamite qui utilise des milieux en-core plus éphémères.

178 CHAPITRE 7. CONCLUSION

Enn, malgré la taille limitée des populations et la fragmentation de l'habitat, les co-hortes de têtards ne présentent pas de fort niveau de consanguinité, ni de large variation du niveau de consanguinité entre individus qui auraient pu provoquer des corrélations entre hétérozygotie et tness. Par contre, nous avons observé une corrélation négative entre la croissance des têtards et leur niveau d'hétérozygotie, phénomène qui suggère de la dépression hybride mais nous avons trop peu d'éléments pour discuter cette hypothèse. Le faible eectif de reproducteurs induit une forte structuration en famille dans les co-hortes de têtards et ce qui provoque des corrélations entre allèles et phénotypes (pour la croissance et la survie).

Le Pélodyte a révélé, bien malgré lui, quelques uns de ses petits secrets mais il en reste. Quelques travaux sont encore en cours pour les percer et d'autres études peuvent être envisagées dans le même but.

7.1.2 Vision évolutive

Le contexte général de cette thèse était la réponse des traits d'histoire de vie à des variations spatiales et temporelles de la sélection naturelle. Petits rappels :

Deux mécanismes principaux permettent de s'adapter à des changements environnemen-taux : la plasticité et la microévolution. Lorsque des populations sont réparties dans des environnements contrastés, on peut s'attendre à observer de l'adaptation locale. Ce phé-nomène se met en place s'il y a peu de plasticité phénotypique et peu de ux de gènes. De plus, des variations temporelles de l'environnement auront tendance à diminuer l'adap-tation locale et favoriser des stratégies plastiques.

Dans le cadre de cette étude, je me suis surtout intéressée aux variations temporelles (plus particulièrement saisonnières) de l'environnement. J'ai montré qu'il y avait des ux de gènes entre cohortes de têtards pondus à diérentes saisons. Nos résultats suivent alors les attendus théoriques, les diérences de traits larvaires ne reètent pas une diver-gence génétique en réponse à diérentes niches temporelles. De plus, les reproductions d'automne et de printemps ne sont pas associées à des sites diérents donc il ne s'agit pas non plus d'adaptation locale entre milieux contrastés. Ici, les variations des traits larvaires sont dues à une forte plasticité phénotypique et répondent à des conditions en-vironnementales très contrastées issues de choix plastiques des reproducteurs. Joly et ses collègues avaient montré une canalisation de la taille à la métamorphose chez le Pélodyte

[Joly et al., 2005] et nous montrons que cette canalisation est, en quelque sorte, levée

lorsque les variations de l'environnement sont très importantes.

Lorsque les variations temporelles de l'environnement sont imprévisibles, des straté-giesbet-hedgingpeuvent se mettre en place. Chez le Pélodyte, on pourrait envisager deux types de stratégies bet-hedging : une diversiée où les individus répartissent aléatoire-ment leur eort reproductif entre l'automne et le printemps à l'intérieur d'une année ; une

7.2. TRAVAUX EN COURS ET PERSPECTIVES 179

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