-‐ la non proportionnalité et l’inadaptation de la mesure de soins sans consentement est incriminée dans 14% des cas ;
-‐ l’adhésion aux soins et l’absence de preuve de l’impossibilité de consentir aux soins dans 10% des cas ;
-‐ l’adhésion aux soins et l’amélioration de l’état de santé du patient dans 7% des cas ;
-‐ l’absence de preuve de l’état de dangerosité du patient dans 6% des cas ;
Si « le placement non fondé » et « l’irrégularité de la décision administrative » sont deux catégories relativement explicites, et pouvant se rapprocher, dans notre étude, de « critères d’admission non remplis » et de « motifs administratifs » ainsi que les sous catégories de « délais écoulés », « absence de documents », les autres catégories de ce rapport sont moins claires, faute de précision. En effet, en quoi « la non proportionnalité et l’inadaptation de la mesure de soins sans consentement », « l ‘adhésion aux soins et l’absence de preuve de l’impossibilité de consentir » et « l’adhésion aux soins et l’amélioration de l’état de santé du patient » sont différents de l’absence de fondement du placement, et donc, qu’inclut réellement la catégorie « placement non fondé » ? De ce fait, la comparaison statistique des fréquences a peu de sens.
4. Apports et perspectives
L’apport de ce travail est important, puisqu’il s’agit d’un travail qui dresse une liste des différents motifs de mainlevée des mesures de soins sans consentement avec un regard pragmatique. Il permet ainsi de rendre ces résultats intelligibles à toute personne confrontée aux soins psychiatriques sans consentement, quelle que soit sa formation en droit. L’originalité et l’intérêt de ce travail repose également sur la volonté d’établir des recommandations, afin de pallier les mainlevées prématurées qui peuvent occasionner, dans certains cas, des conséquences sur l’état de santé des patients concernés, mais aussi, des dépenses supplémentaires pour les hôpitaux et l’État, en cas de procédures de contentieux administratifs pour des hospitalisations illégales, par le versement de dommages-‐intérêts pour les patients [153]. A titre d’exemple, la cour d’appel de Paris a condamné en 2015 l’État (puisqu’il s’agissait d’une HO) à verser à une patiente la somme de 27.000€ [155]. Les
arrêtés préfectoraux avaient été annulés par le tribunal administratif quelques années auparavant. Ainsi, la patiente a obtenu 20.000€ pour la privation de liberté et l’atteinte à sa vie familiale, 2.000€ pour le défaut de notifications des droits, et 5.000€ au titre de la réparation de l’administration de traitements sous contrainte. Autre exemple, le tribunal de grande instance de Pontoise a indemnisé un homme, victime d’une hospitalisation en péril imminent déclarée irrégulière par le cour d’appel de Versailles, à 3.000€ en réparation du préjudice moral subi [156]. Par conséquent, les dommages-‐intérêts peuvent rapidement atteindre des sommes conséquentes, dans un contexte actuel où les avocats assistent et représentent désormais systématiquement les patients et se forment de plus en plus au droit psychiatrique.
De nombreuses perspectives se dessinent à la lumière de nos résultats.
Comme nous l’avons dit, afin de pouvoir donner un poids quantitatif aux différents motifs identifiés, la réalisation d’une étude à l’échelle régionale voire nationale serait très intéressante. De plus, la réalisation d’autres études portant sur un type de motif permettrait une analyse plus fine de ce dernier, grâce à une meilleure caractérisation. On pourrait par exemple, envisager une étude s’intéressant à la motivation des certificats médicaux initiaux, en étudiant tous les certificats initiaux réalisés sur une période d’un an et en s’attardant sur les termes employés pour justifier une mesure de soins sans consentement, et plus particulièrement lors du recours aux mesures exceptionnelles, dans le but d’établir des critères de qualité dans la rédaction des certificats. On pourrait alors déterminer si les certificats émanant des psychiatres sont de meilleures qualité que ceux émanant de médecins non psychiatres. Par ailleurs, on pourrait aussi imaginer, pour compléter ce travail de motivation des certificats médicaux, une étude portant sur les attentes des JLD lors de la lecture des certificats, et leur compréhension des certificats. Dans le même esprit, on pourrait concevoir une étude portant sur les raisons du manquement à l’obligation d’information et de recueil des observations des patients, et ainsi déterminer si l’information est délivrée sans preuve, par défaut de traçabilité, ou si elle n’est pas du tout délivrée, et, dans ce dernier cas, tenter de déterminer ce qui explique cette défaillance. Ce travail pourrait passer par des auto-‐questionnaires à destination des équipes soignantes portant sur leurs connaissances de la loi et du contenu de l’information, mais aussi à destination des patients, afin de mieux identifier leurs attentes, et ainsi adapter le contenu des messages et informations délivrés. Ainsi, des outils adaptés pourraient être mis en place et ces outils
pourraient être d’intéressants indicateurs à réévaluer plus tard dans le cadre d’un audit de qualité.
Enfin, d’autres travaux épidémiologiques mériteraient d’être réalisés afin d’expliquer les disparités géographiques des mainlevées. Nous avons été frappés de constater que de nombreuses mainlevées proviennent de certaines villes comme Versailles alors qu’à Tours elles semblent moins fréquentes. Sur les 117 décisions judiciaires, 45 proviennent de Versailles. Plusieurs hypothèses explicatives peuvent dès lors être faites : Versailles concentre un tribunal de grande instance et une cour d’appel, ce qui n’est pas le cas de Tours puisque la cour d’appel est à Orléans. Le département d’Indre et Loire est constitué de 7 secteurs psychiatriques alors que le département des Yvelines est constitué de 18 secteurs psychiatriques, ainsi les hospitalisations psychiatriques sont plus nombreuses en valeur absolue dans les Yvelines et donc les mainlevées également. Les avocats sont peut-‐être plus nombreux et mieux formés au droit psychiatrique et adhèrent peut-‐être plus au CRPA, ce qui occasionne à la fois des mainlevées véritablement plus nombreuses, et explique la parution fréquente de ces mainlevées sur le site du CRPA.
Par conséquent, de nombreux travaux restent à faire pour expliquer et préciser ce phénomène récent de mainlevées, afin d’élaborer et d’adapter au mieux les mesures correctives.
IV. Recommandations pratiques pour limiter les mainlevées
Nous avons choisi d’organiser cette partie selon le même plan que celui de la section résultats, en abordant pour chacune des 13 catégories de motifs, les recommandations possibles.
A. Critères d’admission non remplis
Concernant ce motif de levée, important en nombre mais aussi du fait qu’il repose la question de l’indication même de l’utilisation d’une mesure de soins sans consentement, il conviendrait de sensibiliser les médecins, susceptibles d’avoir à remplir de tels certificats, sur les éléments attendus par la personne qui lira ce certificat, en l’occurrence le JLD qui n’est pas médecin, et c’est probablement là que réside la difficulté de cette tâche. Une première partie sera dédiée aux recommandations et conseils généraux face à la rédaction des certificats médicaux de toutes mesures de soins psychiatriques sans consentement, et la seconde partie aux cas particuliers de certaines mesures.
La Haute Autorité de Santé a lancé en fin d’année 2015 un groupe de travail sur la rédaction des certificats médicaux dans le cadre de mesures de soins sans consentement [157].